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fiscalité - Sit-in des membres des professions libérales au Palais de justice Chédid dénonce le harcèlement fiscal de Siniora(photo)

«Personne ne réussira à nous faire fléchir. Nous continuerons à plaider en faveur d’une véritable justice. » Par ces mots, le président de l’Ordre des avocats de Beyrouth, Raymond Chédid, entend exprimer haut et fort le ras-le-bol des avocats et de tous les autres membres des professions libérales, de la politique de « harcèlement fiscal » pratiquée depuis quelque temps contre eux par le ministère des Finances. C’est d’ailleurs pour dénoncer les « mesures arbitraires » prises par l’administration à l’encontre de cette catégorie professionnelle que les Ordres des professions libérales ont décidé d’observer aujourd’hui un sit-in au siège de l’Ordre des avocats. Ce rassemblement sera suivi d’une réunion qui regroupera les présidents des ordres professionnels avec les députés ayant une profession libérale. Dans une entrevue accordée à L’Orient-Le Jour, Me Chédid met au clair le contentieux qui les oppose, depuis quelques années, au ministère des Finances.
« Le conflit a commencé avec le vote en 2001 d’une loi spéciale sur l’impôt sur le revenu visant à parvenir à un arrangement fiscal entre le ministère et tous ceux qui sont soumis à cette loi », affirme le bâtonnier. Or, souligne Me Chédid, ce texte s’est avéré défectueux à plus d’un égard. Tout d’abord, dit-il, il est contraire au principe de secret professionnel qui régit les carrières libérales dans la mesure où il donne autorité aux fonctionnaires du ministère d’enquêter sur la provenance des honoraires touchés, « ce qui est une aberration dans le cas du médecin ou de l’avocat qui ne peuvent divulguer les noms de leurs clients », précise Me Chédid. En second lieu, cette loi exige qu’il y ait plusieurs livres comptables, notamment un livre d’inventaire et un livre pour les dépenses. Or, explique le président de l’Ordre, l’administration n’a rien à voir avec les détails des frais généraux qui sont laissés à la discrétion de l’avocat, du médecin ou de l’ingénieur. Par ailleurs, le texte se veut rétroactif sur une période de 10 ans, alors qu’une loi ne peut être rétroactive que sur quatre ans plus l’année d’imposition.
Autre grief, ajoute Me Chédid, le fait que cette loi considère, de manière arbitraire, que le plus jeune des avocats gagne 35 000 dollars par an, un montant sur la base duquel le ministère a calculé la somme forfaitaire de 550 000 livres, qui a été imposée à toutes les professions libérales.
En plus de cette somme, les percepteurs ont obtenu un droit de regard sur les livres comptables, ce qui les autorise, par conséquent, à imposer un taux supplémentaire de 40 % sur le montant déjà établi, poursuit le bâtonnier.
« À l’époque, nous avions protesté et affirmé que ces mesures étaient illégales. Nous avions également relevé que les jeunes cadres qui n’ont pas encore cinq ans de carrière ne doivent pas être imposés, sachant qu’ils ne touchent presque rien et qu’ils sont souvent à la charge de leurs parents », dit-il.
Les dirigeants des ordres professionnels avaient alors convenu, au début de l’année 2003, d’un « protocole » qui prendrait en considération leurs remarques, une entente qui est restée lettre morte, précise Me Chédid. « Ce protocole devait s’appliquer, en attendant qu’une proposition de loi, qui a été entre-temps préparée par l’Ordre des avocats, étudiée et votée par la commission de l’Administration et de la Justice, entre en vigueur », dit-il. « Or, ce texte de loi traîne jusqu’à présent devant la commission des Finances et du Budget », fait remarquer le bâtonnier, en relevant que le sit-in d’aujourd’hui vise notamment à faire accélérer le vote de ce texte « juste et équitable », puisqu’il prend en compte la spécificité des carrières libérales et surtout la crise économique dans laquelle se débat le pays.
Les ordres professionnels avaient donc demandé au ministère des Finances de surseoir au paiement des impôts et de ne pas poursuivre les récalcitrants en attendant la parution de la loi.
