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Santé - L’extraordinaire générosité de Raymond et Aïda Najjar a permis à un rêve de devenir réalité Le nouveau complexe Saint-Joseph à Dora : un véritable joyau hospitalier(photos)

À parcourir les étages rutilants du nouvel hôpital Saint-Joseph, à Dora, et du centre médical Raymond et Aïda Najjar qui lui est adjacent, on se prend à penser que jamais le Liban n’a mérité mieux qu’aujourd’hui d’être considéré comme l’hôpital du Moyen-Orient. Surgis du sol comme des rêves de granit, les deux bâtiments de sept et trois étages se dressent sur le sol où jadis se trouvait le parking de l’ancien hôpital Saint-Joseph.
Vétuste et perclus, cet hôpital, fondé dans les années cinquante par le père Jacques Haddad et progressivement agrandi, a subi toutes les avanies de la guerre et a été touché de plein fouet par une quinzaine d’obus, sans oublier la grande explosion de la cuve de carburant de Dora. Il a aujourd’hui disparu et son emplacement s’est transformé en parking. C’est ainsi que la continuité des services de l’hôpital a été assurée.
Comment le nouvel hôpital et son centre médical, qui ont coûté une bonne soixantaine de millions de dollars, ont été construits est une autre histoire. L’histoire d’une grande, d’une extraordinaire générosité, celle de Raymond et Aïda Najjar, un couple sans enfants, qui ont voulu mettre une fortune chèrement gagnée en Afrique au service de leur pays.
Une messe présidée par le patriarche maronite a été célébrée hier sous un hangar provisoire construit pour l’occasion, sur le site du parking, pour inaugurer officiellement le nouvel hôpital et le centre Raymond et Aïda Najjar. Dans son homélie, le patriarche a rappelé que le service des pauvres est l’un des commandements donné par le Christ à ses disciples et qu’il fait partie du grand commandement de l’amour. La cérémonie d’inauguration s’est déroulée, en outre, en présence de l’ancien chef de l’État, Amine Gemayel, du nonce apostolique, Luigi Gatti, du conseiller culturel de l’ambassade de France, Frédéric Clavier, représentant l’ambassadeur Philippe Lecourtier (l’hôpital est jumelé avec la fondation de l’hôpital Saint-Joseph de Paris), de représentants du ministre de la Santé et du commandement de l’armée et de nombreux députés, ministres et personnalités politiques, médicales et ecclésiastiques.

Compter sur la providence
Prenant la parole à cette occasion, mère Marie Makhlouf, supérieure des Religieuses de la Croix, la congrégation fondée par le père Jacques, en charge de l’hôpital, a souligné que l’inauguration du nouvel établissement hospitalier survient le lendemain du jour anniversaire du décès du père Jacques, le 26 juin 1954.
Ce dernier disait à ses filles spirituelles religieuses que le Christ « n’est pas venu pour la pauvreté, mais pour les pauvres », a-t-elle rappelé, et c’est en comptant sur la providence qu’il a pu matérialiser des projets colossaux comme le couvent de la Croix et le Christ-Roi. C’est l’histoire de cette providence et de ses voies impénétrables que le père Antoine Bacha, président du comité médical, a résumées, à son tour de parole.
« Modeste père capucin, le vénérable père Jacques, dont la cause en béatification est introduite à Rome, avait fondé ici en 1948 une petite maison pour accueillir les mendiants et les vieillards délaissés. La région était alors marécageuse, peu habitée et la nuit on y entendait les cris des chacals », a-t-il rappelé, en évoquant les débuts de l’hôpital Saint-Joseph. « Quatre ans plus tard, en 1952, le père Jacques, s’apercevant de la nécessité de prodiguer des soins à ses hôtes et à la rare population du voisinage, faisait appel à de jeunes médecins pleins d’enthousiasme et de science. Avec eux, et grâce au dévouement extraordinaire des Sœurs de la Croix, il a pu fonder un petit hôpital qui s’est agrandi progressivement par l’adjonction de nouvelles ailes, et souvent par la fermeture des terrasses et des balcons, devenant l’hôpital Saint-Joseph que nous avons connu ».
« Cet hôpital est allé à la destruction, morceau après morceau, après avoir fonctionné tout au long des années de guerre dans des conditions matérielles, économiques et humaines extrêmement difficiles, traversant ces années maigres dans l’espérance d’un avenir meilleur, a poursuivi le Dr Bacha. Cet avenir devait prendre la forme de Raymond Najjar qui a su donner gratuitement, sans mesure, non seulement de son argent, mais aussi de son temps, son expérience et sa science, bref de son cœur. Il a parcouru les pays d’Europe et d’Amérique à la recherche de ce qu’il y a de plus performant comme méthodes dans le domaine de la santé. Et cette généreuse donation s’est concrétisée sur le terrain par le Centre médical Raymond et Aïda Najjar, dont la beauté extérieure n’a d’égale que son équipement ultramoderne. »

