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Actualités - OPINION

À cause, à cause de la Rencontre…

La boutade « mon Dieu, préservez-moi de mes amis... » n’est peut-être pas tout à fait appropriée. Mais on n’en est pas très loin : si Bkerké ne bénéficie plus de l’amicale considération de Baabda, c’est surtout à cause de l’opposition un peu trop accusée (et accusatrice) qu’affiche Kornet Chehwane. C’est du moins l’explication généralement avancée dans les cercles loyalistes, et admise en face. Pourtant il fut un temps, pas si lointain, où les relations entre le président et le patriarche étaient pour le moins cordiales. Même les fréquents litiges politiques, le climat de tension qui pouvait régner sur la scène locale, n’en ébréchaient pas la jovialité teintée d’estime mutuelle. Les deux hommes étaient en tout cas d’accord pour garder un contact constant, qu’il fût directe ou par l’entremise d’émissaires. Mais les multiples péripéties accumulées ces derniers mois ont peu à peu dégradé ces bons rapports. Et les ont même introduits, comme élément nouveau, dans l’équation, ou le contentieux intérieurs. En d’autres termes, on parle maintenant du clivage Bkerké-Baabda comme d’un sujet qui fâche les uns et réjouit les autres. En effet, les modérés de tous bords auraient souhaité que les ponts ne fussent pas rompus entre deux instances nationales génératrices d’équilibre. Les extrémistes de leur côté se frottent les mains, car la césure ouvre la voie plus large devant leurs surenchères, de gauche ou de droite, d’Est ou d’Ouest. Le premier signe probant de froid a été observé lors du retour de Mgr Sfeir de son voyage à Rome. Dérogeant à une coutume courtoise, le président n’a pas appelé le prélat pour un souhait de bienvenue. Il s’est contenté du minimum protocolaire, en dépêchant un ministre (Cardahi) pour accueillir le cardinal à l’aéroport et faire la route avec lui jusqu’à Bkerké. Parallèlement, l’on apprenait dans les coulisses qu’un des traits d’union habituels entre le patriarcat et la présidence s’était vu poliment prier de cesser ses navettes. Dans le même temps, comme on le sait, certaines voix puissantes proches du régime n’hésitaient pas à s’en prendre au cardinal, l’accusant d’être partie prenante dans des démêlés d’ordre politique, entendre prosaïque. Lui déniant ainsi le statut de recours national que lui concèdent ordinairement même ses contempteurs. Ces personnalités pugnaces ont fait valoir, pour se justifier, que dans la mesure où le patriarche intervient dans le domaine public, tout professionnel est en droit de lui répondre. Ou de le critiquer sans plus d’égards que l’on n’en a pour tout homme politique, pour ne pas dire pour tout politicien. Bien évidemment, ces mêmes attaquants soulignent que le principal grief qu’ils ont contre Bkerké tient au soutien qu’il accorde à Kornet Chehwane. Ils croient pouvoir ajouter que sans les encouragements du prélat, les opposants ne se seraient pas risqués à aller aussi loin dans leur campagne contre le pouvoir en place. Et qu’ils n’auraient pas eu le front de prétendre représenter les chrétiens. Cependant, et tout aussi évidemment, tous les loyalistes ne sont pas de cet avis, tant s’en faut. Nombre d’entre eux font valoir qu’il faut tenir compte avant tout de cette aveuglante réalité : la majorité des gens estime que Bkerké traduit fidèlement les appréhensions d’une frange importante des Libanais. Et presque toute la population lui voue au moins du respect. Car durant la guerre, comme pour faire la paix, le patriarcat avec courage, en se faisant parfois molester par des milices ou des para-milices, prenait la défense du vrai pays et de la coexistence. Ces loyalistes modérés rappellent que finalement c’est en partie grâce à Mgr Sfeir que les accords de Taëf, qui ont mis fin aux hostilités intestines, ont pu passer. Dès lors, à leur avis, il est malaisé, et sans doute maladroit, de vouloir contester la stature nationale du patriarcat maronite. D’autant, concluent-ils, qu’on ne peut faire croire aux gens qu’une partie qui ne demande aucune part du gâteau ou du fromage fasse ce que l’on appelle ici de la politique. Bien entendu à l’Est, on va encore plus loin, en affirmant que Bkerké est parfaitement neutre dans les conflits intérieurs. Et qu’il ne s’exprime que sur les constantes nationales, considérées comme un patrimoine sacré pour tous les Libanais. Et comme le seul gage en fait de la survie du pays. Le cardinal certifie du reste devant ses visiteurs qu’il n’est pas un chef de parti ou de front. Et que dans ses sermons il reflète les appréhensions de la population, ses inquiétudes pour les constantes nationales. Il indique que les reproches qui lui sont adressés pour la couverture qu’il assurerait à Kornet Chehwane sont pour le moins imprécis. Ou inversés, dans ce sens que les membres de cette Rencontre ont adopté les vues nationales du patriarcat, qui ne peut être considéré comme relevant de leur ligne mais de la sienne propre. Du reste, si Mgr Sfeir se plaint de la praxis officielle, il ne ménage pas non plus les tactiques de l’opposition qui ne lui semblent pas toujours adéquates. À signaler enfin que des loyalistes relativement astucieux font remarquer qu’il serait préférable de rétablir les ponts avec Bkerké. Pour le porter indirectement à réduire son appui à Kornet Chehwane. Et mieux œuvrer à disloquer ce groupement en l’attaquant. Comme devrait le faire en principe aujourd’hui, dans un communiqué, le bloc parlementaire de Michel Murr. Philippe ABI-AKL
La boutade « mon Dieu, préservez-moi de mes amis... » n’est peut-être pas tout à fait appropriée. Mais on n’en est pas très loin : si Bkerké ne bénéficie plus de l’amicale considération de Baabda, c’est surtout à cause de l’opposition un peu trop accusée (et accusatrice) qu’affiche Kornet Chehwane. C’est du moins l’explication généralement avancée dans...