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Étude - Cinquième rapport de l’Observatoire de la paix civile au Liban Chose publique en régression et citoyenneté en alerte

L’Observatoire de la paix civile au Liban, créé en 1999 et qui relève de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, vient de publier, pour la cinquième année consécutive, son rapport annuel, fruit d’une « grille de 120 indicateurs du pacte libanais de coexistence », d’une recherche documentaire et d’un débat groupant plus de vingt universitaires, chercheurs et acteurs sociaux.
Il ressort du rapport que les autorités publiques véhiculent des valeurs négatives et que des problèmes d’intérêt général sont souvent confessionnalisés dans un but de blocage, de clientélisme ou de profit. Une situation de non-droit qui, avec les événements du 7 août 2001, garde un impact fort négatif quant à la participation citoyenne et la confiance dans les institutions. Par contre, la société, en 2002-2003, à travers les manifestations et les rites de commémoration du 13 avril, affiche plus d’immunité et une nette contrition à l’encontre d’une mécanique historique de répétition d’une guerre civile ou interne.
Le texte est centré sur trois points : l’inventaire des faits préjudiciables à la consolidation de la paix civile, les actions positives en faveur de la coexistence et les perspectives d’action. En voici les principales observations résumées par le professeur Antoine Messarra :

Insatisfaction et affaiblissement des défenses civiles
Le rapport relève sept faits principaux :
1. Insatisfaction démocratique : il ressort de plusieurs enquêtes, dont celle de l’Observatoire de la démocratie au Liban, un haut niveau d’insatisfaction démocratique, génératrice de frustration, d’un syndrome de perte de confiance et de dé-participation.
2. Politique du déni : le Liban n’a pas encore effacé de sa mémoire les souvenirs de la guerre de 1975-1989, qualifiée encore pudiquement d’« événements ».
3. Régression de la chose publique : le discours sur l’unité nationale et l’intégration camoufle le fond du problème, qui réside dans la promotion de l’espace public, des intérêts vitaux, communs, quotidiens et partagés.
4. Politisation confessionnelle des clivages : ce processus consiste à donner un cachet confessionnel à un problème d’intérêt général dans un but de mobilisation, de blocage ou de profit. Il s’accentue par l’effet du repli ou de la subordination des syndicats et des partis. C’est ainsi que des problèmes sont posés, non en eux-mêmes, mais de façon détournée.
5. Régression des défenses de la société civile : les syndicats, et principalement la CGTL, qui avaient mené une résistance civile contre la guerre, connaissent une léthargie nuisible à la vitalité de la société civile.
6. Intolérance parmi la jeunesse : des manifestations de fanatisme sont dues notamment à des cloisonnements dans des institutions scolaires et universitaires, mais aussi à des phénomènes mondiaux de repli identitaire. Il ne faut pas cependant exagérer le phénomène, car le Liban demeure dans toute la région l’espace privilégié et concret d’un dialogue intense et quotidien.
7. Blocage des nouveaux programmes d’enseignement de l’histoire : ces programmes, élaborés dans les années 1996-2000 sous l’égide du professeur Mounir Abou Asli et qui sont le fruit d’un consensus en profondeur, ont été bloqués, bien qu’ils aient été approuvés par décret.

Contrition et conflit
intraconfessionnel
Le rapport relève cinq points positifs dans la consolidation d’une culture de paix civile :
1. La commémoration, qualifiée cette fois de contritionnelle, du 13 avril.
2. La solidité du patrimoine constitutionnel libanais malgré les assauts d’une gouvernance débridée.
3. La prédominance d’une compétition intraconfessionnelle, familialiste et tribale plutôt qu’interconfessionnelle.
4. Les programmes entrepris par le ministère d’État pour la Réforme administrative.
5. L’absence du pari extérieur en vue d’une exploitation de la scène libanaise pour opérer un changement régional, la scène libanaise n’étant plus considérée politiquement « rentable ». Mais le Liban demeure cependant otage d’un conflit régional.

