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Actualités

Campagne politico-économique en faveur des privatisations

Sans vouloir prendre parti dans un conflit de pouvoir, des hommes d’affaires et des politiciens (les deux labels n’étant du reste pas inconciliables) plaident avec force en faveur des privatisations et des titrisations. À leurs yeux, l’important n’est pas de batailler pour des crédits supplémentaires destinés au social, dans le cadre du budget 2004. Mais bel et bien d’infléchir la courbe ascendante du déficit et de la dette publique. Pour se rapprocher des engagements pris à Paris II. Et, du coup, obtenir le versement des aides étrangères gelées à ce jour.
La lutte s’avère ardue. En effet, nul n’ignore que plus on se rapproche de l’échéance présidentielle, plus les tensions entre tenants d’influence risquent de s’aggraver. C’est ce que souligne du reste un cadre officiel. Qui prévoit que l’année sera dure pour des Libanais qui n’ont d’ailleurs pas été gâtés depuis l’avènement de la présente république. Le même responsable indique que la population, déjà exsangue, va sans doute subir bien des déboires. Tandis que la dynamique économique, déjà vacillante, s’acheminerait vers un degré de croissance zéro ou même négatif. Cela en partie parce que le bras de fer entre dirigeants ne peut qu’empêcher le lancement du mouvement de réformes prôné par le régime. Et qui s’inscrit d’ailleurs parmi les promesses faites aux donateurs lors de Paris II. Ce qui signifie que la lutte contre la corruption ainsi que la modernisation de l’Administration resteraient à l’état de slogan.
Ponctuellement, les regards se tournent vers la séance que le Conseil des ministres doit consacrer au projet de budget. Il se répète que le chef de l’État compte présenter une mouture profondément modifiée (par les soins d’une équipe de spécialistes), articulée sur la promotion des prestations sociales. Les cercles politiques estiment, en base des rapports de force numérique au sein de l’actuel cabinet, que la proposition Lahoud a de bonnes chances de l’emporter. Surtout que Hariri répète qu’il veut éviter la confrontation. Et souligne que son ministre des Finances, Fouad Siniora, a préparé à dessein un projet minimal, de routine, pour que les autres parties prenantes prennent, justement, la responsabilité d’options à caractère populiste, sinon démagogique. Le message s’énoncerait en d’autres termes de la sorte : « Vous voulez dépenser pour vous gagner l’opinion publique ? Soit. Prenez-en l’initiative. Pour notre part, nous nous y refusons, car cela enfoncerait le pays financier et économique encore plus dans le rouge. » Mais cela à mots soigneusement couverts.
Car, après les flambées médiatiques épisodiques de la semaine passée, Hariri est revenu sur sa ligne initiale de défense : ne pas rechercher les heurts. Pour bien le prouver, il s’est rangé lors de l’incident Obeid (qui s’est vu reprocher une absence du reste justifiée : il avait rendez-vous avec les ambassadeurs des cinq Grands) aux côtés du chef de l’État. Le président du Conseil a en effet développé un speech assez surprenant. Selon des témoignages fiables, il a déclaré que la présidence de la République est une ligne rouge que nul n’est autorisé à outrepasser. Ajoutant qu’il n’admet pas des allusions ou des manœuvres à ce propos. Et que la règle numéro un est le respect de cette haute instance.
Cette attitude a conduit nombre de ministres à penser, d’abord, que les relations entre les deux présidents sont en bonne voie de normalisation. Mais ils ont dû déchanter très vite. Car les prémices de lune de miel n’ont pas duré 24 heures. Le Conseil des ministres à peine terminé, certains lahoudistes se sont lancés dans de virulentes attaques anti-Hariri. L’intéressé a alors réagi, selon ses proches, en affirmant qu’il est patient comme Job. Mais que ce personnage biblique n’a jamais été décrit comme étant sourd-muet. Ce qui signifie que le président du Conseil ne compte pas rester bras croisés et bouche cousue, une fois que la vraie bataille politique aura commencé. Et même avant, car Hariri soutient qu’il donnera l’alerte chaque fois que des décisions auront été prises au détriment des intérêts bien compris du pays. Ou en marge des impératifs légaux comme des mécanismes normaux des institutions. Il conclut, sans avoir l’air de trop y croire, que le mot d’ordre devrait être aujourd’hui la cohésion, la solidarité des dirigeants, face à la situation critique que le Liban et la Syrie affrontent. Les politiciens qui avaient espéré une éclaircie en ont conclu que le mal, trop profond, est décidément, et absolument, irrémédiable.
Pour en revenir à la nouvelle pomme de discorde, le budget, des indépendants déplorent que des fuites, des spéculations, aient été diffusées quant à l’adoption d’un texte remanié par les soins du régime. Ces ministres, qui se défendent de prendre parti pour Hariri, relèvent d’abord que tout dépendra des débats. Ensuite, qu’objectivement, il est assez évident que le problème n’est pas d’assurer de meilleures prestations sociales. Mais de garder la flèche du déficit sous contrôle. En tentant de conforter les ressources du Trésor, plutôt que ses dépenses. Selon les données prévisionnelles fournies à Paris II, le Liban aurait déjà dû réduire de 25 % au moins la charge que représente le service de la dette publique, c’est-à-dire le paiement des intérêts aux créanciers de l’État (les bons du Trésor notamment). Il n’en a rien été, bien au contraire même, car la dette s’est encore accrue. Selon les mêmes sources, comme l’abîme appelle l’abîme (le fameux abyssus abyssum invocat des Romains), le Liban, en ne rééquilibrant pas son budget, a perdu beaucoup de sous. Comme les 60 millions de dollars que le Fmi lui aurait versés s’il avait été up to date dans ses engagements. Ces fonds étaient destinés à créer des collèges techniques, domaine où le Liban est également en déficit. Le gros morceau de gâteau manquant se monte à quelque 1,9 milliard de dollars. En effet sur les 4,4 milliards promis, 2,5 à peu près ont été versés. Les deux tiers du restant devaient être consacrés à des projets de développement. Avances bloquées essentiellement à cause d’un déficit (toujours ce mot) de confiance dans des autorités libanaises qui ne font que se chamailler. Et le font même sur les destinations exactes des fonds promis, qui ne savent donc où aller ! Partant de là, les ministres cités soulignent derechef que la question à traiter en priorité reste la dette publique, les moyens de l’alléger et du même coup de réduire le déficit du budget. Ce qui signifie qu’il faut mettre en branle les privatisations et les titrisations.
Philippe ABI-AKL
Sans vouloir prendre parti dans un conflit de pouvoir, des hommes d’affaires et des politiciens (les deux labels n’étant du reste pas inconciliables) plaident avec force en faveur des privatisations et des titrisations. À leurs yeux, l’important n’est pas de batailler pour des crédits supplémentaires destinés au social, dans le cadre du budget 2004. Mais bel et bien...