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Actualités - OPINION

Qu’est-ce qui fait courir JLC ?

C’est tout de même inouï d’applaudir un ténor parce qu’il se racle la gorge. Comment en est-on arrivé à s’émerveiller, ou ne serait-ce qu’à en parler, quand un homme politique, un fonctionnaire de l’État, se montre soucieux, pointilleux même, de la chose publique, qu’il s’entête dans un (somme toute) bien naturel attachement à la défense des droits légitimes du pays, de la santé d’un Trésor, déficitaire qui plus est de trente milliards ? Pourquoi sommes-nous tombés si bas, obligés, ne fut-ce que moralement, de saluer un homme simplement parce qu’il fait son travail ? Pire : son devoir. Cela si l’on part du postulat de base que JLC (le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi) est sincère. Qu’il est, réellement, en train de se battre, bec et griffes dehors, contre sinon tout le monde, du moins contre deux cœurs lavés plus blanc que blanc. De se battre pour l’intérêt supérieur de la nation – ce concept devenu totalement « has-been » par les bons soins de la quasi-totalité de la classe politique d’après-guerre. À son crédit : son éducation sentimentale ultrachéhabiste, tout entière au service d’un pays. À son crédit également ces phrases répétées en privé, une volonté sans cesse ressassée de « briser le cercle vicieux ». Un cercle aux quatre coins duquel il y a l’argent, principal corrupteur de la classe politique, laquelle classe politique devient, par et pour les dollars, dévolue dans sa majorité au service exclusif de cet argent. JLC s’est toujours posé en celui qui dit non aux magouilles politico-financières carrément maffieuses. D’Iphigénie visiblement sacrifiée sur l’autel des deux cœurs lavés, et après un doigt cassé par les ardeurs toutes démocratiques d’un collègue censé appartenir à la même famille politique que lui, JLC s’est métamorphosé, un peu Narcisse, en un Don Quichotte intransigeant, tout entier consacré à ses moulins à vent. Comment peut-on se battre contre une doïka Lahoud-Hariri, sachant que l’on est honni, raillé et quotidiennement en proie aux foudres de Koraytem ? Soit l’on est Don Quichotte, donc, inconscient, fougueux, téméraire, soit l’on est appuyé, par quelqu’un de décidément très fort. Certaines lèvres, en coulisses, esquissent le nom d’un grand responsable, libanais, de la sécurité. Et dont la cote de popularité à Baabda serait loin d’être au plus fort. JLC laché par le chef de l’État, son mentor ? JLC assure, publiquement, que non. Le lavage des cœurs serait en train de perdre de sa blancheur ? Il y aurait deux courants antagonistes à Baabda ? Émile Lahoud lui-même serait partagé entre « cœur » et « raison » ? Quoi qu’il en soit, JLC a décidé de se battre. Ostentatoirement. Gagnera-t-il ? Ne gagnera-t-il pas ? C’est David et Goliath. Sauf que lequel des trente glorieux peut se targuer d’avoir combattu contre vents, marées et autres produits lessives ultra-efficaces, contre les intérêts bassement individuels des dirigeants, et pour la nation ? Ghassan Salamé à la Culture et à la Francophonie ? Certes, sauf qu’il n’y avait pas des millions en jeux. Michel Moussa à l’Environnement ? Certes, mais les entrepreneurs et autres carriéristes ou plagistes en herbe le laisseraient-ils faire ? Comment faire pour que tous les responsables libanais, à quelque niveau qu’ils soient, se mettent au service de l’État ? Qu’est-ce qui fait courir JLC ? Lui seul a la réponse. Ce n’est pas déjà mince affaire que de démentir cette équation chevènementienne en diable, et qui veut qu’un ministre, « ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Sauf que la seule chose à souhaiter est qu’emporté par sa fougue, ses mobiles – aussi nobles soient-ils –, ce Don Quichotte nouvelle vague ne s’amuse à prendre les Libanais pour trois millions et demi de Sancho Pança. Ce qui, au Liban, n’aurait rien, finalement, de bien surprenant. Ziyad MAKHOUL
C’est tout de même inouï d’applaudir un ténor parce qu’il se racle la gorge. Comment en est-on arrivé à s’émerveiller, ou ne serait-ce qu’à en parler, quand un homme politique, un fonctionnaire de l’État, se montre soucieux, pointilleux même, de la chose publique, qu’il s’entête dans un (somme toute) bien naturel attachement à la défense des droits...