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Exécutif - Le dossier des nominations diplomatiques risque de faire des vagues à la séance de jeudi Des discussions animées, quelques décisions et certains reports : le Conseil des ministres frôle chaque semaine la catastrophe

D’une séance à l’autre, les dossiers litigieux se succèdent, les uns – et cela souvent grâce à un miracle – sont réglés, d’autres reportés, d’autres enfin soigneusement rangés, en attendant des jours meilleurs. Le Conseil des ministres de jeudi dernier s’est ainsi penché sur deux grands problèmes : le premier a trouvé une solution et le second occupera la commission formée spécialement pour le régler... Pour les carrières, l’affaire est entendue, mais pour les expropriations, chaque partie continue à avancer ses arguments. Jeudi prochain, d’autres sujets délicats attendent les ministres, notamment celui des nominations diplomatiques, qui empoisonne le climat politique depuis des mois. Reste à savoir comment il sera traité...
C’est devenu la règle de la nouvelle atmosphère au sein du Conseil des ministres : lorsqu’on ne parvient pas à un consensus sur un dossier, soit le président de la République tranche le problème, soit on se donne un peu plus de temps pour mieux l’étudier.
Dans le dossier des carrières, que l’on croyait réglé par le précédent gouvernement, qui avait décidé de fermer toutes les carrières du Liban, sauf dans la région de l’Anti-Liban (du Jabal el-Cheikh jusqu’au Hermel) peu peuplée et plutôt aride, le nouveau ministre, M. Farès Boueiz, avait proposé « une décentralisation des carrières ». Autrement dit, une révision de la précédente décision de façon à autoriser de nouveau des carrières dans tous les mohafazats, le permis étant accordé par le ministère de l’Environnement. Selon un ministre ayant assisté aux débats, la proposition de Boueiz semblait bénéficier de l’appui tacite du président du Conseil, M. Rafic Hariri, et du ministre des Transports, M. Nagib Mikati.
Mais à peine M. Boueiz avait-il terminé son exposé que le ministre de la Culture, M. Ghazi Aridi, a pris la parole pour expliquer avec éloquence son opposition à la proposition de Boueiz, en affirmant que si celle-ci est adoptée, elle aura pour résultat de défigurer toutes les régions du Liban, « alors que nous essayons de protéger ce qui peut encore l’être ».
M. Boueiz aurait alors fait remarquer qu’en dépit de la décision du précédent gouvernement, le ministère de l’Intérieur serait en train d’accorder quelques permis à des carrières, en se basant sur une disposition qui accorde aux municipalités une opinion décisive et obligatoire dans ce domaine.
Toujours selon ce ministre, deux logiques se sont alors affrontées, celle de la protection de l’environnement, défendue par M. Aridi, et celle des entrepreneurs, défendue par M. Boueiz, qui, d’ailleurs, faisait remarquer : « C’est vrai que je suis ministre de l’Environnement, mais je ne peux pas rester sourd aux demandes des entrepreneurs. »
L’ancien ministre de l’Environnement, M. Michel Moussa, aurait alors pris la parole, abondant dans le sens de la thèse de M. Aridi, et proposant, pour régler le différend, de modifier les précédentes dispositions, de manière à ce que l’avis des municipalités ne soit plus obligatoire, mais consultatif.

Le Liban vert,
ou le pays du béton ?
La discussion s’est poursuivie, jusqu’à ce que le président de la République, M. Émile Lahoud, intervienne. En bon militaire, il aurait tenu des propos assez rudes, affirmant que le Liban vert est en train de devenir un Liban de béton et de goudron. « C’est une honte, aurait dit le chef de l’État. La proposition d’autoriser de nouvelles carrières dans les mohafazats équivaudrait à rouvrir les appétits et nous nous disputerons sur chaque cas. J’estime qu’il faut donc rejeter le projet du ministre de l’Environnement, prendre en compte la proposition du ministre Moussa, empêcher le ministère de l’Intérieur de donner de nouveaux permis d’exploitation de carrières, utiliser l’armée pour qu’avec ses hélicoptères, elle photographie les sites des carrières et charger le ministère de l’Intérieur de démanteler toutes les carrières illégales. Enfin, chaque nouveau permis devra nécessiter l’approbation du Conseil des ministres réuni, car la protection de l’Environnement est notre responsabilité à tous. »
Selon le « ministre observateur », un silence s’est aussitôt fait dans la salle, et lorsque le président a demandé s’il y avait des objections, aucune main ne s’est levée. M. Lahoud aurait alors demandé au secrétaire général du Conseil des ministres d’inscrire la décision.
Le dossier des expropriations n’a pas connu une fin aussi heureuse. Deux articles du projet présenté par le ministre de la Justice, M. Bahige Tabbarah, ont fait l’objet de discussions animées, entre notamment M. Tabbarah lui-même et le ministre du Développement administratif, M. Karim Pakradouni.

