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RUE MONNOT - Descentes de police régulières, distribution de contraventions, soirées interrompues « Pourquoi l’État s’acharne-t-il contre nous ? » s’indignent les propriétaires de pubs et restaurants

Une vingtaine de contraventions en l’espace d’un quart d’heure. C’est le résultat du passage d’une patrouille des FSI dans les pubs et les restaurants d’une impasse, non résidentielle, de la rue Monnot, dans la nuit de vendredi à samedi. Certains gérants et propriétaires d’établissements ont préféré éteindre la musique. Les clients, eux, sont partis sans terminer leur verre et ont regagné leurs voitures. Et la soirée, qui devait se terminer au petit matin, a tourné court, une petite heure après minuit. La même opération, qui n’avait cependant pas l’envergure de celle de la veille, s’est répétée au même endroit samedi soir, vers 23 h 30. Cela n’est pas nouveau. Depuis le mois d’août, propriétaires et gérants des établissements de la rue Monnot, qui compte à son extrémité ouest – impasses incluses – une trentaine de pubs et de restaurants, affirment faire face à des mesures vexatoires, des FSI, de la police touristique, de la police des mœurs, la brigade des stupéfiants, des inspecteurs des Finances et d’autres représentants de l’État. Il faut également compter un autre problème : des travaux d’infrastructure entamés à la rentrée et qui ne seraient pas achevés de sitôt. Il semble que le courant ne passe plus entre les diverses instances de l’État et les propriétaires des établissements de la rue, au point que ces derniers se demandent si le gouvernement ne veut pas les pousser à bout, les obliger indirectement à fermer boutique, asphyxiant ce secteur prisé par les noctambules pour que le centre-ville, lui, respire à pleins poumons. Bien sûr, cette affaire est à dissocier de la fermeture des trois pubs et restaurants placés sous scellés la semaine dernière à la rue de l’Université Saint-Joseph et des plaintes répétées de la ligue des habitants de la rue Monnot qui déplorent, depuis quelques mois, les embouteillages et le tapage nocturne. Sur trente mètres, à son extrémité ouest (à proximité du bâtiment du Conservatoire libanais), la rue ne compte pas d’habitants… Dans cette extrémité ouest de la rue Monnot donc, on entend partout le même son de cloche. Gérants et propriétaires sont prêts à tout déballer à condition que l’on préserve leur anonymat. « Les problèmes que nous avons suffisent », affirment-ils, évoquant une situation presque ubuesque. Dans tout le secteur, quasiment aucun pub ou restaurant ne possède une autorisation « définitive » d’exploitation. La procédure se fait en plusieurs étapes, et gérants et propriétaires rapportent que leurs papiers, selon les étapes de cette procédure, sont en règle. « Nous ne pouvons pas être accusés d’illégalité, nous payons et les taxes sur le revenu, et la TVA, et l’électricité, et toutes sortes de contraventions qu’ils veulent nous coller », indique un propriétaire de pub, soulignant que dans les grands établissement cette addition se chiffre, chaque trimestre, à une petite dizaine de milliers de dollars. « Que les divers services de l’État, auquels nous avons quotidiennement affaire, indiquent clairement ce qu’ils veulent et nous sommes prêts à nous plier aux ordres », indique un propriétaire de restaurant, qui a reçu une contravention parce que l’écriture du menu en arabe a été jugée illisible par la police touristique. Un autre gérant raconte que l’établissement, qui a pignon sur rue depuis plusieurs années, a écopé d’une centaine de contraventions. La nuisance sonore en était la cause. Pourtant, dans l’immeuble où il exploite le sous-sol, il n’y a qu’un seul habitant (un étranger) qui passe ses nuits à faire la tournée des divers pubs du secteur. « C’est très simple, les FSI viennent, collent leur oreille à la porte, attendent qu’un client sorte ou entre au restaurant pour me coller un PV pour nuisance sonore », dit-il. « Et puis c’est la même histoire qui se répète, je vais au tribunal, je plaide l’innocence et je paie la contravention », ajoute-t-il, soulignant que l’amende varie entre 500 mille et un million et demi de livres. Mais le problème de ce gérant sera bientôt réglé, l’établissement devant prendre ses nouveaux quartiers secteur Sodeco. « On ne peut plus faire face à la pression des FSI et aux travaux qui ne s’achèvent plus à la rue Monnot », indique-t-il, soulignant encore que de toute sa vie il n’a « jamais écopé d’une contravention routière ». « C’est comme si je vivais un film à suspense », indique avec humour le propriétaire d’un autre restaurant. « En week-end, je dois gérer – en l’espace d’une soirée – et les exigences des clients et celles des représentants de l’État qui défilent chez moi. Les experts