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Actualités - CHRONOLOGIE

Une espèce de libanisation dans les Territoires

Karim Pakradouni prend une petite pause, quelque part en plein milieu de son analyse. Pour sortir tranquillement dix secondes plus tard son constat-choc : «Je ne sais pas pourquoi je perçois, dans ce qui se passe actuellement à l’intérieur des Territoires, une sorte de libanisation». L’analyse est osée, les arguments suivent, immédiatement : «De part et d’autre, nous avons une armée contre une milice. L’armée israélienne appuie les colons, la police palestinienne appuie les hommes de l’intifada. Concrètement, les autorités légales sont en train de céder la place aux milices et de se diviser, à l’exemple de l’armée libanaise qui s’était scindée en deux, chrétiens d’un côté, musulmans de l’autre». Son second argument, Karim Pakradouni va le chercher encore plus loin, et il ne manque pas de «panache» : ce sont ces accords de cessez-le feu, innombrables certes, mais «qui ne cessent rien du tout : ils font simplement des pauses sans trouver de solutions». Karim Pakradouni a signé, dans le cadre des comités de liaison durant la guerre libanaise, plus de 53 de ce genre d’accords, que ce soit avec les Palestiniens ou avec le Mouvement national (PSP, PCL, OACL, les Nassériens, etc). «À chaque fois, on n’essayait pas de régler la cause du conflit, mais d’en appréhender les conséquences. Par exemple, lorsqu’il y a eu kidnapping, on demandait la libération des otages, sans essayer de savoir pourquoi ils ont été kidnappés, et tout était à l’avenant... On traitait les conséquences sans s’occuper des causes, et c’est ce qui se passe en ce moment par rapport aux Territoires, à chaque cessez-le feu. Sauf que là, ce ne sont pas des comités de liaison, mais des super-puissances, les USA, l’Europe, etc. Regardez Charm el-Cheikh : il n’y a rien eu, ni agenda, ni quand, ni comment. Quel échec !» Certes, les arguments se tiennent, mais peut-on comparer ce qui se passe aujourd’hui entre Israël et les Palestiniens à ce qui se passait hier au Liban ? «Bien sûr que non, c’est une comparaison toutes proportions gardées que j’essaie d’établir. Et n’oublions pas un autre argument : l’internationalisation du problème. Lors de la guerre de 75 à 90, les voix s’élevaient pour, justement, internationaliser la crise libanaise. Aujourd’hui, Arafat demande et obtient la mise en vigueur d’une Commission d’enquête internationale. Et la chose la plus effrayante, c’est que pour la première fois, il y a une lutte entre les Israéliens arabes et les Israéliens juifs». Comment expliquer tout cela ? «Je pense que nous sommes entrés aujourd’hui dans la logique de la guerre, alors que ces neuf dernières années, nous étions dans une logique de paix. Oslo est mort». Et enterré ? «Le problème, c’est que personne n’ose, ni ne veut l’enterrer... Il faut à tout prix trouver un État à ce peuple et nous allons, inexorablement, vers un État palestinien : l’intelligence veut que l’on paye le prix le plus tôt pour ne pas le payer trop cher, la bêtise humaine, elle, veut que l’on prolonge les choses en payant le prix fort...» Le plus naïvement du monde : pourquoi retarde-t-on comme cela quelque chose d’inévitable ? Tout le monde sait que la déclaration d’un État palestinien est une réalité incontournable, non ? «Ma réponse aussi va être naïve : c’est un problème interne. Israël a besoin d’un de Gaulle qui puisse dire “la Palestine aux Palestiniens”...» Et avec l’assassinat d’Ytzhak Rabin, ce de Gaulle-là est mort, non ? «Évidemment...» Et personne aujourd’hui ne peut prendre cette place ? «Le problème, c’est qu’en Israël aujourd’hui, il y a beaucoup de Hitler et aucun de Gaulle...» Un mot juste pour qualifier Barak. «Sa double personnalité tend aujourd’hui à la schizophrénie : il a un double visage, un double langage, une double personnalité, et non, l’histoire ne retiendra pas son nom, comme elle ne retiendra pas celui de Netanyahu». Sharon, par contre, malheureusement... «Oui, elle retiendra le nom de Sharon, tout comme celui de Rabin. Sharon, c’est le vrai représentant du projet sioniste. Peres par exemple, se trompe de sionisme. Sharon ne mourra pas, tant le projet sioniste reste fort en Israël, c’est un survivant». Arafat ? «Lui, c’est le poisson qui a prouvé qu’il savait nager dans toutes les eaux, toutes les intempéries arabes...» Une dernière chose : comment faire pour que ces deux peuples, Israéliens comme Palestiniens, arrêtent de s’entretuer ? «Il faut impérativement la reconnaissance de l’autre. Il faut aller dans la philosophie de l’exemple libanais». Qui n’est certes pas excellent... «Non, mais il a au moins le mérite de régler ces guerres de minorités. Il leur faut un pacte national à l’instar de celui de 1943. Au lieu qu’il traite de la coexistence de deux communautés, comme au Liban, il s’emploiera à écrire la coexistence de deux États, la coexistence entre deux peuples. Il faut, en définitive, la reconnaissance mutuelle de l’autre par chaque État. Et on sait combien cette coexistence est dérangeante, il suffit de voir comment et combien on a essayé d’assassiner l’exemple libanais...» Z.M.
Karim Pakradouni prend une petite pause, quelque part en plein milieu de son analyse. Pour sortir tranquillement dix secondes plus tard son constat-choc : «Je ne sais pas pourquoi je perçois, dans ce qui se passe actuellement à l’intérieur des Territoires, une sorte de libanisation». L’analyse est osée, les arguments suivent, immédiatement : «De part et d’autre, nous...