Culture et mémoire
pour demain
Le rapport propose dix perspectives d’action :
1. Institution de rites de commémoration et de contrition nationale : il s’agit surtout d’étendre ces rites dans les différents mohafazats, d’aménager un musée de la mémoire et la poursuite de la réclamation d’un monument au centre-ville pour les disparus.
2. Inventaire de la littérature vivante sur la guerre : cet inventaire est en cours d’élaboration dans le cadre de l’Observatoire avec un projet de publication d’une « Anthologie sur l’autre visage du Liban ».
3. Épuration des vocables et des concepts : une certaine terminologie, comme confessionnalisme, réconciliation nationale, dialogue national..., n’est pas toujours innocente. Elle se déploie souvent de façon conflictuelle, polémique et programmée.
4. Mise en application des nouveaux programmes d’histoire : cette application devrait cependant être entreprise conformément à l’esprit de ces programmes, à la méthode de leur élaboration et grâce à un leadership consensuel et avisé.
5. Appellation nominative des choses et des personnes : les critiques répétées contre « l’État » cachent une dérobade dans la détermination des responsabilités. Si un fonctionnaire municipal faillit à sa tâche, on incrimine « l’État », le pacte national... Si le clientélisme sévit, on impute la responsabilité à la IIe République de Taëf... Il en découle que tous les problèmes de bonne gouvernance sont noyés dans des récriminations et des généralités équivoques sur le Pacte et la Constitution. Une telle pratique, qui déculpabilise les politiciens au pouvoir, est incompatible avec les principes de contrôle et de transparence.
6. Pas de repli dans l’action civique : des expériences récentes et comparatives, dont celle de Leoluca Orlanda, dans la ville de Palerme (Italie), montrent les chances de la résistance civile contre de puissants réseaux de mafia. Il ressort de l’expérience qu’il ne peut y avoir de repli dans l’action civique et qu’il faudra « informer et remoraliser la société ».
7. Service militaire : des expériences cumulées devraient être analysées dans le but de dégager des orientations et des pratiques qui consolident l’expérience libanaise de convivialité auprès de la jeune génération.
8. Promotion du débat public local et d’une culture d’autonomie : ce débat, surtout au niveau municipal, avec des réalisations apparemment modestes, redonne confiance et « capacitation » à une population désengagée, déçue ou blasée. Le clientélisme et la politisation confessionnelle, le plus souvent artificielle, des clivages menace la paix civile.
9. Réconciliation des religions avec les chartes internationales des droits de l’homme : un des moyens pour contrer le fanatisme et les replis identitaires au nom de la religion réside dans la promotion de l’engagement des instances religieuses en faveur des chartes des droits de l’homme.
10. Fondements culturels de la politique extérieure : si on appréhende au plus haut point les répercussions de tout conflit régional sur le Liban, c’est que le Liban a besoin de développer une culture de prudence dans les relations extérieures et une culture à la fois isolationniste et progressiste : isolationniste en quelque sorte par le souci de prémunir le pacte interne de coexistence, et progressiste quant à la foi dans le message international et arabe du Liban. Il faudra aussi exorciser la propension à la « complotite » dans notre représentation de la politique étrangère et à propos de tout fait international.
En conclusion, il ressort du rapport que la vraie renaissance a toujours été culturelle. Les révolutions subites et violentes n’ont réussi à consolider les grands principes démocratiques proclamés qu’après un patient processus culturel.

L’équipe de l’Observatoire
de la paix civile (2002-2003)

Tony Atallah, Marie-Thérèse Khair Badawi, Nabih Badawi, Siham Bawab, Haïfa Cortbawi, Maha Haddad, Saeb Itani, Abdo Kahi, Hyam Kahi, Fadia Kiwan, Mohammed el-Masri, Antoine Messarra, Evelyne Messarra, Walid Moubarak, Mona Nader, Antoine Seif, Jeannette Seif, Hala Soubra, Haya Ziadé et Tarek Ziadé.
L’Observatoire de la paix civile au Liban, créé en 1999 et qui relève de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, vient de publier, pour la cinquième année consécutive, son rapport annuel, fruit d’une « grille de 120 indicateurs du pacte libanais de coexistence », d’une recherche documentaire et d’un débat groupant plus de vingt universitaires, chercheurs...