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Sécurité - De multiples accidents, la négligence des responsables, 15 victimes depuis 1988 Deux millions de bonbonnes de gaz vétustes bientôt remplacées(photos)

Une quinzaine de victimes sont tombées dans des explosions de bonbonnes de gaz à l’intérieur de domiciles et de commerces depuis 1988 et jusqu’en 2003, sans compter une cinquantaine de blessés, dont plusieurs atteints grièvement (selon un recensement effectué par le syndicat des employés du gaz à partir de rapports de police publiés par la presse). Est-ce un acharnement du sort ou des pertes inutiles de vies humaines dans des accidents, qui auraient pu être évités ? À y regarder de plus près, les explosions beaucoup trop fréquentes, sont la conséquence la plus dramatique d’une négligence qui dure depuis près de trente ans, et qui se matérialise par la présence de deux millions de bonbonnes de gaz totalement vétustes, jugées depuis longtemps inutilisables, et en circulation. Une décision ministérielle visant à retirer du marché ces deux millions de bonbonnes et à réformer ce secteur longtemps relégué au dixième plan, devrait entrer en vigueur dès le 6 mai. Reste à attendre son application... Il est alarmant de penser que les bonbonnes de gaz butane, si utiles à la maison, peuvent constituer un danger potentiel, même quand on fait de son mieux pour éviter les risques. En effet, selon les spécialistes, la plupart des explosions sont causées par des bonbonnes qui ne supportent pas la pression du gaz, soit parce qu’elles sont vétustes et inutilisables depuis longtemps, soit que leur fabrication n’a jamais répondu à aucune norme. Bahige Abou Hamzé, président du Rassemblement des sociétés pétrolières, explique les détails de cette lente descente aux enfers. « Durant une longue période qui s’est étendue de la guerre jusqu’à nos jours, les standards de fabrication étaient inexistants, dit-il. L’importation de bonbonnes tellement vétustes qu’elles devaient être détruites sur place a ajouté à la gravité de la situation. D’un autre côté, l’ensemble des bonbonnes datant des années 70 ont continué à circuler sur le marché sans être remplacées ni même soumises à un contrôle ou un entretien quelconque. » Bref, des bonbonnes de plus de trente ans mises à la disposition du public, alors que la durée de vie moyenne de l’une d’entre elles (si elle a été bien confectionnée à la base) est d’une quinzaine d’années. À tout cela, il faut ajouter les bonbonnes de gaz provenant de la contrebande illégale, estimées à 250 000, selon Farid Zeinoun, président du syndicat des employés du secteur du gaz au Mont-Liban. Ces bonbonnes ne sont soumises à aucun contrôle. D’autre part, les accidents dramatiques ne sont pas les seuls problèmes qui pourraient se produire. Les consommateurs ne sont pas à l’abri des abus. « Les anciennes bonbonnes non entretenues contiennent au moins un kilo de résidus, explique M. Zeinoun. Cela signifie que la bonbonne de dix kilos contient en fait neuf kilos. Mais ce n’est pas tout. Quelquefois, la bonbonne n’a été remplie que de 7 à 8 kilos. » À qui incombe la responsabilité ? « Les forces de l’ordre poursuivent les distributeurs, mais ce sont les sociétés qui doivent être tenues pour responsables d’irrégularités dans le remplissage des bonbonnes », répond-il. Même si ce sont les distributeurs qui exigent cela bien souvent... « Et dans ces cas, la société peut refuser d’obtempérer, sinon la responsabilité est partagée », souligne-t-il. Le consommateur peut être exposé à un autre genre d’arnaque, quand la bonbonne est vendue plus chère par certains commerces. « Le prix de la bonbonne de gaz est annoncé chaque semaine, précise M. Zeinoun. En épicerie, le consommateur ne doit pas accepter de payer un centime de plus. Bien sûr, si la bonbonne lui est livrée, il faut compter le coût supplémentaire de la livraison. » Enfin, il soulève un point sensible, celui de la qualité du gaz. « En principe, le gaz butane rempli dans les bonbonnes devrait être mélangé de 30 % de propane afin que la pression soit suffisante, explique-t-il. Quand ce n’est pas le cas, le gaz a tendance à fuir plus facilement, d’où le fait qu’on sent constamment son odeur dans la maison et que la bonbonne dure moins longtemps. » Des normes pour un entretien régulier Le chaos règne donc dans le secteur, et cela depuis des décennies. Toutefois, un arrêté, portant le n° 21, a récemment été pris par le ministère du Pétrole pour instaurer de nouvelles normes de fabrication des bonbonnes de gaz, lancer l’opération de remplacement des deux millions de bonbonnes vétustes présentant des dangers et mettre en place un système de contrôle et d’entretien continu. Par ailleurs, chaque bonbonne portera un numéro de série et relèvera d’un système d’assurance en cas d’accident. Selon M. Abou Hamzé, la décision sur les normes imposera un entretien régulier et un contrôle annuel des bonbonnes (par des sociétés privées internationalement reconnues, affirme-t-il), un entretien périodique tous les cinq ans et un remplacement tous les dix ou douze ans. L’opération aura lieu de la manière suivante : les bonbonnes vétustes seront détruites par les sociétés pétrolières qui en fourniront de nouvelles aux distributeurs. Ces nouvelles bonbonnes seront fournies par deux usines locales (et exportatrices) fonctionnant selon les normes de Libnor (deux autres usines non conformes aux standards ont fermé leurs portes). Le remplacement de toutes les bonbonnes prendra de trois à quatre ans à moins que, selon M. Zeinoun, « la production ne soit augmentée ». Reste à savoir qui va financer toute l’opération. Le texte de l’arrêté fait assumer aux seules sociétés pétrolières tout le