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SÉCURITÉ ALIMENTAIRE - Abattoirs contaminés, absence de contrôle, rupture de la chaîne du froid… Quelle viande mangeons-nous ?(PHOTOS)

Dans quel état arrive le bifteck dans notre assiette ? Est-il bien contrôlé ? Préserve-t-il notre santé ? Imen Zitouni, étudiante à l’Institut d’agronomie méditerranéen à Montpellier, prépare un DEA sur la sécurité alimentaire de la viande bovine dans la ville de Beyrouth. Un séjour d’environ un mois dans la capitale lui a permis d’établir un pré-diagnostic sur la situation. Les résultats finaux de l’étude, agréée par la municipalité de Beyrouth comme nous l’a confirmé le Dr Bernard Gerbaka, membre du conseil municipal, seront annoncés l’été prochain. La tâche d’Imen Zitouni n’était pas des plus faciles, faute de statistiques et d’informations. « Un mois durant, j’ai travaillé sur tous les acteurs concernés par la filière de la viande, de l’élevage à la vente, explique l’étudiante. J’ai essayé de définir le rôle de chacune des institutions impliquées, la stratégie qu’elles adoptent et le mécanisme de leur fonctionnement. Tout cela pour mieux comprendre la façon dont elles répondent aux besoins de la ville. » Il est évident au départ qu’à Beyrouth, il existe une grande demande sur la viande. « Dans un avant-projet que j’ai présenté, j’ai remarqué qu’au Liban, la consommation d’aliments d’origine animale (viande, lait, œufs, fromage…) avait tendance à augmenter», note Mlle Zitouni. En effet, de 8 kg par personne en 1975, cette consommation est passée à 25 kg par personne en 2002. Elle atteindra les 50 kg en 2050. Mais l’offre répond-elle réellement aux besoins des consommateurs tout en préservant leur santé ? Une simple observation des lieux a permis à Imen Zitouni d’aboutir à des constatations alarmantes. « J’ai remarqué un grand nombre de dépassements dans tout le circuit de la production de la viande, précise-t-elle. C’est-à-dire qu’il existe soit un manque, soit une absence totale de contrôle, soit encore des dépassements qui influent sur les prix. » De plus, les abattoirs, notamment ceux de Beyrouth, sont contaminés. « Mais il faut préciser dans ce cadre que les abattoirs de la capitale sont provisoires, indique-t-elle. Jadis réquisitionnés par l’armée, ils ont été récemment restitués à la municipalité de Beyrouth qui doit les remettre en état. » Absence de contrôle Voilà toutefois une hypothèse sur la situation au Liban telle que constatée par Imen Zitouni : l’alimentation de la ville est assurée dans sa majorité (environ 80 %) par l’importation de la viande conditionnée (une viande légèrement réfrigérée à -1 ou -2 degrés). En ce qui concerne les animaux vifs, ils constituent 20 % de la production de la viande au Liban, 13 % étant une production locale de type «baladi» et 7 % étant importés. « Il n’existe aucun contrôle sur la viande bovine locale, alors que 50 % uniquement des animaux importés sont contrôlés par l’État », souligne Mlle Zitouni, qui poursuit : « Bien que les laboratoires existent, les échantillonnages et les prises de sang sont mal faits notamment au port de Beyrouth, où nous remarquons l’absence d’une aire consacrée à ces dispositions. Les vétérinaires effectuent leur travail rapidement parce qu’ils sont pressés, surtout en raison des demandes du marché. De plus, les animaux ne sont pas mis en quarantaine le temps qu’il faut (au moins 15 jours) pour s’assurer qu’ils sont sains et ne souffrent d’aucune maladie transmissible à l’homme, notamment après une semaine passée au large dans des conditions minables. » Donc une fois importés, les animaux sont acheminés vers les abattoirs qui souffrent également de l’absence du contrôle sanitaire étatique. Seuls 30 à 60 % des abattoirs des municipalités bénéficient de ce service. « Nous ignorons tout des démarches suivies dans les abattoirs privés et clandestins », souligne Mlle Zitouni. À tout cela s’ajoutent le manque de chaînes de froid (le transport de la viande se fait donc d’une manière aléatoire plus ou moins dangereuse, principalement en été), la mauvaise organisation de la distribution (d’où la vente non contrôlée de la viande dans les rues et les abattages individuels au niveau des fermes) et le vide juridique. « J’ai observé à ce niveau un chevauchement entre les actions et les institutions, remarque Mlle Zitouni. D’après la loi, il existe plusieurs intervenants dans le contrôle de la viande. Au niveau de la production et de l’importation, c’est le ministère de l’Agriculture qui intervient. Le ministère de l’Économie est responsable du stockage, celui de l’Industrie de la transformation agro-industrielle et celui de la Santé de la consommation. Quant au ministère de l’Intérieur, il gère, en plus de la transformation agro-industrielle et de la consommation, les moyens de production, c’est-à-dire les outils utilisés, les voitures consacrées au transport de la viande, etc. Il faudrait définir les prérogatives de chacune de ces institutions pour pouvoir régler le marché et sanctionner, par la suite, les responsables. » Le chevillard : un acteur important La porte d’entrée à cette filière demeurent, selon Imen Zitouni, les chevillards. Ces marchands de bétail détiennent tous les mécanismes du marché et contrôlent effectivement la politique alimentaire. Ce sont eux les maîtres de l’offre et de la demande. « Ils ont approvisionné le marché avant la guerre, durant la guerre et continuent à le faire, signale Mlle Zitouni. Il faut les aider en promulguant des lois susceptibles de réguler cette profession. » Quel rôle joue la municipalité dans ce domaine ? « Étant l’acteur local le plus proche du consommateur, la municipalité doit organiser le marché en améliorant les systèmes de commercialisation et de distribution et en aidant les chevillards à réduire le risque de contamination des aliments, répond Mlle Zitouni. La municipalité doit également organiser des campagnes d’information à l’intention des consommateurs et des séminaires pour tous les acteurs de la filière. Elle doit enfin associer les professionnels du métier aux décisions qu’elle prend, car ils sont les plus concernés et, en fin de compte, ce sont eux qui détiennent la clé du marché. » « Toutes les personnes que j’ai interviewées sont conscientes du danger qui menace la santé des consommateurs », insiste Mlle Zitouni, qui conclut : « Il faudra prendre en considération ces faits et agir dès aujourd’hui pour assurer la salubrité de la viande, d’autant qu’elle n’est pas subventionnée par l’État. Les consommateurs libanais paient le prix réel de la viande. Ils doivent exiger en retour qu’elle soit saine et qu’elle leur apporte leurs besoins nutritionnels. D’autant qu’à l’échelle internationale, le secteur de la viande rouge évolue rapidement. Il faut être vigilant sur ce plan et éviter que le Liban ne se transforme en un marché facile pour les pays de l’Amérique du Sud et de l’Europe où la tentation serait, sinon, grande d’écouler une marchandise quelle que soit sa qualité. » Nada MERHI
Dans quel état arrive le bifteck dans notre assiette ? Est-il bien contrôlé ? Préserve-t-il notre santé ? Imen Zitouni, étudiante à l’Institut d’agronomie méditerranéen à Montpellier, prépare un DEA sur la sécurité alimentaire de la viande bovine dans la ville de Beyrouth. Un séjour d’environ un mois dans la capitale lui a permis d’établir un pré-diagnostic sur...