Un véritable plaisir
De fait, c’est un véritable plaisir que l’on éprouve en marchant sur le vinyle neuf du centre médical Raymond et Aïda Najjar entièrement climatisé, en touchant ses murs, en s’adossant aux pare-chocs qui les longent, en notant le soin accordé aux petits et aux grands détails, en appréciant l’espace réservé aux machines et à la circulation des patients, la fonctionnalité des lieux, la qualité des machines, la propreté générale.
Les médecins apprécieront plus particulièrement les installations. Au sous-sol, un plateau technique comprenant les services suivants : imagerie médicale avec radiologie conventionnelle, dentaire, interventionnelle, mammographie, scanner, IRM, ostéodensitométrie, échographie doppler, département de médecine nucléaire, unité de lithotritie, service d’exploration fonctionnelle pulmonaire, neurologique, urologique et cardiaque ; ils visiteront au rez-de-chaussée, après une entrée monumentale, la banque du sang, les laboratoires polyvalents de biologie médicale, le laboratoire de cytologie et d’anatomie pathologique, le laboratoire d’hormonologie et les urgences. Au premier, leurs jambes les conduiront le long des cliniques de consultations externes vers le centre de dialyse, le service d’ophtalmologie et le service ORL. Au deuxième étage, ce sont les sept salles d’opération dont une de chirurgie cardiaque, la salle de cathétérisme et de soins intensifs cardiaques. Enfin, au troisième étage, le regard caresse les machines d’endoscopie digestive, pulmonaire, urologique et ORL, les soins intensifs polyvalents, l’hôpital de jour, une centrale de stérilisation à faire pâlir d’envie les hôpitaux de Suisse, d’où proviennent les équipements, l’auditorium et la bibliothèque médicale.
Guidé par mère Arzé Gemayel, le patriarche a pu hier visiter une partie de ce centre médical et en apprécier, en profane, les qualités.
Le pavillon hospitalier, avec ses 7 étages et ses 203 lits, ne le cède en rien au centre médical. Les quatre étages de l’ancien bâtiment servant de résidence aux religieuses et à une partie du personnel médical vont être entièrement rénovés. Un vaste parking achève de donner à l’ensemble son caractère fonctionnel.

Une autre affaire
Mais comment garder les soins hospitaliers à la portée des gens est une autre affaire. Le grand luxe de l’hôpital contraste avec l’extrême pauvreté du voisinage. Mère Arzé, qui dirige l’équipe de religieuses et le personnel hospitalier qui s’occupe du complexe, manifeste ce souci. Pour prendre un exemple, les dépenses en mazout du complexe s’élèvent, en un mois, à ce qu’elles étaient en un an dans l’ancien hôpital. Mais Raymond Najjar, tel un ange, continue de veiller et ses réactions, toutes les fois qu’il est exhorté à l’économie, sont rassurantes. De fait, même si les coûts de fonctionnement ont augmenté de façon significative, il n’y aura pas de coût initial à amortir. Ce qui est donné est donné. Du reste, l’augmentation des coûts de fonctionnement est la rançon à payer pour élever le niveau de la qualité des soins. C’est, après tout, un choix. La course à l’innovation technique est une espèce d’urgence à laquelle les hôpitaux peuvent difficilement échapper, puisque la technologie est en progrès constant. Regarder en arrière ne sert donc à rien.
Raymond Najjar a d’ailleurs veillé à résoudre une partie du problème, en ouvrant un bureau social à l’hôpital. Un accord avec les Sœurs de la Croix prévoit des soins médicaux gratuits à 150 patients par an. Des soins hospitaliers gratuits seront accordés à 50 autres.

Un problème global
L’autre partie du problème repose sur la société dans son ensemble : la Sécurité sociale, les compagnies d’assurances, les tiers payants. Elle doit faire l’objet d’un véritable contrat social sectoriel où seront définies les normes technologiques et financières acceptées, ou voulues, par tous. La standardisation des actes médicaux et chirurgicaux doit faire l’objet d’une convention collective à laquelle s’efforcent, d’ailleurs, de parvenir les hôpitaux. Les médecins, du reste, sont également impliqués dans ce processus, où la formation doit aller de pair avec une conduite éthique appropriée. L’utilisation du matériel sophistiqué mis à leur disposition doit se plier à des exigences médicales et éthiques, et non commerciales. Pour prendre l’exemple le plus simple, ils ne doivent pas utiliser un scanner à seule fin d’en amortir le coût, là où une radio serait suffisante.
L’Église est également partie prenante dans ce contrat social. Le patriarche maronite rappelait, en inaugurant le nouveau centre du secrétariat des écoles catholiques, qu’il est de tradition, depuis le XVIIIe siècle et l’instauration de l’éducation primaire obligatoire pour tous les maronites, qu’aucun élève ne doit être privé de scolarisation en raison de sa situation matérielle. Aujourd’hui, nul ne devrait être privé de l’accès aux soins médicaux du fait de sa situation économique.
Pour finir, comme le remarque le professeur Antoine Bacha, président du comité médical de l’hôpital, si l’hôpital Saint-Joseph est aujourd’hui cinquantenaire, il existe au Liban des complexes hospitaliers qui ont le double de son âge. Le Liban a par ailleurs pris l’initiative de fédérer entre eux tous les hôpitaux du monde arabe, montrant ainsi son souci de penser les choses globalement. Comme d’autres espaces économiques et sociaux, l’espace hospitalier libanais doit prouver au monde que le Liban est un véritable carrefour des civilisations, un modèle de coopération, de liberté et de pluralisme pour l’Orient et l’Occident, sans perdre de vue le mot d’ordre lancé par le concile Vatican II : « L’homme est la route de l’Église. »

Fady NOUN
À parcourir les étages rutilants du nouvel hôpital Saint-Joseph, à Dora, et du centre médical Raymond et Aïda Najjar qui lui est adjacent, on se prend à penser que jamais le Liban n’a mérité mieux qu’aujourd’hui d’être considéré comme l’hôpital du Moyen-Orient. Surgis du sol comme des rêves de granit, les deux bâtiments de sept et trois étages se dressent sur...