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Actualités - CHRONOLOGIE

SÉCURITÉ - À Saïda, la missionnaire américaine se sentait chez elle L’époux de Bonnie Penner-Witherall : «Je pardonne à l’assassin»(photos)

Plusieurs centaines de personnes ont pris part hier, à Saïda, à l’office religieux célébré au temple de l’église évangélique de l’Alliance pour le repos de l’âme de la missionnaire américaine, Bonnie Penner-Witherall, 31 ans, assassinée jeudi dernier. La foule était protégée par la police, les forces de l’ordre s’étant déployées discrètement autour du bâtiment qui abrite le temple, les salles de catéchisme et le dispensaire où la jeune Américaine avait été assassinée de trois balles à la tête. L’entrée de l’immeuble était bien gardée par la police qui fouillait les sacs à main des femmes venues participer à l’office religieux. L’office religieux a commencé avec plusieurs dizaines de minutes de retard. Une réunion entre des responsables de plusieurs églises évangéliques, appartenant au synode protestant libano-syrien, Mme Bahia Hariri, député de Saïda, et plusieurs prélats d’autres communautés chrétiennes, notamment l’évêque maronite de Saïda et de Deir el-Qamar, Mgr Tanios el-Khoury, et des notables de la ville avait précédé la cérémonie. Le visage pâle, tout habillée de noir, Mme Hariri est venue réconforter, rassurer et soutenir une petite communauté qui se sent probablement en danger. Pour elle et pour les notables présents à la réunion, « Saïda devrait rester la ville de la coexistence islamo-chrétienne et personne ne devrait se sentir en danger ou menacé ». Le dispensaire de l’Église de l’Alliance avait reçu plusieurs mises en garde de fondamentalistes sunnites avant le meurtre de la jeune missionnaire américaine, et après l’assassinat, le dispensaire avait fermé ses portes sine die. Le pasteur Samy Dagher, responsable de l’Église évangélique de l’Alliance au Liban, a indiqué hier que « le temple ne fermera pas ses portes et l’Église de l’Alliance ne mettra pas un terme à ses activités ». Le révérend Dagher, qui avait rencontré à Beyrouth, avant la célébration de l’office religieux, l’ambassadeur des États-Unis au Liban, Vincent Battle, n’a pas démenti la nouvelle « des conseils » reçus à plusieurs reprises pour fermer les portes du dispensaire. Selon une source ecclésiastique, ces menaces étaient liées à la conversion au christianisme, voici trois mois, d’une femme palestinienne du camp de Aïn el-Héloué. Hier donc, les amis américains, britanniques, et libanais de Bonnie Penner-Witherall sont venus nombreux, pour lui rendre un dernier hommage. Prudents ou peu bavards, ils ont préféré ne pas s’adresser aux journalistes. Sur un chevalet, à l’entrée du temple, plusieurs portraits de la victime ont été disposés. Les photos retracent le bonheur que la jeune missionnaire avait vécu durant son séjour au Liban. Appels au pardon Bonnie et son époux anglais Gary, 36 ans, avaient choisi il y a trois ans de venir au Liban, de s’installer à Saïda. « C’est ma ville d’adoption, ici je me sens chez moi, je ne me suis jamais senti en danger ou menacé », a indiqué Gary à L’Orient-Le Jour. « Nous n’avons jamais essayé de convertir quiconque, nous portons simplement un message d’amour et de paix », a-t-il ajouté. Gary, qui est britannique, travaille dans deux bibliothèques relevant de l’église évangélique dans la ville de Saïda et à Miyé Miyé. Il avait rencontré son épouse à Chicago et le couple s’était marié, il y a cinq ans et demi. Gary, qui a refusé de répondre aux questions « d’ordre politique », a tenu à raconter sa matinée de jeudi dernier. « J’étais à la maison, la collègue de Bonnie a téléphoné pour me dire de venir tout de suite au dispensaire. J’ai paniqué, j’ai pris un taxi-service, mais j’avais même oublié de prendre 1 000 livres pour le payer. La route menant au dispensaire était bloquée, j’ai couru, gravi les marches, mais la police ne m’a pas permis de voir ma femme », dit-il rapidement. Puis il se bloque, se tait. La voix éteinte, il indique : « On m’a forcé