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Actualités - REPORTAGES

Développement - ONG vs municipalité A Ehden, un projet controversé avant d'être né (photos)

Une polémique a éclaté à Ehden (Liban-Nord) entre certaines ONG et la municipalité au sujet d’un projet que cette dernière compte réaliser dans les hauteurs du village. Les ONG appréhendent les dégâts sur l’environnement que pourrait causer un éventuel complexe résidentiel (si le projet devait en comporter un) dans une zone particulièrement connue pour sa biodiversité (et pour sa réserve naturelle) et ses nappes phréatiques qui approvisionnent toute une région en eau. Pour sa part, la municipalité rétorque que la forme finale du projet n’est pas encore définie et que, quel qu’il soit, il sera aussi respectueux que possible de l’écologie, ne sera pas adopté avant d’être débattu et contribuera au développement économique de la région. Ehden est un village perché à 1 500 mètres d’altitude, sur le versant d’une montagne majestueuse et dans le cadre d’un panorama impressionnant. Recouvert de neige et déserté en hiver, il n’est habité qu’en été, par les résidents de Zghorta en majorité. Ses forêts abritent une biodiversité unique, ce qui a conduit l’État à classer réserve naturelle une de ces zones, connue sous le nom de Horch Ehden, dans le cadre d’un projet financé par le Pnud. Il faut préciser que cette réserve est entourée d’une zone protégée. Cependant, le village étant presque entièrement déserté en hiver, une idée fait son chemin depuis quelque temps : celle de créer un projet sur un terrain appartenant à la municipalité dans les hauteurs, comportant le plus probablement une station de sports d’hiver. Mais c’est ce projet encore inconnu – puisque des sociétés ayant répondu à l’appel d’offres de la municipalité ne devraient présenter leurs idées que fin novembre – qui suscite aujourd’hui les inquiétudes de certains écologistes et ONG et la prudence d’autres. Ceux-ci craignent les effets négatifs des résidences (au cas où elles seraient prévues) sur les espaces verts, les nappes phréatiques et la situation socio-économique du village. Mais que redoutent exactement les opposants au projet ? M. Pierre Mouawad, du Comité de sauvegarde du jurd (hauteurs) d’Ehden et de la montagne al-Makmel, qualifie ce projet de «suspect». Pourquoi le serait-il ? «La municipalité ne nous donne pas d’informations exactes sur la localisation du projet», répond-il. «Le financement n’est pas déterminé. Nous n’avons aucune idée d’où proviennent les sociétés qui ont répondu à l’appel d’offres». M. Mouawad explique que «toute la région de Horch Ehden (la réserve et ce qui l’entoure) était un territoire public, mais une partie est devenue propriété de la municipalité depuis quelques années». Il étaye son opposition par les arguments suivants : «La région où devrait être situé le projet est très délicate. Sa biodiversité est unique et c’est d’elle que proviennent toutes les sources d’eau. De plus, elle constitue pour les habitants d’Ehden un barrage naturel». Quelle est l’importance de ce barrage naturel ? «L’ouverture de routes et un début de développement attireraient dans cette région des personnes dont nous ne connaîtrons même pas la provenance, souligne M. Mouawad. Il ne faut pas oublier que le jurd d’Ehden est un prolongement de la région de Denniyé, pas très bien contrôlée par l’État». «Nous ne sommes pas hostiles au développement, au contraire, poursuit-il. Nous pensons que la station de ski est une bonne idée, surtout si on y accède par un télésiège sans construire de nouvelles routes. Mais si elle est doublée de complexes résidentiels et touristiques, elle risquerait non seulement de nuire à l’environnement, mais aussi à la situation socio-économique du village qui n’en profiterait pas. Un projet qui servirait vraiment Ehden ferait travailler ses hôtels et permettait de louer ses maisons été comme hiver». Il ajoute : «Nous avons déjà gâché notre littoral. Faut-il qu’on perde nos montagnes et, avec elles, les derniers atouts de l’écotourisme ?». Interrogé par L’Orient-Le Jour , M. Sarkis Khawaja, qui fait partie des Amis de Horch Ehden et qui est le directeur actuel de la réserve, adopte une position moins tranchée. «Nous restons prudents à la perspective de ce projet, mais nous ne pouvons nous y opposer franchement avant d’en connaître la teneur, dit-il. Nous avons discuté avec la municipalité. Les projets seront rendus publics avant le choix de l’un d’eux. Si nous avons la certitude qu’il représente un danger pour la région naturelle, nous le combattrons alors par tous les moyens». «Il ne faut pas oublier, poursuit-il, que l’environnement fait partie des préoccupations de nos responsables municipaux». Réponse de la municipalité Pour sa part, M. Georges Yammine, président de la municipalité de Zghorta, trouve que la polémique n’a pas lieu d’être. «Les écologistes veulent toujours nous ramener