des Finances arrivent vers 23 heures et entrent dans les bureaux, cherchant dans les ordinateurs des preuves qui n’existent pas et suivent les serveurs jusqu’aux tables des clients qui ont demandé l’addition », dit-il. « Après les inspecteurs des Finances, j’attends la brigade antidrogue qui s’installe au bar, et qui entre parfois au restaurant avec des armes apparentes », poursuit-il. « Ensuite, c’est la police des mœurs qui fait le tour de l’endroit et qui commente tout ce qui s’y passe, observant les moindres faits et gestes de la clientèle », indique-t-il. « Il ne faut pas oublier la police touristique qui vient vérifier si tous mes papiers sont en règle et les FSI qui se plaisent parfois à garer leur jeep à la porte d’entrée du restaurant », ajoute-t-il. Mais pourquoi en veut-il à ce point à des personnes qui font leur métier ? «Ils ne viennent jamais au cours de la saison morte, ils sont là en week-end et durant les congés, le même manège se répète presque tous les soirs », dit le propriétaire du restaurant, soulignant qu’une fois les frais de l’investissement couverts, il fermera boutique. Il n’est pas le seul. « S’ils veulent fermer la rue Monnot, qu’ils nous le disent une fois pour toutes, nous ne pouvons plus supporter la pression », note un propriétaire de pub qui verse mensuellement, entre autres frais, environ quatre millions de livres en contraventions à l’État libanais. « Il faut compter aussi les nuits passées à la gendarmerie », s’exclame-t-il en expliquant que « chaque fois qu’une rixe éclate dans l’établissement, les videurs chassent les perturbateurs et je compose le 112 pour que les gendarmes interviennent. Les vandales ne sont pas arrêtés. Et c’est moi qui reste jusqu’à 8 h du matin au poste ». « Nous ne sommes pas contre les gendarmes et les représentants de l’État, loin de là. Dans tous les pays du monde, ils sont présents dans les zones prisées par les noctambules. Ils surveillent les fauteurs de troubles, les jeunes qui boivent, les dealers si dealers il y a… Ils font en sorte que la loi soit respectée », relève un propriétaire de pub. « À la rue Monnot, ce travail n’est pas en train d’être fait, mais ils ont décidé, on ne sait pour quelle raison, de s’acharner contre les pubs et les restaurants », s’indigne-t-il. Et la clientèle dans tout ça ? « Bien sûr, elle se rend compte que ça ne va pas très bien, mais elle ne désertera pas la rue pour autant », relève un gérant, soulignant toutefois « qu’à plusieurs reprises ces derniers temps, les soirées des habitués de la rue ont tourné court ». « Quand les patrouilles arrivent, nous sommes obligés de baisser la musique, ça fait le même effet que d’arrêter de servir de l’alcool… ça casse l’ambiance de la soirée et les clients partent », dit-il. Au cours de la nuit de vendredi à samedi, un pub, qui a deux entrées, a écopé de deux contraventions. Deux patrouilles, l’une des FSI, l’autre de la police touristique, sont arrivées simultanément à chaque entrée… « C’est simple, explique un propriétaire, les patrouilles s’intensifient durant les week-ends et les congés. En temps normal, il y a trois nuits sur sept de distribution de contraventions. Cette semaine pour l’Adha, la police travaillera tous les soirs », dit-il. Évidemment, la plupart des PV sont infligés pour nuisance sonore… « Il faut trouver une réglementation, adopter des lois et régler les problèmes de la rue une fois pour toutes… Travailler dans de telles conditions est devenu presque impossible », relève un propriétaire de restaurant. « C’est dommage, la rue Monnot, située sur une ancienne ligne de démarcation, est le meilleur exemple de la reconstruction, de la vie qui a pleinement repris à Beyrouth… Un exemple qui n’existe nulle part ailleurs », relève un gérant de pub. « Et puis, ce tronçon de trente mètres emploie plus de 200 Libanais, paie des taxes, fait appel aux fournisseurs… », ajoute-t-il. « Si l’État mise effectivement sur le tourisme, il faut qu’il agisse différemment à la rue Monnot », conclut-il. Située sur l’ancienne ligne verte, condamnée par des conteneurs durant les sombres années de la guerre, la rue Monnot a connu malheurs et bonheurs à cause de sa proximité du centre-ville : elle a été l’une des premières zones détruites et l’une des premières à se reconstruire. Pour les noctambules, elle fait partie – avec le secteur Solidere – du cœur du Beyrouth nocturne. Pourquoi s’acharne-t-on à l’asphyxier ? Patricia KHODER
Une vingtaine de contraventions en l’espace d’un quart d’heure. C’est le résultat du passage d’une patrouille des FSI dans les pubs et les restaurants d’une impasse, non résidentielle, de la rue Monnot, dans la nuit de vendredi à samedi. Certains gérants et propriétaires d’établissements ont préféré éteindre la musique. Les clients, eux, sont partis sans...