Rechercher
Rechercher

Actualités

La tension entre Baabda et Koraytem de plus en plus médiatisée Débat interministériel sur le budget et fronde sociale : la semaine s’annonce sombre pour Hariri

Les fréquents déplacements du Premier ministre, Rafic Hariri, à l’étranger n’ont pas contribué à atténuer outre mesure la tension, de plus en plus médiatisée, entre Baabda et Koraytem. Le président Émile Lahoud et M. Hariri n’ont raté aucune occasion ces derniers jours de se lancer des pointes soigneusement placées qui en disent long sur l’état de leurs relations, au départ très peu chaleureuses.
Les critiques formulées de part et d’autre ont été axées durant la semaine écoulée sur les dossiers du projet de budget et des privatisations. Le chef du gouvernement a reproché, d’une manière à peine voilée, aux milieux de Baabda d’avoir entravé le processus de privatisation et d’avoir provoqué, de ce fait, l’élaboration d’une loi de finances reflétant « la réalité politique dans le pays », c’est-à-dire une situation de crise, de stagnation et de blocage. Le président Lahoud n’a pas tardé à rétorquer en affirmant que « le temps où certaines parties pouvaient mettre la main sur les services publics est révolu ». Le chef de l’État a poussé ses griefs à l’égard de la politique économique de M. Hariri jusqu’à se demander à quoi cela servirait de construire des autoroutes si la jeunesse du pays émigre en masse. Et, parallèlement, les sources de Baabda ont filtré à la presse des indications dont il ressort que le président Lahoud reproche au projet de budget 2004 de négliger un peu trop le domaine social et les secteurs productifs, tels que, notamment, l’agriculture.
Ces critiques, reprises à leur propre compte par les milieux du président de la Chambre, Nabih Berry, pourraient être au centre d’un débat fiévreux au cours des deux réunions extraordinaires que le gouvernement tiendra demain, mardi, et mercredi prochain en vue d’examiner le texte de la loi de finances élaboré par M. Fouad Siniora. Les ministres proches du président Lahoud et de M. Berry pourraient demander à M. Siniora de réviser sa copie de manière à accroître les crédits alloués au social et aux secteurs productifs. Le chef de l’État aurait même chargé à cet égard une équipe de travail de plancher sur le projet de budget. À la lumière des conclusions de cette commission d’experts, le président Lahoud pourrait, selon certaines sources, proposer une nouvelle structure de la loi de finances, dans le sens d’une nouvelle répartition des crédits, sans toutefois que cela entraîne une augmentation du déficit budgétaire qui resterait fixé aux alentours de 30 pour cent.
Si ces informations se confirment, l’attitude du président de la République constituerait en quelque sorte un précédent en la matière. Lors de la formation du précédent cabinet Hariri, un accord tacite, une sorte de « gentleman agreement », avait été convenu entre Baabda et Koraytem : la politique resterait du ressort de la présidence de la République, alors que le volet économique demeurerait la chasse gardée de M. Hariri (ce qui explique que le chef du gouvernement a maintenu son contrôle sur les portefeuilles des Finances et de l’Économie). Ce partage des rôles a été globalement maintenu avec le gouvernement actuel mais les milieux de Baabda en sont venus parfois à se plaindre qu’ils n’étaient même pas informés au préalable des décisions économiques prises par le chef du gouvernement.
Si le chef de l’État propose réellement demain ou mercredi prochain une nouvelle mouture du projet de budget, il aura alors repris l’initiative sur le plan économico-financier et il aura ainsi transposé sa partie de bras de fer avec Koraytem sur le propre terrain de M. Hariri, à savoir l’économie et les finances. Les signes avant-coureurs d’une telle tactique s’étaient d’ailleurs déjà manifestés à la faveur de la bataille du cellulaire, le dossier étant passé dès le départ sous le contrôle d’un ministre proche de Baabda.
Fait significatif : les débats des prochaines quarante-huit heures sur la loi de finances seront suivis, jeudi, d’un vaste mouvement de grèves et de manifestations, à l’initiative de la CGTL qui redécouvre subitement sa vocation syndicale, après une longue période d’hibernation. Le malaise social est, certes, bien réel et la crise frappe à toutes les portes et n’épargne aucun secteur. Mais à en juger par l’étonnante mobilisation de certains partis et fractions qui sont au cœur de l’establishment politique en place (Amal, PSNS, Baas prosyrien, Hezbollah, etc.), il est difficile de croire que le débrayage du 23 octobre est totalement étranger aux considérations politiciennes du moment. De là à établir un lien entre la présente fronde sociale et les critiques conjuguées du président Lahoud et de M. Berry à l’égard de la politique économique de l’équipe Hariri, il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs n’hésitent pas à franchir.
Quelle que soit l’issue des soubresauts politico-socio-financiers des prochains jours, la tension entre les pôles du pouvoir, plus particulièrement entre Baabda et Koraytem, risque fort bien d’aller crescendo au cours de la prochaine étape. Ne sommes-nous pas, après tout, à un an de l’échéance présidentielle ?
Michel TOUMA
Les fréquents déplacements du Premier ministre, Rafic Hariri, à l’étranger n’ont pas contribué à atténuer outre mesure la tension, de plus en plus médiatisée, entre Baabda et Koraytem. Le président Émile Lahoud et M. Hariri n’ont raté aucune occasion ces derniers jours de se lancer des pointes soigneusement placées qui en disent long sur l’état de leurs relations,...