Or, avant l’expiration du délai, le ministre des Finances a publié un communiqué enjoignant aux contribuables de régulariser leur situation, sur la base de l’article 2001. « Depuis cette date, les pressions ont commencé et plusieurs membres de professions libérales ont été poursuivis par les fonctionnaires des Finances », explique le bâtonnier, qui souligne que les pressions se sont récemment intensifiées car cette loi arrive à prescription à la fin du mois en cours.
Me Chédid relève par ailleurs qu’entre la loi de 2001 et le fameux protocole une grande partie des avocats avaient toutefois régularisé leur situation. « Malgré cela, des mises en garde leur ont été adressées à nouveau par le ministère, comme si de rien n’était », commente Me Chédid, en mettant en exergue le caractère arbitraire de ces mesures.
Cette affirmation est confirmée par un commerçant qui avoue avoir payé son dû dans le cadre de l’arrangement fiscal prévu, en s’acquittant de près de 100 000 dollars. « lls sont revenus chez moi pour me faire payer une seconde fois », dit-il.
Un membre éminent des professions libérales confie, pour sa part, que le comportement du ministère des Finances est d’autant plus injustifié qu’il s’acharne sur certaines catégories de la population et sur certaines régions, en épargnant d’autres, « parfois sur la base de leur appartenance confessionnelle ».
À ce sujet, un jeune avocat témoigne en affirmant que, dès le début de sa carrière, il a régulièrement payé ses impôts. « Or, je me retrouve aujourd’hui obligé de payer l’impôt forfaitaire (prévu par la loi de 2001) exactement comme celui qui n’a jamais payé ses impôts », se plaint l’avocat, qui confie qu’il a fini par être convaincu de l’inutilité d’être un bon citoyen. « J’ai donc décidé de ne plus m’acquitter de mes dûs envers l’État», affirme le juriste, qui ne manque pas de souligner que la corruption dans laquelle baigne la caste politique n’est pas non plus un facteur motivant.
Le bâtonnier abonde dans le même sens, en accusant les responsables politiques d’avoir accablé le pays de dettes, dilapidé l’argent public et laissé libre cours à toutes les formes de malversation. Pointant du doigt ce qu’il a appelé « le palais de la TVA », un bâtiment qui vient d’être érigé à quelques mètres du Palais de justice, et qui deviendra le pendant du ministère des Finances pour les questions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, il indique que « c’est l’argent de la TVA qui vient d’être dépensé pour construire cet édifice luxueux, alors que le but de cette nouvelle imposition était de réduire la dette publique ».
Le bâtonnier évoque, en outre, la situation fiscale des quelques sociétés fondées depuis le début des années 90 et appartenant « à une catégorie de personnes qui exploitent le pays depuis douze ans. Ces sociétés ont-elle jamais payé des impôts ? » s’interroge-t-il.
« Pourquoi a-t-on supprimé la loi exigeant un quitus pour la vente de l’immobilier ? N’est-ce pas pour permettre aux intermédiaires de vendre tout ce qui reste du Liban aux étrangers tout en échappant aux taxes ? » se demande encore Me Chédid.
Interrogé sur les accusations de corporatisme adressées à l’encontre des ordres professionnels qui, selon certaines sources, défendent les intérêts d’un « groupe de privilégiés » qui se réfugient derrière leur corporation, alors que les autres catégories de Libanais ne bénéficient pas du même soutien, le bâtonnier se défend, en affirmant que leur combat est le même que celui de tous les agriculteurs, ouvriers, industriels et commerçants. « Nous sommes solidaires avec tous ceux qui sont touchés par cette crise économique. D’ailleurs, si une loi va paraître, ces catégories en profiteront autant que nous », conclut le bâtonnier, avant de promettre que les ordres professionnels ne baisseront pas les bras avant d’obtenir gain de cause.

Jeanine JALKH
«Personne ne réussira à nous faire fléchir. Nous continuerons à plaider en faveur d’une véritable justice. » Par ces mots, le président de l’Ordre des avocats de Beyrouth, Raymond Chédid, entend exprimer haut et fort le ras-le-bol des avocats et de tous les autres membres des professions libérales, de la politique de « harcèlement fiscal » pratiquée depuis quelque...