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Un problème de fond ou de forme ?

Mais qu’est-ce qui paralyse donc le Conseil des ministres ? Faut-il aller chercher les raisons du dysfonctionnement du côté des textes constitutionnels, de la pratique, ou, mieux encore, des intentions de tout un chacun ? D’après une source ministérielle, le gouvernement se transforme de facto en cabinet chargé des affaires courantes, si tous les projets importants débattus en Conseil des ministres demeurent paralysés. En d’autres termes, à partir du moment où ni le consensus interministériel ni le vote n’arrivent plus à permettre au Conseil de trancher. Lorsqu’une telle situation perdure – en attendant un consensus sur la formation d’un nouveau gouvernement –, elle porte préjudice au pays, notamment sur les deux plans économique et financier. Lesquels demandent une attention particulière, à la lumière des résultats de Paris II. Dans le sens où un nouveau revers au processus de relance économique mettrait en péril ces résultats et où un Paris III aurait très peu d’espoir de voir le jour. Un nouveau gouvernement ? Interrogée sur la probabilité de la formation d’un nouveau gouvernement à la suite du vote du budget, au vu des difficultés qu’aurait le cabinet actuel à se maintenir, cette source ministérielle répond que n’importe quel nouveau gouvernement ne saurait voir le jour sans un accord entre le président de la République, le général Émile Lahoud, et le Premier ministre, Rafic Hariri. Un point de vue partagé par Damas, d’autant que la présence de M. Hariri à la tête du gouvernement est rendue nécessaire par les circonstances politiques locales et régionales et par la situation économique et financière du pays. Par conséquent, il est plus que nécessaire de réconcilier le président Lahoud et son Premier ministre afin de parvenir à la formation d’un nouveau cabinet. Et c’est bien à cela que l’on œuvre assidûment du côté de la capitale syrienne. Damas se chargerait même, dit-on, de la répartition des postes ministériels de manière à satisfaire tout le monde. Et, de toute manière, les décisions syriennes seraient acceptées par tous... Mais il se pourrait que la question de la formation éventuelle d’un nouveau gouvernement, et par conséquent d’une redistribution des cartes au niveau de la représentation, ne constitue pas vraiment le fond du problème. C’est en tout cas l’avis d’une personnalité politique de premier plan, qui considère que toute la question se situe au niveau de la pratique constitutionnelle et du style gouvernemental. Et pour qui il est nécessaire que chaque partie applique, dans sa pratique du pouvoir, non plus « sa » Constitution, avec « ses » propres interprétations, mais « la » Constitution. Qui ne saurait supporter, elle, diverses interprétations. Avec les amendements constitutionnels de 1989, le président de la République a perdu son droit de vote en Conseil des ministres. Pour renforcer sa fonction d’arbitre, il a cessé d’être partie prenante et décide de par lui-même de l’opportunité du vote en Conseil des ministres – en l’occurrence lorsque le consensus pour la prise de décision s’avère impossible. Encore que le recours au vote, s’il intervient au mauvais moment, peut susciter un conflit grave entre les pôles du pouvoir. Bien plus grave que le fait de repousser le débat sur les questions litigieuses. Selon cette personnalité politique de premier plan, l’accord entre les deux présidents doit donc se faire sur la pratique à adopter, sur le mécanisme d’application des lois et de la Constitution. Cette condition doit nécessairement précéder la formation d’un nouveau gouvernement. Dans le cas contraire, le nouveau cabinet se heurterait au même problème et le pays se verrait embarqué dans une crise interminable, précise cette personnalité. L’alinéa 5 de l’article 65 de la Constitution stipule ce qui suit : « Le Conseil des ministres se réunit régulièrement dans un siège qui lui est propre. Le président de la République préside les réunions du Conseil lorsqu’il est présent. Le quorum légal pour ces réunions est de deux tiers des membres qui composent le gouvernement. Les résolutions sont prises à l’amiable et, au cas où cela s’avère impossible, les résolutions sont prises par vote à la majorité simple. Pour les sujets fondamentaux, l’approbation des deux tiers des membres du gouvernement tel que constitué dans son décret de formation est requise. » Des textes flous Ce texte ne précise pas quels sont les délais pour la réalisation d’un accord à l’amiable. Et par suite ne dit pas à partir de quand il convient de recourir au vote à la majorité simple pour trancher. C’est précisément sur ce point qu’il faudrait trouver un mécanisme pour rendre le vote possible au terme de deux séances successives du Conseil des ministres, si le différend n’a pas été réglé selon la règle consensuelle. Dans ce cadre, l’absence d’un texte clair et précis contraignant le président de la République à soumettre la question au vote selon des délais fixés pose problème. Il lui reste le droit de refuser de débattre d’un sujet lorsqu’il préside la séance. Et c’est à lui qu’il revient d’apprécier quand il convient de soumettre la question à débat. Voilà pourquoi il est nécessaire de se mettre d’accord sur des mécanismes pour appliquer le texte de l’article 65 et contraindre le chef de l’État à recourir au vote dans les délais prévus quand le consensus s’avère impossible. Une autre formule est possible : faire en sorte que le président de la République incite le gouvernement à voter sur l’opportunité ou non de débattre la question en Conseil des ministres. La prise de décision ou le report du débat dépendrait aussitôt de l’issue du vote. Par ailleurs, la question du vote sur les sujets de routine à la majorité simple et sur les sujets fondamentaux à la majorité des deux tiers des membres du gouvernement crée une âpre rivalité entre les deux présidents au sein du Conseil des ministres. En termes de partage d’influence à l’intérieur du gouvernement. Lequel des deux peut-il parvenir à s’assurer la majorité ? Ce cas de figure avait suscité, sous le mandat Hraoui, tout une problématique sur les moyens d’acquérir le tiers des membres du gouvernement, qui renverserait l’équilibre des forces en faveur de l’un ou de l’autre des deux pôles. Pour empêcher que le quorum des deux tiers requis par l’article 65 pour la tenue du Conseil des ministres ne soit atteint. D’autre part, celui qui possède l’appui de ce tiers peut empêcher le vote à la majorité des deux tiers si un seul ministre supplémentaire venait à changer de camp. Il reste que, de l’avis de cette personnalité politique de premier plan, l’essentiel, au niveau du pouvoir, réside dans les intentions des gouvernants. Dans le sens où elles se répercutent, en bien ou en mal. Si le vote doit trancher, c’est bien en faveur du droit qu’il doit le faire et non en faveur du président de la République ou du Premier ministre. Pour cela, il faudrait qu’il y ait, au sein du gouvernement, des ministres influents. De plus, la Constitution donne au président de la République le droit de demander au Conseil des ministres une nouvelle délibération pour toute décision, si le résultat du vote ne lui plaît pas, dans un délai de cinq mois à dater de la transmission de la décision à la présidence de la République. En définitive, conclut la personnalité politique, le problème concerne bel et bien les modalités d’application de la Constitution. Et c’est bien sur ces mécanismes d’application qu’il est nécessaire de s’entendre avant tout. Émile KHOURY
Mais qu’est-ce qui paralyse donc le Conseil des ministres ? Faut-il aller chercher les raisons du dysfonctionnement du côté des textes constitutionnels, de la pratique, ou, mieux encore, des intentions de tout un chacun ? D’après une source ministérielle, le gouvernement se transforme de facto en cabinet chargé des affaires courantes, si tous les projets importants débattus...