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Actualités - ANALYSE

Le port d'armes sur la sellette

Les événements de Denniyé, et tout ce qui s’en est suivi, remettent en lumière localement plus d’un dossier gardé de côté, occulté ou étouffé. À plusieurs reprises, dans ces colonnes mêmes ou ailleurs, des problèmes graves ont été soulevés sans que les responsables s’en émeuvent particulièrement. Ainsi quand il y a quelques mois il avait été question du port d’armes légal, et a fortiori du massif armement illégal aux mains de la population, la seule réaction officielle avait tenu dans une réunion, du reste sans résultats pratiques, entre les ministres de l’Intérieur et de la Défense. Or s’il y a une chose sur laquelle toutes les parties s’accordent, c’est que le Liban, à l’orée d’une nouvelle ère régionale, est particulièrement vulnérable, et que ses positions de négociateur peuvent être attaquées à travers des tentatives de déstabilisation intérieure. Dans cet ordre d’idées, tout le monde convient que la série «inaugurale» d’attentats aux explosifs dans des églises du Nord, les incidents de Denniyé, l’agression de Mazraa, la roquette contre l’armée à Ain el-Héloué, peut-être même aussi l’assassinat de sœur Zeidan, n’avaient rien de fortuit. On était clairement confronté à un plan d’action établi par les extrémistes et par leurs commanditaires pour secouer le cocotier et plonger ce pays dans l’anarchie, sinon dans une nouvelle guerre domestique. Il est apparu que les mercenaires qui ont gagné le jurd n’étaient pas du tout de pauvres gens opprimés, une sorte de groupe de Robin Hood, mais bien des professionnels formés à la guérilla sur divers fronts extérieurs. Il s’est confirmé que leur «idéologie» se résume à un sectarisme aveugle qui les fait renier par les autres mouvements fondamentalistes opérant dans la légalité. Ces activistes avaient reçu visiblement des ordres de parties étrangères pour semer au Liban un conflit confessionnel et pour affaiblir de la sorte ce pays ainsi que la Syrie qui en partage la responsabilité au plan sécuritaire. «Dès lors, dit un politicien, il faut sérieusement se pencher sur le problème des armes. Il n’y a pas que les groupes qui en détiennent. Toute la population en garde, c’est très évident. Rien que les détenteurs de permis de port d’armes de poing, mitraillettes ou revolvers, se comptent au nombre de 50 000. Il ne devrait pas y en avoir le centième dans un pays démocratique qui s’appuie sur quelque 150 000 éléments sécuritaires réguliers, nationaux ou syriens. Même si l’on met le danger politique de côté pour ne considérer que la criminalité ordinaire, il est certain que la plupart des méfaits enregistrés, assassinats ou vols, ne sont rendus possibles que par la profusion de l’armement. Les pistoleros sont légion et, à chaque dispute de priorité de passage, on les voit sortir leur arsenal, sans que généralement les agents éventuellement présents sur les lieux osent intervenir». Ce politicien s’indigne que «dans un pays qui a versé pendant quinze ans tant de sang et de larmes, et qui dispose désormais d’une armée forte et de FSI bien réorganisées, on ne comprenne pas que les armes sont source de mal et doivent absolument, impérativement être prohibées. Et pas seulement en mots, mais dans les faits. C’est-à-dire qu’il faut établir un plan très sévère, avec rafles et perquisitions, pour leur ramassage total dans un délai de quelques semaines. Les Libanais doivent s’en remettre pour leur protection aux forces de la légalité. Cela signifie aussi que la police, au sens général du terme, doit être mieux faite. En bonne logique en effet on ne peut pas empêcher un bijoutier de garder un pistolet sous son comptoir quand il n’est pas gardé et quand il sait que l’auteur d’un éventuel hold-up serait sûrement armé. Il faut donc à la fois désarmer les gens et bien tenir la rue. C’est là l’un des tout premiers devoirs de l’État de droit». «Or, poursuit cette personnalité, c’est la tendance inverse qui a été suivie ces dernières années. Les prouesses de la troïka avaient réussi en effet à exacerber les dissentiments confessionnels dans ce pays. Et dès lors, dans la crainte d’incidents communautaires, la course à l’armement populaire clandestin s’est déchaînée. Au marché occulte, le prix d’une kalachnikov tombé à presque rien à la fin de la guerre a connu une flambée spectaculaire, la demande étant bien plus forte que l’offre. Il est temps que le pouvoir réagisse fermement et éradique tous les germes qui peuvent menacer la paix civile ou la sécurité ordinaire des citoyens». Et de noter que «la Résistance a bien entendu le droit d’être armée. Mais cela doit se passer uniquement dans la région frontalière méridionale et dans nulle autre région. Dans le même esprit, il est temps de mettre au pas les camps palestiniens et de les désarmer car ils constituent un réservoir où tous les fauteurs de troubles peuvent puiser». Le ministre de la Défense, M. Ghazi Zeayter, s’inquiète lui-même de «ce redoutable phénomène que constitue l’existence de dizaines de milliers de permis de port d’arme». Il relève en substance que ce permis est devenu synonyme de notabilité, d’influence et de puissance. Celui qui le détient peut en effet se présenter comme ayant des protections au sein du pouvoir. Le ministre ajoute que certains politiciens procurent de tels permis à leur clientèle pour des raisons électorales. M. Zeayter promet que son département, en coordination avec l’Intérieur, va traiter la question et élaborer une nouvelle réglementation plus restrictive.
Les événements de Denniyé, et tout ce qui s’en est suivi, remettent en lumière localement plus d’un dossier gardé de côté, occulté ou étouffé. À plusieurs reprises, dans ces colonnes mêmes ou ailleurs, des problèmes graves ont été soulevés sans que les responsables s’en émeuvent particulièrement. Ainsi quand il y a quelques mois il avait été question du port...