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Actualités - REPORTAGES

Trésors du Musée national - Les figurines en terre cuite La beauté dans le détail

Elles sont minuscules. Hautes d’une dizaine de centimètres et larges de près de cinq centimètres, les figurines en terre cuite du Musée national de Beyrouth sont d’une beauté à couper le souffle. Ce sont ces petites représentations à l’aspect si frêle qui étaient à la base de la découverte du site archéologique de Kharaeb, situé dans le caza de Saïda. En fait, dès 1946, un informateur avait prévenu la Direction générale des antiquités qu’un lot de statuettes avait été déterré dans la région. Se rendant sur les lieux pour s’assurer de l’importance du site, l’émir Maurice Chéhab, directeur de la DGA à l’époque, fait procéder à des fouilles archéologiques afin de sauver les statuettes des mains des pilleurs accourus sur les lieux. Un bâtiment rectangulaire, le dallage d’une avant-cour, des tranchées et une «favissa» ont été mis au jour. Dans le domaine de l’archéologie phénicienne, «favissa» désigne généralement les fosses creusées dans le sol, où le surplus des offrandes et du matériel liturgique d’un sanctuaire sont déposés après l’exécration rituelle. La «favissa» de Kharaeb a livré la plus grande collection de figurines en terre cuite du Liban. Mille cent personnages de différents sexes et âges y étaient entassés. Certaines sont des sculptures de femmes voilées, d’autres de fillettes habillées d’une longue robe, ainsi qu’une centaine de représentations de têtes d’enfants, et parfois ce sont même les dieux grecs qui y figurent. Le tout est d’une beauté inouïe, et la finesse de l’exécution et le travail permettent leur datation qui s’échelonne du IV au Ie siècle av. J-C. Les plus anciennes des figurines sont très influencées par l’art égyptien, alors que d’autres gardent des traits orientaux, mais les tendances d’art hellénistique demeurent les plus fortes. L’émir Maurice Chéhab explique dans le volume X du Bulletin du Musée de Beyrouth que «la Phénicie placée au carrefour des routes du monde antique a souvent subi les influences des pays étrangers. (…). Mais l’artiste phénicien, en assimilant la civilisation hellénistique en faisant de celle-ci sa propre civilisation, n’a pas point perdu sa forte personnalité et a donné à ses figurines, même celles quelquefois grossières, un mouvement, une vie intense qu’un œil exercé suit à travers la longue évolution et les nombreuses adaptations des personnages». Toutefois, l’une des plus belles figurines est sûrement celle surnommée Déméter et Coré. «Dans quelle tendresse et gracieux abandon se trouve ce groupe de deux jeunes femmes, dont l’une embrasse l’autre. À peine plus âgée, la première est couverte de la tête aux pieds d’une longue voile, tandis que l’autre porte une longue robe. N’est-ce point Déméter, dotée d’une jeunesse éternelle, qui est toute à la joie de retrouver sa fille Coré, ou s’agit-il de deux jeunes filles liées par un tendre amour ?». Figurines de Beyrouth Au cours des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, quelques figurines en terre cuite ont été déterrées sur les sites datant de la période hellénistique et elles présentent de nombreuses affinités avec les productions grecques. L’exemple le plus clair est la statuette d’une femme mise au jour dans une tombe près du rivage. Hans Curvers, dans son article «Artisanat et Hellénisation» paru dans le livre Liban l’autre rive écrit que le type de cette figurine «est proche du type de Tanagra (ville de la Grèce antique réputée pour sa production de figurines en terre cuite), mais on ne peut exclure l’hypothèse d’une production locale». Un autre site a livré une petite figurine représentant deux jeunes gens coiffés d’un bonnet conique. «On serait tenté d’interpréter cette scène de jeunes comme la représentation de Dioscures qui désignent dans la mythologie grecque Castor et Pollux. En effet, parmi leurs nombreuses attributions, nous leur connaissons celle de dieux marins ; ainsi leur présence ne surprendrait pas dans une cité maritime comme Beyrouth». Ces petites statuettes sont exposées dans des vitrines, au deuxième étage du Musée national. Leurs gestes, leurs positions, les grimaces sur leurs visages reflètent la grande maîtrise du travail de la terre à ces périodes anciennes et le luxe du détail. Tant il est vrai que la beauté de toute œuvre d’art réussie réside dans le détail. Joanne FARCHAKH
Elles sont minuscules. Hautes d’une dizaine de centimètres et larges de près de cinq centimètres, les figurines en terre cuite du Musée national de Beyrouth sont d’une beauté à couper le souffle. Ce sont ces petites représentations à l’aspect si frêle qui étaient à la base de la découverte du site archéologique de Kharaeb, situé dans le caza de Saïda. En fait,...