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Analyse - Le synode patriarcal a achevé sa première semaine de travaux Se comprendre, se situer : les grands défis de l’Église maronite

C’est d’abord pour se comprendre, ensuite pour se situer, que la communauté maronite tient depuis le 2 juin un synode patriarcal. Il est significatif que, pour se comprendre comme communauté, les maronites se réunissent sous la forme d’un synode. Car cette communauté est d’abord Église. C’est déjà une forme de réponse à la première proposition. Mais si les maronites sont indistinctement communauté et Église, entre ces deux vérités, il y a une hiérarchie. Par ordre d’importance, l’Église vient avant la communauté. C’est son caractère d’Église qui donne à la communauté maronite son identité propre.
Il existe, toutefois, dans la conscience que les maronites ont d’eux-mêmes, une dimension communautaire qu’on ne saurait négliger et dont les préoccupations sont légitimes. Cette dimension pourrait inquiéter ceux qui redoutent que le synode patriarcal ne nourrisse une prise de conscience identitaire qui amènerait les maronites à vouloir se séparer du corps social auquel ils sont associés. En affirmant, samedi, que « les maronites sont au Liban et non le Liban aux maronites », et que les propositions du synode devront refléter cette vérité, le patriarche Nasrallah Sfeir a voulu dissiper ces craintes.
Cependant, cela n’exclut pas le fait que les maronites, en tant que communauté ou encore comme membres de la société politique libanaise, pourraient être fatigués d’être associés à d’autres communautés qui ne les suivent pas dans certaines de leurs aspirations fondamentales légitimes. La conscience nationale libanaise est en devenir. Il est normal que les maronites soient las de voir leurs aspirations contrariées, ou de se heurter aux lenteurs manifestées par d’autres communautés à avancer sur la voie de cette conscience nationale et à ne percevoir le Liban qu’en termes d’étape, par exemple une confédération avec un ou plusieurs autres pays arabes, et jamais comme projet définitif. Il y a là quelque chose de très normal. Il est toujours fatigant de ne pas savoir qui on est.
Les maronites peuvent aussi être également fatigués de voir leur voix étouffée, de devoir se battre pour leurs droits politiques nationaux, ou d’être continuellement sur leurs gardes pour ne pas être évincés de certains postes administratifs ou de projets de développement, ou de leur droit de regard sur la loi électorale, etc.
Dans certains cas, cette fatigue peut se transformer en véritable désarroi et amener certains à considérer que le Liban est une impossible synthèse entre deux grands ensembles culturels aux tropismes divergents. Il existe des courants politiques convaincus du caractère inéluctable du choc culturel entre ces ensembles. Cette tendance peut prendre une forme active ou surtout, en ce moment, passive : celle de partir, de s’épargner l’effort apparemment stérile d’être une nation.
Divers facteurs peuvent contribuer à cette conclusion décourageante. Une formalité interminable, une justice inaccessible, une arrestation arbitraire, une injustice flagrante, une affaire de corruption scandaleuse, une déclaration politique malencontreuse. Ainsi, on a pu entendre des fractions libanaises critiquer l’expression Liban, « patrie définitive », en affirmant que seul Dieu peut décider de ce qui est définitif. D’autres ont pu exprimer publiquement leur nostalgie d’une union arabe.

Le trésor des maronites
Pour en revenir à la première question, à la tentative de la communauté de se comprendre, la proposition fondamentale du synode est la suivante : c’est en tant qu’Église et non en tant que communauté à vocation nationale autonome, que les maronites sont invités à porter du fruit, car ce qui les distingue, vraiment, ce qui fait leur trésor, ce n’est pas une culture nationale, mais une culture d’Église.
Ainsi, l’« être-avec » serait l’une des dimensions fondamentales de l’identité des maronites. En cela, cette communauté serait différente de l’Église-nation arménienne ou de « nationalités » d’Europe centrale qui se sont manifestées au moment du démembrement de l’empire ottoman.
Cela n’exclut pas les difficultés, et les pièges sont nombreux. Car il s’agit d’amener les maronites à une adhésion de cœur au Liban, et non de pure forme, ou contrainte. Il faut faire aimer le Liban. La conscience nationale qui se forge aux confluences de toutes les aspirations parfois contradictoires qui se manifestent au Liban doit être bien solide, pour résister aux tentations et aux démissions. Par ailleurs, si les maronites paient le prix fort pour que le Liban existe, les musulmans n’en sont pas moins invités à leurs propres sacrifices. C’est pourquoi Jean-Paul II a parlé d’un pays message, d’un modèle de pluralisme et de liberté. L’idéal qui nous est proposé n’est pas facile. Pour les maronites, pour les chrétiens en général, il suppose beaucoup de renoncement, beaucoup de hauteur, beaucoup de courage. Il faut se réjouir que ce soit l’un des membres laïcs du synode, Michel Eddé, qui en défende avec le plus de conviction les fondements théologiques, donnant à la parole du Christ, « J’ai encore des brebis qui ne sont pas de cet enclos », valeur intemporelle, paradigmatique.

Se situer
Mais pour que les maronites, une fois qu’ils se sont compris comme Église, restent fidèles à eux-mêmes, il faut encore qu’ils se situent à l’égard de certains bouleversements historiques indépendants d’eux. La montée des intégrismes, la mondialisation, la sécularisation de la société occidentale, qui leur parvient notamment à travers le livre scolaire, la toute-puissance des médias et la toile électronique en sont des exemples. Pour faire face à ces défis, l’Église maronite doit puiser, dans ses propres ressources comme dans les ressources de l’Église universelle, les moyens de rester fidèle à sa vocation.
Ainsi, certaines des affaires du synode n’ont aucune dimension étroitement politique. Leur dimension est morale. Comme société humaine, l’Église est toujours tentée de déchoir de la pureté que Dieu a voulu pour elle. La vie des prêtres de paroisse, les problèmes de la solitude qu’ils affrontent sont d’ordres existentiel et moral.
Les rapports qui doivent exister entre le patriarcat et les Ordres monastiques, la liturgie, les médias, le rôle des laïcs, les sacrements de l’initialisation chrétienne, la mission, l’attention aux pauvres, tout cela n’a rien à voir avec la petite politique. Pourtant, ce sont des choses d’une suprême importance, car elles font partie de l’identité même de l’Église, sel de la terre, lumière du monde. Et l’une des propositions du synode, l’un de ses paris, c’est que dans tout cela, il y a énormément de valeurs communes sur lesquelles on peut fonder une communauté nationale.

Fady NOUN

Les portes de Bkerké se ferment
pour la retraite annuelle des évêques

Les portes du siège patriarcal de Bkerké se sont fermées hier (notre photo) pour permettre aux évêques maronites de prendre sans interruptions intempestives une retraite de six jours dont les trois premiers seront consacrés à la prière, et les trois restants à l’examen de questions pastorales, dont l’élection de nouveaux évêques pour les diocèses de Brooklyn (New York) et de Tyr. Les évêques en charge de ces diocèses, NN.SS. Hector Doueyhi et Maroun Sader, atteindront bientôt l’âge de la retraite. Le siège patriarcal maronite rouvrira ses portes samedi à midi, pour la lecture d’un communiqué final que les évêques ont l’habitude de publier à l’issue de leur retraite.
C’est d’abord pour se comprendre, ensuite pour se situer, que la communauté maronite tient depuis le 2 juin un synode patriarcal. Il est significatif que, pour se comprendre comme communauté, les maronites se réunissent sous la forme d’un synode. Car cette communauté est d’abord Église. C’est déjà une forme de réponse à la première proposition. Mais si les maronites...