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MÉDIAS - Un programme radiophonique pour la jeunesse francophone Radio-Canada donne la voix aux jeunes ados canadiens et libanais (photo)

L’idée est extraordinaire. Les résultats aussi. En tout, soixante-dix élus parmi les jeunes adolescents libanais ont pris part à une émission produite par Radio-Canada dans le prolongement du sommet de la francophonie. À l’autre bout du monde, leurs correspondants canadiens, du même âge, ont voulu eux aussi échanger leurs opinions sur les problèmes de la planète et en apprendre un peu plus sur le Liban. Concepteur et réalisateur de cette émission, Louis-Yves Dubois, se consacre depuis de longues années à des émissions qui s’adressent exclusivement aux jeunes. Depuis deux ans, il a décidé de porter le plus loin possible l’écho de son programme Radio-Ados, en l’exportant « autour du monde », plus précisément dans les pays francophones. Cette semaine, c’était au tour des Libanais – après les Africains qui sont passés sur les ondes canadiennes l’an dernier – de parler de leur quotidien. Après une correspondance par e-mail, qui a duré plus de huit mois entre le Canada et le Liban, les jeunes ont choisi en toute liberté les sujets qui ont été débattus au cours de l’émission : politique, religion, guerre, paix, sida, drogue, sexualité, prostitution, mais aussi la fascination pour l’Occident, les inégalités sociales, les lois etc. Autant de thèmes qui intéressent les adolescents des deux côtés. Bref, une émission qui se veut une tribune libre pour les jeunes Libanais qui n’ont pratiquement jamais l’occasion de s’exprimer en public, mais aussi un échange culturel enrichissant pour les jeunes Canadiens avides d’en connaître un peu plus sur la culture de la région. Sélectionnés depuis un an auprès de quatre établissements scolaires dont trois privés et un public – l’école officielle de Chiah, le College International, le College Khadija el-Kobra et l’école Notre-Dame des Anges – les jeunes ont pu, deux heures durant, formuler leurs rêves, leurs espoirs, mais aussi leurs opinions sur un monde en perte d’idéal, ainsi que leurs craintes en un avenir de plus en plus incertain. Bien qu’ils s’intéressent à une pléthore de sujets sur lesquels ils ont souvent des avis mitigés, la politique reste leur préoccupation principale et leur souci majeur. À Annie Desrochers, la journaliste candienne qui a animé durant deux jours ces émissions, ils diront toute leur désillusion d’un pays qui ne fait plus cas d’eux. À les entendre, les jeunes ados du Liban sont amers, cyniques et désenchantés dès qu’on leur parle de la chose publique. L’absence des libertés – illustrée par un constat : « le Liban n’est pas un pays démocratique » – la corruption, les inégalités sociales, la répression des jeunes, autant de maux dont souffrent le peuple libanais devant « l’indifférence totale » d’une caste de politiciens de plus en plus détachés de leur base, comme ils disent. Déchaînés contre leurs représentants, les jeunes ados ont su trouver les mots pour le dire. « C’est uniquement durant les élections législatives que nos députés s’intéressent au peuple. Une fois l’échéance passée, ils nous oublient complètement », confie Zeina, 17 ans. Ceux d’entre eux qui ont quelques souvenirs de la guerre estiment que celle-ci continue aujourd’hui, sous d’autres formes. Pour Youmna, la reconstruction du centre-ville a effectivement eu lieu, mais pour ouvrir une autre plaie occasionnée par les dettes qui ont accablé le Liban. Soutenu par ses camarades, Imad critique avec virulence la présence syrienne qui a complètement hypothéqué les libertés individuelles et publiques. « Le Liban n’est pas un pays indépendant. Nous avons une apparence de démocratie, mais toute la politique libanaise se décide en Syrie », dit-il. S’évertuant à expliquer comment l’opposition – en majorité chrétienne – « n’a pas beaucoup de pouvoir au Liban », Jihad réalise subitement qu’il est à la radio et met fin à sa tirade. « Je ne peux vous l’expliquer maintenant. Pas publiquement en tous les cas. Je vous le dirai tout à l’heure à la pause », dit-il en s’adressant à la journaliste. Un réflexe d’autocensure d’autant plus significiatif que les jeunes se sont précisément plaints, à plusieurs reprises, de la répression des libertés publiques. Si la majorité d’entre eux approuve « la censure de la violence » notamment au cinéma , ils critiquent par contre celle qui est exercée sur les publications ou les films qui font référence à la sexualité. Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que le thème de l’immigration – également débattu au cours de ces émissions – revienne sur toutes les lèvres. Rares sont ceux qui ne veulent pas quitter le pays. Annie Desrochers, qui pourtant n’est pas une familière des problèmes libanais, ne semble pas étonnée de voir une jeunesse aussi désillusionnée. « Ils ne sont guère différents des adolescents canadiens, qui sont complètement démobilisés. Eux aussi croient que tous les politiciens sont corrompus. D’ailleurs la plupart ne veut plus aller voter. La seule chose qui semble encore les captiver, c’est l’action de la société civile », confie Mme Desrochers. Pour Louis-Yves Dubois, les adoslescents libanais sont nettement plus matures que les jeunes Canadiens du même âge. « L’expérience est différente. Les jeunes d’ici ont été plus éprouvés. Il ne faut pas oublier que nous sommes au Moyen-Orient avec tout son cortège de problèmes politiques et sociaux », dit-il. Pour Jad, 18 ans, le message est passé, le courant aussi, et c’est ce qui importe. « Nous voulions faire connaître à nos amis canadiens ce que nous endurons. Le plus intéresssant est cet échange d’expérience et de culture, qui a pu avoir lieu grâce à l’émission », témoigne le jeune ado, qui affirme vouloir rester en contact – par mail – avec son correspondant canadien, Jonathan. Pour le Canada, ces émissions seront diffusées à partir du 12 mars prochain, à 19 heures, sur les ondes courtes de Radio-Canada (fréquence 12, 597 ghz). Les Libanais devront attendre un peu plus longtemps, puisque l’émission est prévue à une date ultérieure sur Radio Liban. Pour les plus impatients, ils peuvent toutefois suivre le programme à partir du 12 mars sur Internet à l’adresse suivante : http: // radio-canada.ca/ados Jeanine JALKH
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