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SPECTACLE - « Écoute, la respiration des mémoires » : un bel écrin à la poésie de Nadia Tuéni La petite fille, nous… et la mort (photo)

Au théâtre Monnot, un spectacle bâti sur trois solides charpentes : la poésie, la chorégraphie et la scénographie. Une poésie complexe, peuplée d’images et d’interrogations ; une chorégraphie tantôt souple, tantôt brusque, épousant parfaitement le verbe ; et une scénographie géométrique, épurée mais riche en symbolismes. Écoute, la respiration des mémoires, adaptation et réalisation de Lina Abiad et May Ogden-Smith, fait plus que s’inspirer de l’œuvre poétique de Nadia Tuéni. Mieux encore : c’est un spectacle qui fait figure d’écrin. Un écrin sobre dans sa splendeur, faisant ressortir les nuances et les subtilités d’une écriture unique, à la fois légère comme un nuage cotonneux et lourde comme une ombre menaçante.
«Entrer en poésie, c’est évoquer… Faire de la poésie, c’est à chaque fois recréer le langage, revêtir constamment d’une éternelle jeunesse l’univers qui nous entoure et dont nous sommes partie. Faire de la poésie, c’est se libérer de toute contrainte.» C’est en ces termes que Nadia Tuéni exprimait sa conception de la poésie. Sol noir, écran blanc en fond de scène, arbre décharné suspendu d’un côté et « femme en fleurs assise sur ses souvenirs » de l’autre.
Le spectacle commence par une soirée dansante dans un jardin. La fête est interrompue par l’entrée d’une petite fille. Une adorable fillette à la mèche blonde qui aime particulièrement les contes de fées. Apparaissent alors les personnages en blouses blanches… La petite fille est malade. Les médecins tentent, en vain, de freiner la progression de la maladie…
«Reviendras-tu si je disais
la terre est au bout de tes doigts
comme une branche calcinée et déjà refroidie?»
Ainsi, quatre mois après le décès de sa fillette, c’est la naissance du premier recueil de Nadia Tuéni: Les textes blonds. Sur scène, les personnages sont assis, en cercle, sur des petits tabourets en bois et paille. Ils se souviennent de la fille trop tôt disparue. Les souvenirs repassent, comme un lancinant leitmotiv. Tantôt oiseau, elfe, âme ailée, tantôt géranium bleu, fleur, enfant-dieu…
Puis la guerre, juin 1967 (surgissent les poèmes de Juin et les mécréantes) … En 1972, Nadia Tuéni publie Poèmes pour une histoire, un recueil primé par l’Académie française. Le poète y présage les événements horribles et le désastre qui va perturber le pays en avril 1975. Terres saccagées. Rimes bouleversées.
« Ils sont morts à plusieurs
c’est-à-dire chacun seul
sur une même potence qu’on nomme territoire… »
Liban, vingt poèmes pour un amour paraît à Beyrouth en 1979 sans nom d’éditeur. Nadia Tuéni tente d’éterniser l’image de son pays au passé glorieux dans vingt tableaux qui portent le nom des différentes villes et régions libanaises. En vingt poèmes, elle essaie de dépeindre le paysage libanais, lui attribuant des dimensions intérieures. Ces villes, situées pour la plupart sur le littoral ou dans la montagne libanaise, sont des villes ancrées dans l’histoire. Beyrouth, Byblos, Tripoli, Saïda, Tyr : elles ont toutes les pieds dans l’eau de la Méditerranée, cette mer qui unit différentes régions géographiques autour de son aura.
Archives sentimentales d’une guerre au Liban fut publié à Paris en 1982 aux Éditions Pauvert. Dans ce recueil, l’agonie du pays est en harmonie avec celle du poète dont la mort devient prochaine.
Cette mort qui hantera la poétesse toute sa vie et dont elle souffrira, et qui se manifestera toujours dans ses écrits, comme dans sa Pièce en plusieurs poèmes et plusieurs titres.
Elle : « Tu crois que l’on ne meurt qu’une fois ? »
La voix : « Ce serait trop facile. »

Maya GHANDOUR HERT

Théâtre Monnot, rue de l’Université Saint-Joseph, jusqu’au 13 octobre puis du 16 au 19 octobre, 20h30.
Au théâtre Monnot, un spectacle bâti sur trois solides charpentes : la poésie, la chorégraphie et la scénographie. Une poésie complexe, peuplée d’images et d’interrogations ; une chorégraphie tantôt souple, tantôt brusque, épousant parfaitement le verbe ; et une scénographie géométrique, épurée mais riche en symbolismes. Écoute, la respiration des mémoires, adaptation et...