Des expropriations,
sans payer d’argent
Selon l’article 14 du projet, les expropriations peuvent commencer par une location du terrain pour une période de treize ans, à la suite de laquelle l’État achèterait à proprement parler ledit terrain. Selon M. Pakradouni, cette disposition est inique, car l’expropriation est un acte coercitif. Elle reste l’exception, la règle étant le respect de la propriété privée. Elle doit donc être limitée, en conformité avec l’esprit de la loi. Or la location est un contrat, ce qui est donc en contradiction avec le principe de l’expropriation. Enfin, treize ans révolus, si l’État change d’avis, que deviendra le malheureux propriétaire avec son terrain défiguré et transformé en portion de route ? Les objections de M. Pakradouni ont trouvé des échos auprès des ministres et la discussion est devenue générale.
Second point contesté par le ministre du Développement administratif, l’article 16 du projet. Celui-ci prévoit que l’État verse au propriétaire du terrain exproprié 25 % du prix et lui donne le reste en « coefficient d’exploitation », qui pourrait être utilisé ailleurs, dans la même municipalité ou dans les municipalités voisines (cinq au total).
D’une part, selon M. Pakradouni, il s’agit d’une violation des principes d’urbanisme, car le propriétaire peut décider d’utiliser le coefficient d’exploitation dans un autre terrain proche, où il serait interdit de construire plus de trois étages par exemple. Le ministre du Développement administratif a aussi rappelé que cette même proposition avait été émise en 1993 et rejetée par le Parlement de l’époque. « Elle permet de créer un nouveau marché, celui des coefficients d’exploitation. Un peu comme à Solidere. Au lieu de donner aux propriétaires de l’argent, on leur donne un papier à la place de leur terrain. Et si, par la suite, le détenteur du coefficient ne trouve pas preneur ? Que fera-t-il avec son papier dans la poche ? » aurait dit M. Pakradouni, qui a conclu son exposé en affirmant qu’en fait, le projet veut permettre à l’État de s’approprier les terrains privés, sans payer d’argent.
Le ministre des Finances, M. Fouad Siniora, aurait alors pris la parole pour dire : « Mais enfin, il n’y a pas d’argent. Ne le comprenez-vous pas ? » Et M. Pakradouni aurait répondu : « Alors ne faisons pas d’expropriations. » Mais M. Siniora aurait insisté : « Et que faisons-nous de l’intérêt général ? » À quoi M. Pakradouni aurait rétorqué : « Servons-le, dans la mesure de nos moyens. » Finalement, le président du Conseil serait intervenu pour demander à M. Tabbarah s’il était vraiment attaché à l’article 16 du projet. Sinon, il pourrait être annulé. Il a été convenu de former une commission dirigée par le vice-président du Conseil, M. Issam Farès, et ayant pour membres les ministres Tabbarah, Pakradouni, Aridi, Mikati et Hraoui, afin de réétudier le dossier. La catastrophe a donc une fois de plus été évitée et le litige reporté. Mais d’autres sujets conflictuels attendent la prochaine séance du Conseil des ministres, notamment les nominations diplomatiques, en suspens depuis des mois.
Scarlett HADDAD
D’une séance à l’autre, les dossiers litigieux se succèdent, les uns – et cela souvent grâce à un miracle – sont réglés, d’autres reportés, d’autres enfin soigneusement rangés, en attendant des jours meilleurs. Le Conseil des ministres de jeudi dernier s’est ainsi penché sur deux grands problèmes : le premier a trouvé une solution et le second occupera la...