financement de l’affaire, qui sera d’environ 40 millions de dollars, selon M. Abou Hamzé. Celui-ci avance l’idée que le consommateur « doit payer une somme supplémentaire de 500 LL par bonbonne louée comme contribution à l’opération de remplacement, une modeste dépense vu qu’il bénéficiera d’une assurance et d’une sécurité accrue ». Pour sa part, M. Zeinoun a considéré qu’« il ne faut pas seulement remplacer les deux millions de bonbonnes vétustes, mais toutes les bonbonnes en circulation ». « Il n’est pas logique, explique-t-il, que seules les bonbonnes neuves portent un numéro de série. Cela créera un déséquilibre sur le marché parce que tous les consommateurs en voudront, et ce sera le distributeur qui paiera les pots cassés. De plus, les numéros de série généralisés permettront d’organiser le secteur puisque l’origine des bonbonnes deviendra connue, et que les bonbonnes légales seront différenciées de celles provenant de la contrebande. » Connaître l’origine des bonbonnes est extrêmement important : aujourd’hui, quand l’une d’entre elles explose, personne n’assume la responsabilité des dégâts causés parce que la provenance de la bonbonne est entourée de flou. Cela signifie également qu’aucune société pétrolière ne procède à l’entretien des bonbonnes puisque celles-ci ne leur appartiennent pas. « Ces dernières années, ce sont les distributeurs qui ont assuré un minimum d’entretien, comme la peinture des bonbonnes ou le remplacement de pièces de rechange, parce que le consommateur refusait celles qui étaient en trop mauvais état », souligne M. Zeinoun. « Cela a occasionné des dépenses supplémentaires, sachant que les distributeurs ne gagnent que 750 LL par bonbonne. À ce propos, nous avons maintes fois demandé au ministre de nous consacrer une partie des bénéfices de l’essence, qui se chiffrent à 5 000 LL par 20 litres, afin de réduire nos pertes. Sans résultat pour l’instant. » La décision ministérielle de remplacement des anciennes bonbonnes entrera donc en vigueur à partir du 6 mai. Les syndicats surveillent avec vigilance cette échéance pour s’assurer qu’elle ne restera pas lettre morte. Mais on ne peut nier que cette mesure est pour le moins tardive, treize ans après la fin de la guerre et plusieurs victimes plus tard. Suzanne BAAKLINI Qu’est-ce qui fait exploser une bonbonne ? Depuis 1988, les explosions de bonbonnes de gaz n’ont pas fait moins de quinze tués et une cinquantaine de blessés. Qu’est-ce qui cause une explosion de bonbonne ? Selon Farid Zeinoun, président du syndicat des employés de gaz, « quand une bonbonne explose, c’est qu’elle est en mauvais état ou qu’elle a un défaut de fabrication, parce que cela signifie qu’elle n’a pas supporté la pression du gaz ». Il précise que « les autres types d’accident ne provoquent pas une explosion. Même si la bonbonne prend feu, l’incendie s’arrête dès qu’on ferme le robinet. » Il ajoute qu’il est estimé que 54 % des bonbonnes mises sur le marché de 1975 à 1996 étaient pratiquement inutilisables (alors qu’elles circulent toujours...). Bahige Abou Hamzé, président du Rassemblement des sociétés pétrolières, contredit M. Zeinoun et considère que « les accidents sont parfois provoqués par la négligence de certains usagers qui ne manipulent pas ce délicat objet avec l’attention qu’il faut ». « On voit parfois des personnes traînant la bonbonne par terre », explique-t-il. « Dans les maisons, on les place parfois à côté de chaudières ou de fours. Il faut faire attention à ces détails. » En prévision du remplacement des bonbonnes, le ministère du Pétrole a demandé à l’Institut des études industrielles de définir les normes de fabrication des bonbonnes (puisque, si tout va bien, toutes les bonbonnes seront produites localement). Les standards de fabrication de bonbonnes résistant à la pression du gaz se résument comme suit : l’épaisseur du métal (qui est choisi selon les normes de Libnor) doit être de 3,5 mm, elles doivent être traitées à très haute température et constituées de deux parties maximum. Ce dernier point est d’une grande importance pour l’utilisateur profane : certaines bonbonnes illégales formées de trois parties collées peuvent être décelées facilement. À part ce détail, le consommateur a peu de chances de détecter les bonbonnes considérées comme potentiellement « dangereuses ». Tués et blessés (le plus souvent graves) tombent régulièrement depuis 1988. Même si les accidents sont loin d’être systématiques (heureusement), n’est-il pas grand temps que l’on assure la sécurité publique à l’intérieur même des domiciles et des commerces ? Un prix fixe actuellement en hausse constante Pour ceux qui espèrent ne plus se laisser berner, il faut se référer chaque jeudi au prix fixé pour la bonbonne de gaz. À titre d’exemple, cette semaine, le prix est de 11 400 LL. Mais ces temps-ci, à l’instar du pétrole, le gaz a tendance à renchérir de quelques centaines de livres chaque semaine, selon une échelle mobile fixée par le gouvernement afin d’éviter les hausses spectaculaires. Cela dit, les choses ne devraient pas s’arranger en cas de guerre contre l’Irak. Non seulement les prix augmenteront, mais les risques de pénurie planeront sur le marché. Certes, le Liban a des réserves pour un mois. Mais mondialement, les stocks pourraient se raréfier alors que les pays tentent d’éviter la pénurie chez eux.
Une quinzaine de victimes sont tombées dans des explosions de bonbonnes de gaz à l’intérieur de domiciles et de commerces depuis 1988 et jusqu’en 2003, sans compter une cinquantaine de blessés, dont plusieurs atteints grièvement (selon un recensement effectué par le syndicat des employés du gaz à partir de rapports de police publiés par la presse). Est-ce un acharnement du...