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Actualités - OPINION

Le meilleur des mondes

Ils sont légion les béni-oui-oui, les thuriféraires de la pensée unique qui ruent dans les brancards dès lors que sont abordés des sujets qui dérangent. Les écrits critiques, les opinions libres ? de l’outrecuidance. L’évocation de questions sensibles ? une atteinte aux constantes nationales. La récupération de l’autonomie de décision? un service rendu à Israël. En cette phase critique de notre existence, renchérissent ces zélateurs de la langue de bois, nulle voix discordante ne doit s’exprimer . Les interrogations ? au rancart. Les inquiétudes quant à l’avenir ? un défaitisme que rien ne justifie. Mais ces dinosaures de la politique semblent oublier que les phases critiques se succèdent depuis 1975 et que si les «voix discordantes» avaient été entendues tout au long des années noires beaucoup de drames auraient pu être évités. Ne nous cachons pas derrière notre doigt : la priorité est israélienne et, par ricochet, syrienne, concomitance oblige. Évoquer le premier dossier sans parler du second relèverait de la pure hypocrisie. L’affaire des hameaux de Chebaa, qui nous est quasiment tombée du ciel, rend d’ailleurs cette imbrication plus évidente que jamais. Alors de grâce, qu’on ne vienne pas nous asséner des leçons de patriotisme comme un réquisitoire de procureur . Les forces israéliennes, forces occupantes, s’en vont. Bon débarras. Plus vite elles s’en iront, mieux cela vaudra. Les Syriens restent, c’est une autre affaire, une autre paire de manches. Rafraîchissons un peu la mémoire de ceux qui se disent en état de vigilance permanente,gardiens de la probité publique, et qui souffrent soudainement de myopie quand sont posées les questions essentielles. – Pourquoi les étudiants ont-ils récemment manifesté, hurlé leur colère et leur désarroi ? Pourquoi ont-ils été tabassés et jetés en prison ? Est-ce pour des considérations purement universitaires ou parce qu’ils exprimaient, assez bruyamment, ce que pense une partie de la population. Et qu’on ne vienne pas nous dire que les étudiants sont manipulés, ce serait faire insulte à cette jeunesse qui a jeté aux orties les tabous accumulés au fil des ans et qui ne réclame que son droit à la liberté d’expression. – Pourquoi la crise économique s’éternise-t-elle dans le pays ? Pourquoi les usines ferment-elles les unes après les autres, jetant des centaines d’ouvriers dans la rue et condamnant autant de familles à la misère ? Pourquoi les investisseurs, un moment encouragés, fuient-ils de nouveau à la recherche de cieux plus cléments et manifestement mieux gérés ? L’annonce du prochain retrait israélien aurait dû pourtant relancer la machine, rétablir la confiance et c’est le contraire qui se produit. Pourquoi donc ? Disons-le franchement et sans détour : le retrait israélien non accompagné d’un accord avec la Syrie est effectivement un «cadeau empoisonné» tel que l’entend Farouk el-Chareh, cadeau d’autant plus empoisonné qu’il implique la poursuite de l’occupation du Golan et la relance du débat sur le rôle syrien au Liban. Interrogé récemment par la CNN, un analyste israélien a clairement défini les «préférences» de l’État hébreu : un Liban pacifié, syrianisé, en mesure de garantir la sécurité des frontières israéliennes, l’État libanais «autonome» en étant tout simplement incapable. Le clin d’œil est évident :le Liban contre le Golan. Le piège est là, il est gros, il saute aux yeux :on déstabilise la scène libanaise, on chauffe la marmite et la Syrie reste là pour l’empêcher de sauter, pour rétablir la «normalité». On maintient une situation de ni guerre ni paix avec Damas et le Golan reste occupé. Sans oublier la carte palestinienne qui peut nous ramener à la case départ . Dans ces conditions, tout dérapage, toute chasse aux sorcières au Liban-Sud, pendant et après le retrait, créeraient des situations de discorde civile et serviraient les desseins d’Israël qui table d’ores et déjà sur une «cinquième colonne» lahdiste pour entretenir la tension. Toute perturbation, toute provocation interne, comme celle qui s’est récemment produite à Ain el-Remmaneh, risqueraient de rendre inévitable ce qui n’est actuellement qu’une vue de l’esprit, un projet machiavélique taraudant des esprits malades . Les vieux démons sommeillent et il leur tarde de se réveiller. C’est pourquoi le discours hargneux de certains, hors de toute éthique, leur terreur des sujets qui interpellent les consciences, sont suspects à plus d’un titre. Ils dénotent une volonté claire d’entretenir les ambiguïtés, un refus systématique de mettre le doigt sur la plaie, contribuant ainsi à la prolongation des crises. Le meilleur des mondes pour eux ? Un pays où le discours serait unique et où l’on s’évertuerait à taire tout ce que le monde crève de dire tout haut. Les lendemains qui chantent ? Allez voir du côté des calendes grecques Roed-Larsen, lui, en a déjà des sueurs froides.
Ils sont légion les béni-oui-oui, les thuriféraires de la pensée unique qui ruent dans les brancards dès lors que sont abordés des sujets qui dérangent. Les écrits critiques, les opinions libres ? de l’outrecuidance. L’évocation de questions sensibles ? une atteinte aux constantes nationales. La récupération de l’autonomie de décision? un service rendu à Israël. En...