En marge d'une visite Libanaise Arménie

Peuple millénaire à l’histoire faite d’invasions successives, de batailles sanglantes, de controverses religieuses, peuple orgueilleux et fier. Des siècles et des siècles de province en province, de grande en petite Arménie. Des siècles et des siècles, et puis le génocide : 1 million et demi, deux (?) millions de victimes, l’immense souillure de 1915. Très peu après, l’Arménie devient libanaise, elle le devient avec ferveur, sans ne parler que sa propre langue, le turc, et un certain vocabulaire de français lui venant des missions religieuses d’Orient. Nous voilà donc ensemble, eux avec l’étonnante ferveur de qui se voit offrir une terre, nous avec la moins pure stratégie d’accumuler des âmes chrétiennes. Il faudra quelques années pour le temps de la fusion. La fusion, mais faite de deux intégrités. On aura rarement vu, dans d’autres communautés libanaises, une telle solidarité dans l’enseignement, un trilinguisme aussi vite venu, et, par-dessus, tout, le poids de cette autorité religieuse à laquelle nul, laïc ou croyant, ne songe à se dérober. Les Libanais, eux, traitant au début les nouveaux arrivants comme des demi-étrangers au drôle d’accent, passèrent vite à l’admiration et au respect : respect du labeur bien fait, respect de la culture de haut niveau, respect du patriotisme politique. Bref, la libanaise Arménie, d’avoir relevé le défi d’être libanaise sans cesser d’être Arménienne, d’avoir réussi ce mélange, maladroit en 1915, brillant aujourd’hui, partage aujourd’hui la fierté d’être d’un pays et de deux cultures. Car leur culture, qui est communauté, qui est ethnie, est celle de toutes les minorités : courageuse et pugnace, légèrement empreinte de supériorité sur les majoritaires. Et nous leur ressemblons aujourd’hui comme des frères.