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Le tollé contre le projet Siniora s’étend au camp loyaliste

Pendant que la région est au bord de l’embrasement, les professionnels du cru, qui n’ont évidemment aucune prise sur les grands événements, continuent à meubler leur horaire de travail avec des jeux de société. Ou de kermesse. La dernière attraction à la mode, c’est de lancer des balles de caoutchouc contre Siniora. Pris littéralement pour tête de Turc non seulement par les opposants, mais aussi par nombre de loyalistes non haririens. Dans ce contexte (bonjour la cohésion du système et du pouvoir), c’est même Berry qui mène la partie !
En effet, le président de la Chambre (qui est un polyvalent, puisqu’il dispose de nombre de représentants au sein du Conseil des ministres) a profité de sa visite édénique sur les bords du Bardawni pour sonner les cloches à Siniora. En lui reprochant d’avoir fait cavalier seul dans la préparation du budget. Sans consulter ses pairs (dont, bien évidemment, les hommes de Berry) sur les besoins (le joli mot que voilà) de leurs ministères. Selon Berry, le projet de budget 2004 est déséquilibré. Et de plus, il constituerait un piège posé au Conseil des ministres comme à la Chambre des députés. Un texte qui, à son avis, a été rédigé pour provoquer des disputes entre les responsables. Le chef du Législatif constate, pour s’en indigner, que le budget gomme les projets de production, dont les études restent gelées. Il s’étonne ensuite que Siniora ait pu soutenir que le Liban avait médit de Paris II et n’avait pas tenu les engagements pris lors de cette conférence de sauvetage.
Face à ces attaques, Hariri se contente d’une riposte plutôt passive. Il s’abstient de faire l’éloge du projet Siniora, qu’il défend pour ainsi dire par défaut. En soulignant que le texte reflète la réalité courante (entendre, sans doute, la paralysie que ses contempteurs infligent au gouvernement) et non les ambitions légitimes de redressement. Il ajoute que ceux qui souhaitent continuer à dépenser sans compter (l’allusion est claire), doivent emprunter ou trouver des ressources nouvelles pour le Trésor, afin que le déficit budgétaire ne soit pas encore aggravé.
Rappelons, à ce propos, que Siniora a prévu deux tableaux comptables. L’un (27 % de déficit) avec les privatisations et la titrisation. L’autre sans (31 % de déficit). Comme il s’agit de chiffres simplement prévisionnels, les Finances se permettent d’être optimistes. On sait en effet que le budget de l’année en cours, prévu avec un déficit de 25 %, a crevé depuis longtemps le plafond des 38 %, et on n’est encore qu’aux trois quarts du chemin.
Quoi qu’il en soit, pour éviter d’être impliqué dans les querelles d’influence, Siniora a opté pour un projet de routine neutre. Il laisse aux autres la responsabilité d’amender le texte. Et c’est bien ce qui semble devoir se passer. Des sources informées indiquent que le chef de l’État s’oppose à l’absence de crédits pour les projets de développement ou pour les prestations sociales. Il précise qu’un budget qui se limite aux dépenses salariales trahit la dynamique de production qui incombe à l’État en tant qu’animateur de la croissance économique nationale. Selon les mêmes sources, le président Lahoud a demandé à des spécialistes de plancher sur le projet, pour suggérer des retouches de fond.
D’autres voix s’élèvent pour que l’État lutte enfin contre le gaspillage et ferme les robinets, ce qui n’est apparemment pas le cas dans le projet Siniora, qui conserve les crédits alloués à certains organismes parasitaires notoires. Sans compter les dépenses somptuaires extravagantes.
Ainsi un ministre révèle, en privé, que l’une des institutions, qui relèvent en principe de son département, a vendu récemment sa flotte de véhicules, encore neufs, pour acquérir un autre parc, bien plus luxueux, ce qui a coûté des millions de dollars au Trésor. Il note que les voitures, dites de fonction, sont toutes ou bien des 4x4 ou bien de grandes berlines. Alors qu’en réalité elles servent uniquement à des trajets urbains et pourraient bien n’être que de petites voitures. Pour ce cadre ministériel, il y a anguille sous roche dans cette affaire qui sent la grosse commission.
De son côté, un directeur d’école publique note que l’on dépense 25 millions de livres libanaises pour doter les examinateurs officiels de stylos-billes, alors que la facture ne devrait pas excéder les 10 millions. Il souligne que le gaspillage s’étend à toutes les fournitures possibles et imaginables dans le secteur de l’enseignement public. Mais aussi, bien entendu, à tous les secteurs de l’État. Avec souvent de bien gros morceaux, comme les bâtiments publics loués, les caisses ou conseils fantômes, les indemnisations, les adjudications, le mobilier, la santé, les surnuméraires, etc.
En tout cas, Siniora a maintenant placé la balle dans le camp de l’Exécutif. Qui devrait remanier sa copie avant de la transmettre à la Chambre.

Philippe ABI-AKL
Pendant que la région est au bord de l’embrasement, les professionnels du cru, qui n’ont évidemment aucune prise sur les grands événements, continuent à meubler leur horaire de travail avec des jeux de société. Ou de kermesse. La dernière attraction à la mode, c’est de lancer des balles de caoutchouc contre Siniora. Pris littéralement pour tête de Turc non seulement...