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VIE POLITIQUE - Hariri récuse les conflits et les 3 dirigeants pourraient se rencontrer avant le Conseil des ministres qui aura bien lieu jeudi Rustom Ghazalé semble avoir raccordé les wagons présidentiels

Il y a des habitudes qui ne se perdront malheureusement jamais. Quelque temps à peine après chaque crise, après chaque saute d’humeur, après chaque scène de ménage entre Émile Lahoud et Rafic Hariri – quand Nabih Berry ne vient pas s’en mêler –, le chef des services de renseignements syriens, Rustom Ghazalé, se lance, comme avant lui Ghazi Kanaan, dans le surréaliste recollage d’assiettes présidentielles brisées, dont le Liban et les Libanais continuent de payer le (très exorbitant) prix.

En pleine polémique sur la prorogation du mandat du chef de l’État ; à l’heure où l’animosité entre les deux pôles de l’Exécutif commence à déteindre sérieusement sur la simple marche du pays ; et avant que le chef de l’État, en visite privée en France jusqu’à hier soir, ait demandé, vendredi soir, à ce que cessent les polémiques au sujet de l’échéance présidentielle, qui occultent les vrais débats (développements régionaux, situation économique libanaise, etc.) et qui « ouvrent grandes les portes de divisions bien inutiles », le « gouverneur » syrien s’est entretenu, il y a deux ou trois jours, avec le Premier ministre, puis avec le président de la Chambre.
Le résultat des courses est saisissant d’efficacité. Un : il y aura bien, contrairement à ce qu’avait décrété avec beaucoup de bonne volonté le ministre de l’Industrie, Élias Skaff, un Conseil des ministres ce jeudi. Son ordre du jour serait sans doute distribué aujourd’hui et il ne comprendrait pas le très épineux dossier des expropriations décidées pour lancer des projets d’écoles, les dirigeants ayant compris, toujours avec un sacré temps de retard, que ce genre de sujet nécessite une bien mûre réflexion.
Deux : Nabih Berry et Rafic Hariri se sont rencontrés hier soir, pour la première fois depuis la formation du nouveau cabinet, en avril dernier. À noter que le Premier ministre se plaisait à déclarer à qui voulait l’entendre que la nouvelle équipe, c’était « le gouvernement Berry ». Ce dernier a d’ailleurs sans doute compris – et il l’a fait comprendre le semaine dernière en affirmant qu’il n’allait pas se mêler, « cette fois », des problèmes domestiques entre les nos 1 et 3 de l’État – qu’il était bien plus sage, cette fois, de garder ses distances avec les deux hommes. Que finalement, les malheurs des uns et des autres pourraient peut-être contribuer à son bonheur. Et qu’il ne fallait pas se prononcer, comme il l’avait fait en 1998 en rentrant dans le mur, sur l’échéance présidentielle. Du moins pas pour l’instant. Pour l’heure, Nabih Berry se contente donc de disserter, en direct de Nabatiyeh, sur les concepts de démocratie – « elle doit être de fabrication nationale ou ne pas être » –, de liberté – « elle doit être responsable, ou alors c’est la foire, et nous ne voulons pas de foire » –, ainsi que sur la « Syrie sœur » – « elle veut se consacrer à ses missions nationales, loin des trivialités libanaises, et le sens des responsabilités implique la conviction selon laquelle la Syrie est toujours indispensable au Liban ».
Trois : le Premier ministre, qui répondait, quant à lui, hier, aux questions d’un magazine koweïtien, a annoncé que l’existence de conflits entre le président du Conseil et le chef de l’État « est une chose inadmissible », insisté sur sa volonté de conserver « de bonnes relations avec le président Émile Lahoud et avec les frères syriens » et souligné, aux bons entendeurs, « son attachement à jouir, en tant que président du Conseil, de toutes les prérogatives que lui confère la Constitution ». Si ce n’est pas un premier pas – certes ferme, mais c’est de bonne guerre –, cela y ressemble beaucoup. Surtout que Rafic Hariri a estimé que c’est une erreur que d’ouvrir le dossier de la reconduction et affirmé que le chef de l’État n’a mandaté personne pour ce faire. Enfin, il a lui aussi jugé bon de rappeler que la présence syrienne était sujette, au Liban, à une polémique, tout en jugeant aussi bon d’assurer qu’une « grande majorité » de Libanais soutient cette présence.
Quatre : les trois présidents pourraient même se réunir entre eux. Et qu’on se le dise : « Ce n’est pas, rapportent leurs sources, par nostalgie de la troïka ». C’est juste « pour mieux coordonner ». Soit...
Le bon docteur Rustom Ghazalé semble ainsi avoir parfaitement réussi, cette fois encore, la principale mission inscrite sur son cahier des charges. Ce qui n’a pas empêché de nombreuses voix de continuer à commenter la situation née de la polémique autour de la reconduction. Le très berrysite ministre de l’Énergie et de l’Eau a refusé que l’on bloque les ministères et tout ce qui touche au quotidien des Libanais en cas d’impossibilité d’accord ; le très premier ministrable ministre des Travaux publics et des Transports, Négib Mikati, a pour sa part fermement souhaité que le rôle des institutions prévale dans le cadre de l’exercice gouvernemental « plutôt que les caprices », et le très syrianophile député de Beyrouth, Nasser Kandil, a trouvé que chaque chose (devrait être gérée) en son temps.
Il n’empêche, la palme du bon sens – et de la fausse naïveté – revient, cette fois, à Bassem Sabeh : « L’avis syrien est fondamental quand il s’agit des élections présidentielles », a dit le député hariro-joumblattiste. Qui a fait d’une pierre deux coups : « Lahoud ne souhaite pas un nouveau mandat, alors pourquoi lui fait-on endosser cet habit ? »
On se le demande.

Ziyad MAKHOUL
Il y a des habitudes qui ne se perdront malheureusement jamais. Quelque temps à peine après chaque crise, après chaque saute d’humeur, après chaque scène de ménage entre Émile Lahoud et Rafic Hariri – quand Nabih Berry ne vient pas s’en mêler –, le chef des services de renseignements syriens, Rustom Ghazalé, se lance, comme avant lui Ghazi Kanaan, dans le surréaliste...