Cette « âme humaine » (The Soul of a Man) est en fait celle de trois hommes, Blind Willie Johnson, Skip James et JB Lenoir. Les trois hommes ont eu une influence prépondérante sur la vie du réalisateur, « enfant de Cannes », festival qui lui offrit la Palme d’or pour Paris, Texas et où il est présent cette année comme président du jury de la Caméra d’or.
« Pendant l’été 67, ma vie a été bouleversée par l’écoute de l’album Crusade de John Mayall et ses Bluesbreakers », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. « Sur le disque, figurait une chanson particulièrement émouvante, intitulée The Death of JB Lenoir, racontant la mort de ce musicien », a-t-il ajouté. « J’ai alors voulu savoir qui était ce personnage. »
Une quête qui, comme pour de nombreux représentants de la génération du « Baby Boom », conduisit à remonter l’histoire de la musique populaire du XXe siècle jusqu’à un de ses berceaux, le delta du Mississippi. Ce fut la capitale de ces bluesmen noirs dont l’influence sera déterminante dans les années 60 sur la vie et l’œuvre de dizaines de gamins blancs, entre Londres, Newcastle et Dublin : Rolling Stones, Eric Clapton, Animals, Them, Yardbirds, Led Zeppelin...
La musique, un carburant
La musique a toujours été un des carburants de l’art de Wenders, depuis ses débuts avec Summer in the City (1971, dont le titre est emprunté à un tube des Lovin’ Spoonful), jusqu’à The Million Dollar Hotel (2000, inspiré par Bono de U2), en passant par Lisbonne Story (1995, nourri par le néo-fado de Madredeus). Wenders lui doit aussi deux des succès majeurs de sa carrière : Paris, Texas, baigné par les plaintes de la guitare « slide » de Ry Cooder, et Buena Vista Social Club (dont Cooder a été le maître d’œuvre musical), qui a fait de vieilles gloires du « son » cubain quasi oubliées (Compay Segundo, Ibrahim Ferrer...), des stars internationales.
Wim Wenders n’a pas tenté de faire un Buena Vista Blues. Et pour cause : ses trois héros sont morts et enterrés depuis longtemps. C’est parce qu’on n’a pas payé sa dette à ces « passeurs » que Wenders a voulu les honorer. Comme il n’existe aucune photo de Blind Willie Johnson et très peu de documents sur les deux autres, Wenders a usé de la fiction.
Il utilise à la fois des documents d’époque (notamment les enregistrements légendaires, réalisés en 1931, des chansons qui permettront un demi-siècle plus tard à Skip James d’entrer dans les livres d’histoire), et des images tournées aujourd’hui. Il a ainsi filmé avec des caméras à manivelle des années 20 les jeunes bluesmen-acteurs qui interprètent ces musiciens, synchronisant l’ensemble avec les musiques d’origine. Le processus, a-t-il rappelé, n’aurait pas été possible il y a quelques années lorsque les technologies numériques n’existaient pas. Le tout est rythmé par les prestations de musiciens contemporains (Beck, Nick Cave, Los Lobos, Lou Reed, Cassandra Wilson...), qui rendent ainsi un peu ce que leurs aînés leur ont offert.
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