Rechercher
Rechercher

Actualités

Interview - « Sfeir a besoin de partenaires », affirme l’ancien secrétaire général du PCL Georges Haoui tente de lancer le pari de la réconciliation nationale(photo)

Au moment où le processus de « désertification » bat son plein sur la scène politique libanaise, décidément en porte-à-faux avec la dynamique de changement qui anime toute la région, Georges Haoui multiplie les contacts et les entrevues avec l’opposition, le pouvoir, les cercles économiques, les intellectuels, les syndicats et les ONG: l’ancien secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL) est bien déterminé à briser le statisme ambiant.
M. Haoui a décidé de repartir en campagne pour défendre son projet d’organisation d’un congrès de réconciliation nationale. Un projet qu’il avait déjà tenté de mettre sur pied il y a deux ans sans rencontrer, à l’époque, beaucoup d’échos favorables dans les rangs du pouvoir.
Selon lui, le Liban souffre de deux « maladies » : l’une, « chronique », est le confessionnalisme politique, l’autre, « aiguë », est la « médiocrité de la classe politique libanaise ». « Nous vivons à l’ombre d’un régime déficient caractérisé par une classe politique corrompue », estime-t-il. « Or, avec tous les changements qui se produisent sur la scène régionale, la “main” qui tient ce régime devient de plus en plus faible. Dès que la mainmise commence à se relâcher, l’équilibre intérieur est menacé et, partant, la coexistence faute de véritable réconciliation nationale. Taëf était un phénomène positif imposé par une volonté arabe et américaine, un implant cardiaque. Il fallait l’accompagner d’un Taëf intérieur basé sur une réconciliation nationale, englobant toutes les parties politiques et confessionnelles qui ont participé à la guerre civile, héros ou victimes », poursuit-il.
« Taëf a été appliqué d’une manière sélective : nous sommes passés d’un déséquilibre en faveur des chrétiens à un déséquilibre favorisant les musulmans. Résultat : l’on pave la voie à une nouvelle guerre civile : pas nécessairement entre chrétiens et musulmans parce que les chrétiens ont renoncé à cela, mais entre sunnites et chiites. Le spectre d’un tel conflit se dessine sur le plan régional, du Pakistan à Ouzaï », estime Georges Haoui.
Selon lui, deux changements principaux se sont produits sur la scène politique : En premier lieu, la stratégie de la résistance armée au Liban-Sud n’est plus viable, et pourrait mener aujourd’hui à une occupation israélo-US du Liban. Ensuite, « il n’est plus possible de garantir la paix civile par la menace d’une guerre civile. En d’autres termes, la Syrie ne peut plus arguer de la présence palestinienne ou de celle du Hezbollah pour maintenir ses troupes au Liban. Cela conduirait aussi à une intervention israélo-américaine». Par conséquent, la réconciliation s’impose par elle-même parce que « la sécurité est d’essence politique et découle d’un accord interlibanais et libano-syrien ». Et le moteur, pour Georges Haoui, est un congrès de réconciliation sous le parrainage du président Émile Lahoud, qui doit déboucher sur un programme d’union nationale. « J’essaye de répandre la culture et les traditions du dialogue et de la démocratie », dit-il.

Trois niveaux de discussion
Le congrès, tel que le perçoit M. Haoui, traiterait trois niveaux différents. Le premier niveau concerne les constantes nationales à réaffirmer: unité, souveraineté, arabité du Liban, respect des libertés et des droits de l’homme, relations fraternelles entre Beyrouth et Damas dans le respect des spécificités de chacun des deux pays, et poursuite de la lutte à long terme contre Israël aux plans économique, culturel et politique.
Le second niveau concerne l’introduction de réformes à l’accord de Taëf. « Dans ce cadre, la loi électorale a la priorité. Sans réforme radicale et démocratique de cette dernière, tout autre réforme est illusoire et donnera des résultats inverses. » Autres réformes nécessaires, selon lui, celles qui touchent aux relations entre les pouvoirs, à commencer par le rôle de la présidence de la République, « qui doit être précisé », pour en arriver à la justice et à l’Administration, en passant par le Parlement et le Conseil des ministres.
Le troisième niveau concerne la formation du haut comité pour l’abolition du confessionnalisme déjà prévu par Taëf, et qui « doit être présidé par le président Émile Lahoud puis par son successeur ». « Ce n’est pas une question qui dépend d’un décret-loi ou qui peut être écartée. Il faut en discuter franchement et élaborer un agenda sur 20 ou 30 ans », estime-t-il, en avançant cette métaphore : « Il faut ouvrir deux comptes en banque : l’un est national, l’autre est communautaire. Le compte national est actuellement déficitaire, alors que celui des communautés est florissant. Il faudra retirer chaque année équitablement 5 % du compte des communautés pour les transférer au compte de la patrie. Dans 20 ans, les comptes seront égaux : on sera libanais avant d’appartenir à une communauté. Le but n’est d’ailleurs pas d’abolir les communautés ». Mais, souligne-t-il, « sans les réformes politiques, tout autre réforme partielle jouera un rôle négatif ».

