Rechercher
Rechercher

Actualités

La tempête s’apaise, laissant derrière elle bien des appréhensions

La campagne dirigée contre le gouverneur de la Banque centrale (et par ricochet contre le secteur bancaire, pivot de l’économie) s’est dissipée. Un moment décontenancées, les autorités ont fini par réaliser que les diatribes impromptues cachaient mal certains desseins politiques. Que l’on avait, vraiment, lancé le bouchon un peu trop loin, en exagérant les choses. Et, surtout, que l’on avait transposé les responsabilités, dans ce qui n’est à tout prendre qu’un péché véniel dû à des ratés de communication. L’on s’est aperçu, en effet, qu’à l’origine c’est le gouvernement qui met en branle la procédure de vérification des comptes bancaires, via les départements des Finances et des Affaires étrangères, sur demande de capitales étrangères (en l’occurrence Washington). La Banque centrale et l’institut d’émission ne servent dans ce cadre que de courroie de transmission pour répercuter les requêtes de renseignements aux banques privées. La formalité, on le sait, s’est arrêtée là, au stade de l’information première, sans aller jusqu’au gel ou au séquestre des dépôts des six cadres du Hamas ou des cinq associations liées à ce mouvement radical palestinien. Le pouvoir a donc rectifié le tir en saisissant l’occasion pour réitérer son attachement aux constantes nationales, dont le soutien à la Résistance en tant que principe légitime.
Les dernières péripéties montrent, encore une fois, qu’il est plus facile de diviser (pour régner) les rangs amis, alliés, féaux, que le camp de l’opposition. L’échec de l’attaque soudaine contre le bastion de la Banque centrale a rapidement été avalisé par les stratèges décideurs, qui savent quand il faut rompre les lances et quand il faut rompre tout court (un combat mal engagé). Dès lors, le fameux « orchestre syrharmonique » s’est vu enjoindre de mettre une sourdine à ses glapissements, à ses vitupérations anti-Salamé. Aucun aboyeur patenté n’a plus réclamé l’éviction du gouverneur après l’audience que le chef de l’État lui a accordée. Du reste, le président de la République avait déjà signifié au Conseil des ministres que la décision devait toujours appartenir à cette autorité exécutive suprême ; en précisant, à la décharge indirete de la Banque centrale, que les AE et les Finances devaient saisir, ou informer, le Conseil des ministres de toute demande concernant des dépôts avant même de chercher à se renseigner auprès de banques privées. Bref, le dossier est maintenant clos et le faux procès classé.
Le secteur financier, bancaire et monétaire respire. Car, selon des indications fournies par des spécialistes, grâce à la stratégie appliquée par Salamé, la Banque centrale dispose actuellement d’une réserve de 12 milliard de dollars. La stabilité monétaire est solidement assurée, les intérêts ont pu être baissés et la livre renforcée. Malgré les secousses provoquées notamment par les dirigeants politiques eux-mêmes, à travers leur sempiternelle querelle d’influence. Les mêmes techniciens se demandent qui pouvait avoir intérêt à s’en prendre au gouverneur, et partant au domaine bancaire et monétaire libanais. Qui reste l’un des rares créneaux plaidant en faveur des investissements dans ce pays. Et dont la contribution est évidemment essentielle pour préparer Paris III. Ces mêmes sources craignent que l’incident Hamas ne soit qu’un premier avertissement sans frais. Et que le Liban ne se trouve maintenant attaqué sur son flanc économique le plus solide, la Banque centrale et le secteur bancaire. Les techniciens en question vont jusqu’à se demander si le pays ne va pas faire face, dans une phase ultérieure, à un complot d’envergure destiné à le mettre en faillite. Ils estiment, dès lors, que les responsables doivent rester vigilants, faire bien attention où ils posent les pieds et éviter d’être directement ou indirectement complices des parties qui s’en prennent à la Banque centrale ou aux activités bancaires libanaises privées. Ils ajoutent que le chef de l’État a suffisamment mis les points sur les i, en répétant que le Liban soutient la Résistance et rejette la qualification de terroriste que certains veulent lui attribuer.
En pratique, les USA et nombre de pays occidentaux, exercent comme on sait des pressions déterminées sur le Liban comme sur la Syrie. Dans ce cadre, Washington dirige ses spots vers les potentialités matérielles et financières de mouvements qu’il considère comme étant terroristes. Il s’agit, on le sait, de formations libanaises mais aussi palestiniennes. Les USA exigent le gel des avoirs de ces groupes. À l’exemple des Syriens, conseillent les spécialistes locaux, il faut traiter de telles pressions tranquillement sans s’emporter ni se lancer dans des envolées « donquichottesques » ou démagogiques faciles. On doit essayer de calmer le jeu, de ne pas exacerber les tensions, pour ne pas braquer inutilement les Occidentaux. Comme les Syriens, insistent ces sources, il est nécessaire de réitérer l’attachement à une résistance légitime, mais sans fermer les portes à la discussion, au dialogue et aux négociations diplomatiques. Car une escalade, disent ces techniciens, nuirait aux intérêts politiques et économiques du pays, ainsi du reste qu’aux positions tactiques de la Résistance elle-même. En effet, le Liban risquerait d’être frappé, sinon de sanctions étatiques, du moins d’un boycott par divers entreprises ou champs d’activité qui lui sont profitables. Il se retrouverait isolé.
Abondant dans ce sens, certains banquiers mettent en garde contre la réinscription du pays sur la liste noire du Gafi, en matière de laxisme dans la lutte contre le blanchiment d’argent et contre l’argent terroriste. Ce retour en arrière mettrait la monnaie nationale en situation délicate. Et compromettrait gravement Paris III, que le Liban a de la difficulté à amorcer, du moment qu’il n’a pas tenu les engagements pris dans le cadre de Paris II (réforme administrative, réduction du budget et privatisations notamment).
Hariri semble conscient de ces données. Au sujet de Salamé, le Premier ministre s’était abstenu de toute condamnation intempestive en précisant qu’il fallait d’abord voir au juste de quoi il retournait. Comme Mikhaïl Daher l’a souligné, la routine a été engagée initialement non pas par la Banque centrale mais par les AE et les Finances.
On se heurte cependant à une question : comment régler le conflit avec les Occidentaux sur la définition du terrorisme ? Et comment contrer un éventuel plan visant le secteur monétaire et bancaire de ce pays ?

Philippe ABI-AKL
La campagne dirigée contre le gouverneur de la Banque centrale (et par ricochet contre le secteur bancaire, pivot de l’économie) s’est dissipée. Un moment décontenancées, les autorités ont fini par réaliser que les diatribes impromptues cachaient mal certains desseins politiques. Que l’on avait, vraiment, lancé le bouchon un peu trop loin, en exagérant les choses. Et,...