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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

THÉÂTRE - « Une femme seule » de Dario Fo jusqu’au 30 novembre au Théâtre de Beyrouth (Aïn Mreisseh) L’homme en joue

C’est la rencontre de Lina Abiad, metteur en scène, et de Julia Kassar, comédienne, qui a donné naissance à Mara wahda, traduction libanaise de la pièce de Dario Fo, auteur italien qui a obtenu en 1997 le prix Nobel de littérature, Une femme seule : «Je rêvais de jouer un texte qui parle d’une femme, explique Julia Kassar. Elle est tellement vivante, et par là-même nous lui ressemblons toutes». Quant à la metteur en scène, elle connaissait le texte pour l’avoir travaillé avec ses élèves : «J’ai voulu le revisiter, et j’ai trouvé en Julia l’énergie et l’humour nécessaires pour le transcrire en libanais». La comédienne a elle-même traduit cette courte pièce à laquelle elle a laissé toute la force de la langue italienne : «Il impose un rythme qui est celui de la commedia dell’arte, poursuit-elle. Franca Rame, la compagne de Dario Fo et son actrice fétiche, est une enfant de la balle. L’auteur a composé pour elle ce texte où le mouvement et le débit de parole sont très rapides». Légèreté amère La «femme seule», c’est Maria, une femme à l’approche de la quarantaine, encore jolie et enfermée à la maison par son mari. Elle y presque seule, entourée de musique qu’elle diffuse dans toutes les pièces, de son enfant en bas âge et de son beau-frère, un handicapé qui passe sa journée à regarder des films X et qui l’appelle en soufflant dans une corne pour lui mettre la main aux fesses. «C’est un texte courageux et choquant en même temps, poursuit Lina Abiad. Il traite de problèmes intimes avec une ironie exemplaire : au moment le plus poignant, le public rit parce que la douleur est expulsée par l’humour. On ressent tout au long des 55 minutes de spectacle une légèreté amère, qui a d’ailleurs convaincu les spectatrices les plus réservées, voire les plus prudes». Quatre portes dont une barricadée, quatre chaises, une table, un téléphone et un fusil : c’est dans ce cadre proche de celui d’une prison que Maria apparaît, dans une tenue d’intérieur, en train de repasser. Elle salue, depuis la fenêtre, une voisine invisible, une nouvelle venue dans l’immeuble, à laquelle elle s’adressera tout au long de la pièce et qui sera le témoin, bien involontaire, de sa vie de captive. Heureuse de parler à quelqu’un, elle lui fait faire le tour du propriétaire, ouvrant les portes, d’où sort le vacarme de la musique. Avec la musique et le téléphone, Maria oublie un peu sa solitude. Il n’y a que trois hommes qui l’appellent régulièrement : son mari, qui la bat avant de la forcer à faire l’amour, un obsédé sexuel et son jeune amant. La présence permanente du sexe dans le monologue désamorce le sentiment grandissant de tragédie. Comme une brosse à dents Et Maria injurie comme une poissonnière l’obsédé du téléphone, se méprend sur l’interlocuteur qui s’avère être son mari. Celui-ci, méfiant et jaloux, lui promet une raclée à son retour, avant de la faire passer à la casserole. Maria en pleurs raconte à sa voisine son mariage, sa nuit de noces et se moque de l’orgasme. «Quel mot menaçant et terrible», dit-elle, avant d’avouer une tentative de suicide, en tendant pour preuve ses poignets tailladés. Elle voulait mourir parce que son mari l’avait surprise dans le lit de son jeune professeur d’anglais. Il lui a pardonné, mais ne la laisse plus sortir : «Je suis utilisée comme une brosse à dents», crie-t-elle. Puis l’enfermement et la menace masculine se font plus proches, plus étouffants : son mari de retour a oublié la clé. Il s’éloigne et fait place à l’amant qui s’avère être comme les autres en l’utilisant et en jouant avec elle comme avec une poupée gonflable. Après s’être emparé une première fois du fusil de chasse pour menacer le voyeur puis une seconde fois pour le tourner sur elle-même, elle met en joue, vers la porte d’entrée, son mari. Va-t-elle tirer ? «En éteignant les lumières à ce moment précis, nous avons voulu laisser le public sur sa faim et le pousser à réfléchir», explique Lina Abiad. Une femme seule dans son interprétation libanaise est une pièce réellement convaincante, travaillée et réalisée par des femmes qui sont littéralement tombées amoureuses du personnage de Maria. Julia Kassar se donne entièrement à son rôle et sa traduction arabe est savoureuse. Avec une économie de moyens qui se révèle très efficace, la comédienne occupe l’espace de la scène avec beaucoup de conviction : après tout, la voisine témoin de sa solitude et de son destin gâché, c’est bien le public, qu’elle ne quitte presque pas des yeux. Lui non plus, d’ailleurs. On n’oublie pas Maria facilement. Diala GEMAYEL
C’est la rencontre de Lina Abiad, metteur en scène, et de Julia Kassar, comédienne, qui a donné naissance à Mara wahda, traduction libanaise de la pièce de Dario Fo, auteur italien qui a obtenu en 1997 le prix Nobel de littérature, Une femme seule : «Je rêvais de jouer un texte qui parle d’une femme, explique Julia Kassar. Elle est tellement vivante, et par là-même nous...