Entre initiative et réaction
Georges Haoui affirme que son projet de dialogue et de réconciliation a été accueilli chaleureusement et soutenu par toutes les parties avec qui il s’est entretenu, notamment le président Lahoud et le patriarche Sfeir.
Il y a deux ans, l’ancien secrétaire du PCL avait fait une démarche similaire, sans rencontrer d’échos favorables, mais il pense que cette fois, les responsables doivent agir. « Cela fait longtemps que j’appelle au dialogue. J’en ai payé le prix, avec le PCL, en étant écarté de ce pouvoir “confessionnel”. D’autres partis du Mouvement national, comme le Baas, le PSNS, Amal ou le PSP, ont malheureusement pris part au pouvoir et se sont montrés pires que ceux qu’ils critiquaient par le passé », dit-il, en fustigeant « ceux qui ont cherché à s’assurer une place sur le navire sans savoir dans quel sens va ce navire ». « Ceux qui ont eu le courage de se demander dans quel sens vogue la galère ont été mis de côté : le PCL, Michel Aoun, Samir Geagea, Kornet Chehwane », relève-t-il. « D’ailleurs, une partie de ma démarche vise à améliorer les conditions de détention de Samir Geagea en prélude à sa libération et à paver la voie à un dialogue pour le retour du général Aoun », ajoute M. Haoui.
« Traditionnellement, l’initiative était chrétienne et la réaction musulmane, sauf du temps du Mouvement national, mais ce dernier a échoué. Aussi bien le projet de Béchir Gemayel que celui de Kamal Joumblatt ont échoué. C’est là que Taëf a émergé, créant un pouvoir à domination musulmane, qui a lui aussi échoué et dont la principale réalisation était la libération, qui n’a pas été capitalisée. Et l’on ne peut rien attendre actuellement du pouvoir en place. Avec le manque d’initiative chez les chrétiens, le pays a sombré dans la paralysie. Or le synode maronite a recréé une nouvelle dynamique, en dépassant le communautaire en faveur du national. Aux plans idéologique et historique, le synode a été beaucoup plus loin que Kornet Chehwane, qu’il a rendu caduc », estime Georges Haoui. Et, selon lui, il faut tendre la main aux initiatives du patriarche, loin des « mauvaises langues »: « Mgr Sfeir n’a pas besoin d’éloges. Il a besoin de partenaires. »
En d’autres termes, « à la lumière des nouveaux changements, il convient d’en finir avec les oppositions partielles, telles que Kornet Chehwane ou le Forum démocratique », et miser sur la société civile. « Si la réconciliation de la Montagne n’a pas abouti, c’est aussi parce qu’elle reposait sur des bases confessionnelles. Si Walid Joumblatt a viré de 180°, ce n’est pas uniquement en raison des pressions du pouvoir. Or, c’est après ce virage que les élections du Metn ont été falsifiées et que la MTV a été fermée », dit-il.
C’est dans un cadre national, hors des sentiers communautaires, hors du binôme pouvoir-opposition, que Georges Haoui entend placer sa démarche en espérant que cette fois, les Libanais, toutes tendances confondues, oseront, par-delà tous leurs mauvais génies, tenter le pari de la réconciliation nationale.

Michel HAJJI GEORGIOU
Au moment où le processus de « désertification » bat son plein sur la scène politique libanaise, décidément en porte-à-faux avec la dynamique de changement qui anime toute la région, Georges Haoui multiplie les contacts et les entrevues avec l’opposition, le pouvoir, les cercles économiques, les intellectuels, les syndicats et les ONG: l’ancien secrétaire général du...