en arrière, affirme-t-il. Notre position est claire. Nous voulons faire d’Ehden un centre ouvert douze mois sur douze et prospère. Mais la préservation de l’environnement reste l’un de nos objectifs principaux, une des lignes rouges à ne pas dépasser et que nous avons imposées aux sociétés qui ont déclaré leur intention de nous présenter des projets». Répondant aux craintes des environnementalistes, il fait remarquer que «nous n’avons aucun intérêt à ne pas préserver l’environnement puisque c’est cela qui fait la particularité de la région». Sur la possibilité de la construction d’une route qui pourrait nuire à la réserve, il précise : «La nécessité d’une route n’a pas encore été confirmée. Il se peut que les sociétés qui vont investir ne trouvent aucun intérêt à la construction d’une route qui mène au site. Il faut dire que même actuellement, les automobilistes ne sont pas rares dans cette contrée». Selon lui, le nouveau projet contribuera à créer 600 à 700 nouveaux emplois et ne représentera aucune concurrence au village même. «Le projet ne devrait pas comporter de grands complexes résidentiels ou un grand nombre d’hôtels», précise M. Yammine. «Par ailleurs, un hôtel ou un club ne feraient pas préjudice aux établissements de la ville. Bien au contraire, ils attireraient plus de visiteurs et feraient travailler tout le monde». Par ailleurs, la seule précision qu’il donne sur le projet est qu’il comportera de toute évidence une station de sports d’hiver puisque «le ski est une particularité du Liban par rapport aux autres pays du Moyen-Orient». Pour sa part, M. Ghassan Tayoun, membre du conseil municipal de Zghorta et de la commission chargée de développement durable, qualifie le futur projet de «rêve collectif depuis les années 70, où une première étude de faisabilité avait été effectuée». Il indique que «ce sont neuf sociétés spécialisées en tourisme de montagne qui se sont engagées à nous présenter leurs idées fin novembre, et ce sera la société choisie qui financera l’exécution et exploitera, pour une durée qu’elle déterminera elle-même, le projet». Sur la protection de l’environnement, M. Tayoun donne ces précisions : «La municipalité a déjà rejeté des projets d’immobilier conçus sans aucune étude d’impact environnemental. Nous avons décidé de nous lancer dans un projet qui réponde aux critères du développement durable, en prévoyant donc une protection de l’eau et de l’environnement. D’autre part, la procédure d’adjudication sera assez malléable : une fois les projets reçus, ils seront exposés au public et débattus. Ensuite, c’est un jury qui choisira le projet en tenant compte de sa capacité à assurer un développement durable à la région et à préserver l’environnement». Par ailleurs, M. Tayoun assure qu’il ne saurait être question d’admettre quoi que ce soit de contraire aux recommandations des ministères de l’Environnement, de l’Agriculture et du Tourisme, et que ces départements seront même invités à envoyer des délégués pour participer au jury qui devra opérer le choix du projet. «Nous faisons partie après tout de cette population nous sommes tous concernés, à la municipalité, par l’environnement et il n’est pas question pour nous de causer des dégâts irréversibles au site naturel, dit-il. Nous travaillons selon un concept de durabilité et ne répéterons pas les erreurs qui ont été commises sur le littoral. Nous sommes conscients que le développement de toute cette région ne se fera qu’avec un plan d’aménagement global, qui regroupera la réserve de Horch Ehden, que nous aidons à entretenir de toutes les façons possibles, et la vallée de la Qadicha». Cependant, pour M. Mouawad, tout développement comportant des résidences risque de nuire à l’environnement. «Le Liban a une des densités démographiques les plus élevées du monde, dit-il. Ses ressources naturelles ne supporteront plus longtemps ce genre de pression. Nous courons vers la désertification». Il ajoute : « Nous suggérons que toute cette région soit déclarée réserve naturelle parce qu’elle est très importante écologiquement». Quelle devrait être leur prochaine mesure ? «Nous comptons faire pression à travers des ONG libanaises et internationales, répond M. Mouawad. Nous préparons par ailleurs une étude de faisabilité pour un projet qui, selon nous, serait inoffensif pour la région tout en assurant le développement et que nous présenterons à la municipalité». Dans tous les cas, la polémique ne s’aggravera ou, au contraire, ne disparaîtra qu’après le choix du projet qui devrait survenir dans les deux mois à venir.
Une polémique a éclaté à Ehden (Liban-Nord) entre certaines ONG et la municipalité au sujet d’un projet que cette dernière compte réaliser dans les hauteurs du village. Les ONG appréhendent les dégâts sur l’environnement que pourrait causer un éventuel complexe résidentiel (si le projet devait en comporter un) dans une zone particulièrement connue pour sa biodiversité...