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Actualités - OPINION

Institutions - Le discours national confronté au confessionnalisme De la difficulté de dissocier le politique du religieux au Liban

Pourquoi, devant une délégation du Conseil central maronite, le président de la République, le général Émile Lahoud, a-t-il cru bon de déclarer récemment que les Libanais – et les chrétiens en particuliers – sont forts dès lors qu’ils tiennent un discours national aconfessionnel ? Selon certains milieux politiques, le chef de l’État a voulu répondre ainsi au patriarche Nasrallah Sfeir qui lui avait rappelé sa condition et son origine maronites à l’occasion de la messe de Noël ? Dans cette optique, et d’après ces mêmes sources, tant que le Liban vit à l’ombre d’un système confessionnel, les dirigeants ont le devoir de veiller aux intérêts de leur communauté et à l’équilibre confessionnel dans le pays. Or, malheureusement, cet équilibre est loin d’être sauvegardé depuis l’élaboration de l’accord de Taëf jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que la répartition équitable des sièges parlementaires ou des postes ministériels et administratifs de première catégorie n’a pas été respectée dans la lettre et l’esprit. En effet, plus de la moitié des députés chrétiens sont élus par des voix musulmanes. Du reste, les candidats sont choisis au départ par des chefs de liste à qui ils sont entièrement dévoués. Bien que plus sournoise, l’absence d’équité est encore plus flagrante au niveau du gouvernement. De fait, si chrétiens et musulmans sont à égalité au sein de cette institution, les ministres nommés ne le sont pas grâce à la popularité dont ils jouissent. Leur présence est due notamment au bon vouloir de ceux qui les désignent. Résultat : certains ministres représentent effectivement leur communauté, les autres non. C’est ainsi que l’appartenance confessionnelle finit par l’emporter sur l’allégeance à la patrie. Et tant que le confessionnalisme politique n’a pas été aboli et que la religion n’est pas séparée de l’État, l’équilibre confessionnel est fondamental pour la stabilité même du pays. Dans un tel contexte, le président de la République maronite a le devoir de défendre les droits de sa communauté ; de même que le président de la Chambre chiite, et le Premier ministre sunnite, qui assument aussi leurs responsabilités à l’égard de leurs coreligionnaires. Le fameux décret de naturalisation promulgué en juin 1994 n’a rien fait pour arranger les choses. En effet, le déséquilibre démographique qu’il a induit a faussé encore davantage la représentation parlementaire. Les statistiques élaborées à ce sujet ont d’ailleurs montré que la majorité des personnes naturalisées est de confession musulmane et d’origine syrienne. C’est ainsi que lors des élections législatives organisées depuis l’adoption de ce décret, nombre d’électeurs sont venus de Syrie afin de voter pour des candidats inconnus, dans des cazas dont ils ignorent tout, à part le fait qu’ils y sont inscrits. Comment peut-on envisager l’abolition du confessionnalisme politique dans ces conditions, alors qu’une communauté domine carrément l’autre par le nombre et ce, par le biais de naturalisations injustifiées ? Les milieux politiques susmentionnés estiment qu’en favorisant le courant modéré dans le pays, on parviendrait ainsi à compenser le déséquilibre démographique né de ce décret. En fait, ce sont surtout les responsables spirituels qui sont appelés à jouer ce rôle modérateur car les hommes politiques ont souvent intérêt, au contraire, à jouer sur la fibre confessionnelle et extrémiste de leur communauté pour manipuler la rue à leur guise. Or s’il est possible, au plan doctrinal, de demander aux chefs spirituels chrétiens de s’occuper uniquement d’affaires religieuses, côté musulman, on ne peut pas concevoir de dissocier la politique de la religion. L’appel à la modération et à la réconciliation dans le pays reste donc le seul moyen de faire un sort au fanatisme et de promouvoir la coexistence au Liban. C’est dans ce cadre que s’inscrit le dernier appel du patriarche maronite Nasrallah Sfeir lancé à l’occasion de la messe de Noël. Selon lui, le rôle que les responsables au pouvoir ont à jouer à ce niveau est essentiel dans la mesure où l’unité territoriale n’est rien sans l’unité du peuple. Émile KHOURY
Pourquoi, devant une délégation du Conseil central maronite, le président de la République, le général Émile Lahoud, a-t-il cru bon de déclarer récemment que les Libanais – et les chrétiens en particuliers – sont forts dès lors qu’ils tiennent un discours national aconfessionnel ? Selon certains milieux politiques, le chef de l’État a voulu répondre ainsi au...