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Actualités - ANALYSE

L'urne et le pouvoir, un couple éternel

Se voulant objectivement réaliste, un officiel reconnaît, avec un hochement de tête, que «l’on ne peut faire croire à personne que le pouvoir peut être vraiment neutre et impartial dans les élections. Les gens ont, pour penser le contraire, beaucoup de bonnes raisons : – Tout d’abord, c’est l’Exécutif qui découpe les circonscriptions. Et comme à travers de telles décisions, il est impossible de contenter tout le monde et son père, on entendra toujours dire que le tableau favorise les loyalistes et pénalise les opposants. – Le pouvoir intervient dans la composition des listes, cherchant à porter les éléments forts à s’allier entre eux dans certaines régions ou à se dresser les uns contre les autres dans d’autres endroits. Le pouvoir encourage donc des alliances considérées généralement “contre nature”, puisqu’elles regroupent des forces ou des partis antagonistes. Il y a donc immixtion, il faut bien l’avouer. Mais ce qu’on ne dit pas assez, c’est que cette intervention est légitime. Elle se justifie dans la plupart des cas par le souci d’éviter au pays des secousses électorales dangereuses sur le plan de la sécurité. Mais, dans d’autres cas, le but poursuivi est bien d’ordre politique et consiste à renforcer les chances d’une majorité loyaliste pour consolider la stabilité comme la puissance du pouvoir en place. C’est là, redisons-le, une pratique de bonne guerre que l’on retrouve dans les pays de haute tradition démocratique. Il faut cependant souligner que la marge d’intervention doit avoir ses règles et ses limites. Il serait inadmissible, par exemple, de recourir à des pressions abusives, des intimidations diverses ou encore à l’octroi d’avantages moyennant le ralliement des pôles sollicités. Le seul moyen autorisé est la rhétorique, le dialogue, la persuasion démocratique». Beaucoup de gens soutiennent que certains responsables ne s’en tiennent pas là. Le cadre cité reprend : « – Il arrive souvent, et c’est le cas pour l’équipe actuelle, que le gouvernement en place comprenne des candidats aux élections. Sauf très forte et très rare dose de naïveté, on ne peut pas croire alors à l’impartialité des pouvoirs publics. Si les gouvernants n’abusent pas eux-mêmes de leurs fonctions, il existe toujours des fonctionnaires zélés qui le font à leur place». Pour cette personnalité, «il faut avoir le courage de jouer franc jeu. Le seul moyen pour le pouvoir de retourner en sa faveur une opinion sceptique, c’est de déclarer qu’effectivement, il n’est pas neutre dans les élections. Et qu’il ne saurait l’être, dans la mesure où, pour bien servir le pays, il lui faut s’assurer une majorité parlementaire en harmonie avec ses vues. Tout en combattant les parties qui à son avis adoptent une ligne préjudiciable aux intérêts nationaux bien compris. Sous aucun régime, le pouvoir n’a été neutre, son parti pris se déclarant dès le départ par la teneur de la loi électorale qu’il promulgue et par le découpage des circonscriptions». «Ceci étant, précise cet apôtre de la transparence, il est évident que le pouvoir est tenu par-dessus tout, et même si c’est contraire à ses objectifs politiques, de garantir effectivement des élections libres et parfaitement régulières. Il doit s’empêcher, non seulement de tricher, mais aussi, mais surtout, d’exercer des pressions abusives, intimidation ou corruption voilée à l’encontre de ses adversaires ou des électeurs. Les actes de provocation, les incidents sécuritaires montés de toutes pièces doivent être strictement prohibés. On ne doit pas mettre des bâtons dans les roues des candidats indésirables en ce qui concerne la collecte des cartes électorales ou la désignation de scrutateurs dans les bureaux de vote. De telles pratiques, tout comme la fraude, ne doivent jamais avoir cours». Et de conclure en soulignant que «le Conseil constitutionnel, qui connaît des recours en invalidation, juge les cas de triche, d’achat de voix, d’abus ou de provocation. Il est moins concerné par le découpage des circonscriptions et n’a rien à dire sur l’intervention du pouvoir en matière de composition des listes. Ce qui tend à montrer que cette intervention est légale et qu’il est grand temps que nos dirigeants reconnaissent qu’ils ne peuvent être neutre dans l’empoignade électorale». Bien entendu, de telles positions offusquent l’opposition. Pour qui le pouvoir en place abuse largement de ses droits en découpant les circonscriptions à la convenance de ses favoris et en s’immisçant dans la fabrication des listes. Pour les opposants, la partialité du pouvoir, avouée ou pas, annule tout simplement la démocratie. Ou la ridiculise en en faisant «une démocratie des 99,99 %», comme l’écrit Ghassan Tuéni dans un récent article.
Se voulant objectivement réaliste, un officiel reconnaît, avec un hochement de tête, que «l’on ne peut faire croire à personne que le pouvoir peut être vraiment neutre et impartial dans les élections. Les gens ont, pour penser le contraire, beaucoup de bonnes raisons : – Tout d’abord, c’est l’Exécutif qui découpe les circonscriptions. Et comme à travers de telles...