à rester dans une chambre du dispensaire, séparé par un mur de Bonnie qui gisait au sol atteinte de trois balles à la tête. » N’empêche que malgré l’horreur du crime, Gary Witherall a décidé de pardonner à l’assassin. D’ailleurs, c’est ce qu’il répétera publiquement, avant d’éclater en sanglots, au cours de la cérémonie religieuse. « Certains croient que la mort de mon épouse est une perte, ils se trompent : Bonnie portait un message d’amour et de paix pour lequel on peut se sacrifier », a-t-il dit. Un ami américain de la victime, Grant Porter, a également pris la parole. Il a brièvement évoqué la vie de Bonnie Penner-Witherall. « Avant de s’installer à Saïda, où elle se sentait chez elle, Bonnie avait travaillé auprès de missions religieuses hors des États-Unis, notamment au Mexique et aux Philippines », a-t-il indiqué. « Durant sa présence au Liban, Bonnie a donné beaucoup d’elle-même », a-t-il dit, relevant qu’elle « avait émis récemment le souhait de passer encore dix ans au Liban. » « Pour elle, travailler au dispensaire de Saïda, auprès des démunis, était bien une manière de démontrer tout l’amour que Dieu porte au monde entier », a-t-il poursuivit. Plusieurs responsables de l’Eglise évangélique au Liban et en Syrie ont pris part à l’office religieux, notamment les pasteurs Samy Dagher, Farid Khoury, chef de l’Église de l’Alliance au Liban et en Syrie, et le pasteur de l’Église évangélique de Beyrouth Habib Badr, représentant le président du Conseil supérieur de l’Église évangélique en Syrie et au Liban, le révérend Sélim Sahyouni. Dans leurs sermons, les dignitaires religieux, notamment le révérend Dagher, ont prié pour que les assassins de la jeune missionnaire soient pardonnés, qu’ils « soient délivrés de la haine et qu’ils découvrent la lumière de Jésus-Christ », a indiqué le pasteur Dagher, souhaitant que « la mort de Bonnie, une martyre de la foi, soit une leçon d’amour et de tolérance ». « L’amour est notre seule arme pour lutter pour la foi que nous avons en Jésus-Christ », a-t-il encore dit. Le révérend Khoury s’est pour sa part demandé si Bonnie, qui a renoncé à sa vie de bien-être aux États-Unis pour s’installer à Saïda, a été assassinée à cause de la nationalité qu’elle portait. L’absence d’officiels des ambassades de Grande-Bretagne et des États-Unis, ainsi que celle de dignitaires religieux musulmans, a été relevée hier, au temple évangélique de Saïda. Par ailleurs, dans une déclaration à la presse, cheikh Maher Hammoud, qui avait refusé de condamner le meurtre de la missionnaire américaine, a commenté hier la présence de responsables de l’ambassade des États-Unis à Saïda à l’issue du crime de jeudi, la qualifiant « d’ingérence dans les affaires politiques du Liban ». Il a également souligné que « les missions chrétiennes sont la tête de pont de l’impérialisme ». « Si la loi libanaise les autorise, il faudra corriger cette loi », a-t-il ajouté en réponse à une question. « Il n’y a pas d’extrémisme à Saïda », a pour sa part assuré le nouveau député de la ville, Oussama Saad, rappelant que « depuis 1992, l’Église évangélique de l’Alliance n’a pas été inquiétée ». Durant la journée d’hier, le corps de Bonnie Penner-Witherall a été transporté de la morgue de l’hôpital Hammoud à l’ambassade américaine, à Aoukar. Au cours de cette semaine, le cadavre de la jeune missionnaire sera rapatrié aux États-Unis pour être enseveli dans un cimetière de Washington. Gary Witherall, qui accompagnera le cercueil de son épouse, aimerait revenir au Liban, à Saïda, la ville où il se sent chez lui, « si les habitants veulent toujours m’accueillir », dit-il. Pour l’instant, l’enquête n’a encore mené à aucune piste. Patricia KHODER
Plusieurs centaines de personnes ont pris part hier, à Saïda, à l’office religieux célébré au temple de l’église évangélique de l’Alliance pour le repos de l’âme de la missionnaire américaine, Bonnie Penner-Witherall, 31 ans, assassinée jeudi dernier. La foule était protégée par la police, les forces de l’ordre s’étant déployées discrètement autour du...