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Actualités - CHRONOLOGIE

Livres - "Monsieur Bob'le" de Georges Schehadé traduit par Adonis Théâtre de poésie en langue arabe à Dar An-Nahar (photo)

C’est une période fastueuse – et ce n’est que justice – pour le monde de Georges Schehadé. Ses mots qui ont la luminescence des farfadets dans le velours d’une nuit au clair d’une lune argentée illuminent les pages des éditions de plus en plus nombreuses qui lui sont consacrées. Après que bien de Libanais aient découvert le «Chagrin d’amour» donné l’année dernière au centre-ville en plus d’une luxueuse édition pour cette œuvre de première jeunesse, et après aussi avoir judicieusement groupé les œuvres complètes en des volumes à l’écriture serrée, elles aussi joliment éditées par Dar An-Nahar, voilà aujourd’hui une nouvelle et louable initiative pour mieux révéler la «magie» du verbe schehadien. Une initiative qui permet non seulement aux amoureux de la langue française de (re)découvrir le verbe frémissant et secret de l’auteur de La soirée des proverbes, mais aussi aux lecteurs arabes qui, par le biais d’une belle traduction signée Adonis, restituant tout l’humour et la poésie d’un monde enchanté et enchanteur, retrouveront dans les accents de la langue de Gibran toute la finesse et l’esprit d’une écriture hors norme et d’une inspiration originale. Voilà donc Monsieur Bob’le en double version (française-arabe – 283 pages – Dar An-Nahar). Cette pièce est l’une des premières œuvres de l’auteur des Violettes à avoir eu un succès retentissant et international. Dramaturge mordu au cœur par la poésie et étranger à toute école, Schehadé conte avec une verve insolite de belles et étranges histoires couleur d’enfance où la tragédie et l’humour s’harmonisent et ont des parts presque égales. Présentée le 30 janvier 1951 pour la première fois à Paris au théâtre de la Huchette (qui fit un triomphe à La cantatrice chauve de Ionesco) par la Compagnie Georges Vitaly, Monsieur Bob’le, avec une distribution de plus de vingt acteurs, fut une sorte de bataille d’Hernani. D’éminents critiques de l’époque (Jean-Jacques Gauthier et Robert Kemp) et des poètes (André Breton, Paul Eluard, Supervielle et Max Jacob) prirent la défense de ce «théâtre de poésie» si déroutant et séduisant dans sa mystérieuse formulation avant-gardiste. Depuis, c’est-à-dire un demi-siècle plus tard, le verbe et le monde de Schehadé sont toujours là, tout aussi sonores, lumineux et enchanteurs. Des héros surprenants toujours en quête de quelque chose et des personnages empreints d’humour, s’exprimant et vivant en poètes, voilà l’univers un peu flou et déformant de ce dramaturge qui croyait ferme à la magie des mots, à leurs sortilèges, à leur féerie et tout simplement aussi à leur irrépressible et aventureuse liberté. «Les voyages forment la jeunesse et déforment la jeunesse», énonce Monsieur Bob’le dans cette inénarrable histoire. D’ailleurs, le théâtre de Schehadé ne se raconte pas car les histoires de vent, comme tout conte qui se respecte, ne se racontent pas au sens premier du terme. Mais on vit et on «écoute» ce théâtre aux personnages fantasques et aux propos comme venus d’ailleurs. Dédiée à Gabriel Bounoure, cette œuvre tente de capter les ombres fugitives qui hantent cette improbable ville de Paola Scala. C’est un peu comme ce malicieux cocher de L’Emigré de Brisbane qui trompe si «innocemment» ses passagers juste par goût «esthétique»... «Allez, il y a trop de folie dans ce monde», comme dirait justement en conclusion un des personnages de Monsieur Bob’le. Plaisir de réentendre la voix de ce «cher Georges» à travers les mots arabes brusquement si complices des subtilités étrangères. Qui aurait dit que la plume d’Adonis trouverait les équivalents pour cette musique, ces images, cette féerie, ces atmosphères, ce lyrisme si diaphane, ces cadences, ces sonorités, bref toute cette grave et délicate retenue ? Assurément, il s’agit là d’une profonde et inexplicable complicité de poètes où flair et sensibilité ont la part belle. Tout à notre ravissement et contentement pour une meilleure et plus grande (re)connaissance de notre dramaturge francophone à la voix toutefois inimitable .
C’est une période fastueuse – et ce n’est que justice – pour le monde de Georges Schehadé. Ses mots qui ont la luminescence des farfadets dans le velours d’une nuit au clair d’une lune argentée illuminent les pages des éditions de plus en plus nombreuses qui lui sont consacrées. Après que bien de Libanais aient découvert le «Chagrin d’amour» donné l’année...