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Des questions angoissées fusent aussi à Beyrouth

Le spectre de la guerre, qui brandit un sceptre en forme de faux, est là. L’heure zéro, qui fait sourdement écho au ground zero des tours de Manhattan, va sonner dans les prochains jours. À Beyrouth, comme dans cette région cobaye du monde, les esprits inquiets se posent des questions aussi élémentaires que vitales. Est-ce qu’il y aura une guerre-éclair, est-ce que l’Irak résistera longtemps, est-ce que les Américains pourront y établir un régime capable de maintenir l’unité du pays, est-ce qu’ils vont gagner militairement puis perdre politiquement ? Comment va évoluer leur conflit avec leurs contempteurs, la France notamment ? Des observateurs expérimentés pensent à Beyrouth que le facteur temps sera absolument primordial. En balayant rapidement Saddam Hussein, en assurant la stabilité de l’Irak avant d’opter pour un nouveau système, fédéral ou autre, les Américains auront pleinement réussi. Ils seront alors en mesure d’entamer le remodelage de la région sans embûches majeures. Et de se consacrer au traitement du conflit israélo-palestinien en base de la feuille de route du quartette, comme ils l’ont promis lors du sommet des Açores. De même, ils dynamiseront à leur gré la lutte contre le terrorisme tel qu’ils le définissent pour leur part. En préparant la mise en place de régimes évoluant vers la démocratie, le respect des libertés et des droits de l’homme comme ils les conçoivent. Retour des States, le vice-président du Conseil, Issam Farès, indique que les Américains sont convaincus qu’un triomphe militaire rapide gommerait ipso facto l’opposition des pays et des opinions à leurs projets. Car le monde est toujours du côté des vainqueurs. D’autres sources soutiennent qu’en faisant fi, sous couvert de la 1441, des objections de l’opinion mondiale et arabe comme de la France, de l’Allemagne, de la Russie ou de la Chine, les États-Unis risquent d’être politiquement défaits. Pour peu que Saddam Hussein résiste un mois, en infligeant de lourdes pertes aux attaquants, le cours des choses changerait du tout au tout. Surtout si les USA se voyaient obligés de recourir, pour en finir, à des armes non conventionnelles hyperpuissantes. Pour ces cadres, ce serait la catastrophe contre laquelle Chirac ne cesse de mettre en garde, en soulignant que la victoire ne serait pas facile, vu les complications politiques qu’entraînerait la situation sur le terrain. Toujours à Beyrouth, certains parient que même en déboulonnant vite Saddam Hussein, les Américains risquent de tomber sur un os. À cause de l’extrême difficulté qu’il y aurait à trouver un régime de remplacement capable d’assurer la stabilité de l’Irak. Les USA devraient alors se focaliser sur ce problème, ne pourraient pas entamer leur plan de remodelage régional commençant par le conflit israélo-palestinien. Ce serait alors la confusion, doublée d’une intensification des tensions internationales. à l’ombre d’une nouvelle guerre froide opposant cette fois l’Amérique à l’Europe, France en tête, qui se dresse contre l’unipolarisation. Et d’ajouter qu’à première vue, la guerre contre l’Irak au lieu de faciliter le remodelage de la région va le rendre bien plus ardu. En effet, à leur avis, cette guerre serait perçue par les peuples comme une agression, une invasion, une occupation, une razzia illégales et injustifiées. Une opération ressemblant comme deux gouttes d’eau à l’action menée dans les territoires palestiniens par Sharon. Dès lors, selon ces pôles, il est à prévoir que les intérêts des Américains et de leurs alliés seraient la cible d’innombrables actes de violence. La rue arabe et islamique se lancerait dans une vaste intifada contre les USA. Qui ne pourraient plus atteindre leurs objectifs dits de démocratisation. De plus, les contradictions arabes sont elles aussi source de perturbations à venir. Les Américains auraient sans doute assuré un meilleur contrôle des ressources pétrolières mais, par contre, ils auraient provoqué une montée en puissance de ce qu’ils appellent le terrorisme. Dans cette optique, la France et ses partenaires seraient politiquement gagnants. Car ils pourraient sans doute imposer un retour au Conseil de sécurité et à la légalité internationale pour traiter les nouveaux problèmes, l’anarchie, issus du coup de force US contre Saddam Hussein. D’ailleurs, selon des politiciens libanais en contact avec des responsables américains, ces derniers avouent qu’ils sont plutôt inquiets. Ils sont certes sûrs que le raïs irakien sera renversé rapidement. Mais se demandent ce qu’il y aura après, quelles seraient les réactions de la rue arabe et islamique. Surtout si le peuple irakien n’approuvait pas le régime qu’on lui parachuterait. En tout cas, la plupart des politiciens libanais estiment que ce pays lui-même se trouve, grâce à son unité, à l’abri de remous sécuritaires provoqués par les retombées de la guerre. En reconnaissant toutefois que si les hostilités devaient se prolonger, le prix économique serait assez lourd à payer. Émile KHOURY
Le spectre de la guerre, qui brandit un sceptre en forme de faux, est là. L’heure zéro, qui fait sourdement écho au ground zero des tours de Manhattan, va sonner dans les prochains jours. À Beyrouth, comme dans cette région cobaye du monde, les esprits inquiets se posent des questions aussi élémentaires que vitales. Est-ce qu’il y aura une guerre-éclair, est-ce que l’Irak...