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Actualités - CHRONOLOGIE

DROITS DE L’HOMME - « Si Béchara Roumiyé est vivant, qu’ils le libèrent, s’il est mort, qu’ils me livrent sa dépouille», clame son frère Détenu depuis 1978, « libéré » en 1998… mais toujours porté disparu

Depuis la remise aux autorités de 54 détenus «politiques» libanais dans les geôles syriennes, les langues se délient petit à petit. Les familles de ceux qui ne sont pas rentrés refusent que leur attente ait été vaine. Elles savent, preuves et témoignages à l’appui, que leurs enfants, leurs frères, leurs pères et leurs maris ont été emprisonnés dans des geôles syriennes. Ce qui les révolte surtout ? «Le mensonge qui prétend que les leurs n’ont jamais été emprisonnés en Syrie». C’est «ce mensonge» qui a poussé Élie Roumiyé, le frère de Béchara Roumiyé, à s’adresser à la presse. «Béchara Roumiyé a été arrêté à Riyak en mars 1978 par les services de renseignements syriens. Mon frère avait 16 ans», indique Élie. L’adolescent a été transféré à Masnaa, où son frère Élie, alors âgé de 7 ans, lui rendait une visite tous les mois. «Ma mère le voyait tous les quinze jours, moi j’étais à l’école», raconte-t-il comme pour se déculpabiliser. Et d’ajouter : «Un ancien prisonnier qui était avec mon frère à Masnaa a révélé plus tard que Béchara a été conduit un jour en Syrie à midi juste après le déjeuner». Depuis 1979, aucun membre de la famille Roumiyé n’a réussi à voir Béchara dans sa geôle syrienne. C’est sur la foi de témoignages d’autres détenus et de certaines coupures de presse qu’Élie, âgé aujourd’hui de 31 ans, est parvenu à constituer son dossier. «J’ai vu plus d’une centaine de prisonniers sortis des geôles syriennes», indique-t-il. Élie qui n’a jamais rendu visite à une prison syrienne parvient – tellement l’affaire de son frère le hante – à décrire les geôles où beaucoup de Libanais ont purgé leurs peines. Pourtant, il ne cite aucun nom, histoire de protéger ceux qui ont été libérés. Élie exhibe cependant des coupures de presse : un article du an-Nahar daté du 3 janvier 1986 et un autre du al-Hayat daté du 6 mars 1998. Simplement connaître la vérité Quand la Syrie libère le 1er janvier 1986 des prisonniers libanais, le Nahar publie un article soulignant que «ceux qui viennent d’être libérés n’oublient pas leurs compagnons de geôles, notamment Béchara Roumiyé détenu depuis six ans au premier étage de la prison de Mazzé». Le nom de Béchara Roumiyé sera cité par la presse douze ans plus tard quand, le 3 mars 1998, la Syrie reconnaîtra qu’elle détient 155 prisonniers Libanais dans ses geôles. L’État syrien annonce qu’il libérera 130 Libanais et qu’il se contentera de garder dans ses geôles 25 personnes accusées de «collaboration avec l’ennemi israélien». Or, le 5 mars de la même année, 121 des 130 prisonniers sont livrés à l’État libanais. Ce jour-là, la famille de Béchara Roumiyé a attendu au point de passage de Masnaa en vain. Le père du détenu succombera à un arrêt cardiaque 24 heures plus tard. Et pourtant, le quotidien al-Hayat daté du 6 mars 1998 souligne que «les bus de la police militaire ont transporté hier les détenus à la capitale. Parmi les personnes qui ont été livrées à l’État libanais figure notamment… Béchara Roumiyé». Depuis le 11 décembre dernier, Élie Roumiyé, chauffeur de camion, a arrêté de travailler. Il croyait dur comme fer que son frère figurerait effectivement parmi les personnes remises à l’État libanais. Ses espoirs sont tombés à l’eau. «Que l’on ne prétende pas que mon frère est un disparu. Béchara est un prisonnier politique», souligne Élie Roumiyé qui veut simplement savoir si son frère est mort ou vivant. «S’il est vivant qu’ils le libèrent. S’il est mort, je veux récupérer sa dépouille», dit-il. Élie, et toute la famille de Béchara Roumiyé, comme tous ceux qui savent que les leurs ont purgé des peines en Syrie sans rentrer jusqu’à présent au pays, veulent connaître la vérité. Patricia KHODER
Depuis la remise aux autorités de 54 détenus «politiques» libanais dans les geôles syriennes, les langues se délient petit à petit. Les familles de ceux qui ne sont pas rentrés refusent que leur attente ait été vaine. Elles savent, preuves et témoignages à l’appui, que leurs enfants, leurs frères, leurs pères et leurs maris ont été emprisonnés dans des geôles...