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Actualités - REPORTAGES

La prise de Tripoli (12 juillet 1109) par les Francs

 L’accord une fois établi entre les barons, on songea à profiter de cette concentration unique des forces franques pour en finir avec la résistance de Tripoli. Il y avait six ans que la ville était en état de blocus permanent. Mais jusque-là les assiégeants n’avaient disposé que d’effectifs insuffisants. Aujourd’hui la chevalerie de Jérusalem, les Provençaux, les Normands d’Antioche, les chevaliers d’Édesse même étaient rassemblés devant le rempart, et le port était en outre attaqué par les 70 navires de l’escadre génoise, une des plus considérables du temps. Une action rapide de l’Égypte, à qui les gens de Tripoli venaient de se donner en désespoir de cause, eût pu sans doute retarder le dénouement. Mais le gouvernement du Caire était comme frappé de paralysie. La flotte qu’il avait équipée, prête depuis un an, avec tout le ravitaillement désirable et un corps de débarquement, attendait, dans les ports du Delta, des instructions qui, en raison de la mésentente des émirs, n’arrivaient jamais. Quand l’ordre de mettre à la voile parvint enfin aux équipages, l’escadre se trouva immobilisée par les vents contraires. Elle ne devait faire son apparition dans les eaux de Tripoli qu’après le dénouement. «Quand elle arriva avec le corps expéditionnaire, elle ne put que constater la chute de la ville et retourner en Égypte comme elle était venue… L’incurie des Égyptiens, conclut le Nojum el-Zahira, fut la cause de tout. D’abord pendant toute cette longue période, ils n’avaient pas envoyé d’armée de renfort ; plus tard ils n’expédièrent avec la flotte que des équipages insuffisants, alors que, s’ils eussent été en nombre, ils auraient repoussé les Francs par mer. Enfin le vizir el-Afal ne se donna pas la peine de prendre en personne le commandement de l’armée. Et cependant les ressources de l’Égypte en hommes, en argent et en armement étaient infinies !». Les habitants de Tripoli, abandonnés à eux-mêmes, leurs murs battus par les tours roulantes des assiégeants, s’offrirent à capituler entre les mains du roi et du comte Bertrand. Ils demandaient comme conditions, soit de pouvoir émigrer librement, soit de rester en conservant leurs biens moyennant redevance annuelle, comme sujets des Francs : «Si les Francs voulaient faire sortir de la ville ceux qui ne le voulaient et mettre leur suite en sécurité, et si ceux qui ne le voulaient pas restaient en sécurité sur leurs tenures en payant une certaine somme qu’ils enverraient chaque année, les Tripolitains ouvriraient les portes et leur rendraient la ville». Baudouin accepta sans difficulté ces conditions et le 12 juillet 1109 les Francs entrèrent à Tripoli. La capitulation fut respectée en ce qui concerne Baudouin Ier, Bertrand et les barons. Ibn el-Atir concède en effet que le commandant égyptien et une partie de ses troupes, ayant demandé un sauf-conduit, se retirèrent à Damas. Mais en même temps il parle de pillage et de violences. Il déplore la perte de la célèbre bibliothèque des Banou Ammar avec autant de tristesse que les historiens occidentaux parlent de la bibliothèque d’Alexandrie détruite par les premiers musulmans : «La ville fut livrée au pillage, les hommes furent faits prisonniers, les femmes et les enfants, esclaves. Ce qui fut pris aux habitants en fait de richesses et en fait de biens et de meubles était immense ; on y remarquait une quantité innombrable de livres appartenant aux établissements d’instruction publique et qui provenaient de legs particuliers. En effet les habitants de Tripoli étaient au nombre des populations les plus riches et les plus industrieuses». La clé de cette contradiction apparente - libre sortie de la garnison et violences des vainqueurs – se trouve dans Foucher de Chartres. Conformément à la capitulation jurée avec le roi, nous dit-il, le roi et les siens pénétrèrent en ordre dans la ville ; mais pendant ce temps, par suite d’une véritable émeute, la populace des marins génois escalada le mur avec des échelles et des cordes, pénétra dans la ville par un autre côté et se mit à massacrer et à piller tout ce qu’elle trouva. Au contraire, dans les quartiers où se trouvait le roi, il protégea les habitants, conformément à sa parole. Le fait que le roi en personne reçût la capitulation de Tripoli et y entrât à la tête de l’armée franque est important pour l’histoire ultérieure du comté provençal qui se trouva ainsi étroitement rattaché dès le début de la royauté hiérosolymitaine. C’est ce qu’a fort bien senti l’Histoire d’Héraclius : «Le comte Bertrand reçut la ville du roi et lui en fit l’hommage de ses mains. Ainsi a dû faire le seigneur de Tripoli au roi de Jérusalem jusqu’à nos jours».
 L’accord une fois établi entre les barons, on songea à profiter de cette concentration unique des forces franques pour en finir avec la résistance de Tripoli. Il y avait six ans que la ville était en état de blocus permanent. Mais jusque-là les assiégeants n’avaient disposé que d’effectifs insuffisants. Aujourd’hui la chevalerie de Jérusalem, les Provençaux, les...