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Actualités - CHRONOLOGIE

Trafic humain - Les États-Unis lancent un programme de lutte international Le Liban montré du doigt : les ouvriers étrangers y sont maltraités(photo)

Près de 4 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été victimes l’année dernière de ce qu’on appelle désormais « le trafic humain » ou trafic de personnes à travers le monde. Véritable esclavagisme moderne, ce type de trafic a désormais pris une envergure internationale. Menaces, intimidation, violence et exploitation sont devenues monnaies courantes contre lesquelles se mobilisent de plus en plus les ONG des droits de l’homme, mais aussi certains gouvernements qui ont décidé de venir à bout de ce fléau. Les États-Unis, qui figurent à la tête des pays ayant décidé de sévir, viennent en effet de lancer un programme international « pour combattre le trafic, l’exploitation et la vente d’êtres humains ». C’est ce qu’a annoncé hier Sally Neumann, coordinatrice des programmes au sein du Bureau de contrôle et de lutte contre le trafic des personnes, né il y a à peine un an. Classé parmi les pays les « moins coopératifs » jusque-là en matière de protection, de prévention et de sanctions au plan du trafic humain, le Liban, à l’instar de 18 autres pays, est désormais dans le collimateur des Américains, qui « surveillent » et « punissent » tout pays récalcitrant. En visite au Liban où elle a rencontré plusieurs officiels et des responsables d’ONG, Mme Neumann, qui est accompagnée de la responsable du bureau Proche-Orient, Barbara Keary, a organisé hier une table ronde dans les locaux de l’ambassade des États-Unis en présence de la responsable des Affaires extérieures, Candace Putnam. Expliquant les objectifs et les mécanismes de ce nouveau bureau, Mme Neumann a souligné que « le trafic humain est une question qui préoccupe au plus haut point le gouvernement américain. Ce dernier, a-t-elle précisé, est inquiet de la situation au Liban, pays de destination pour un certain nombre de personnes qui viennent souvent à la recherche d’un emploi d’une manière légale, et finissent dans des conditions proches de l’esclavage ». Au Liban ainsi que dans la majorité des pays arabes qui sont également en mauvaise posture, le trafic concerne principalement les domestiques étrangères en provenance notamment des Philippines, du Sri Lanka et d’Éthiopie. « Ces personnes sont souvent enfermées contre leur gré et /ou soumises à l’exploitation sexuelle », précise un rapport du département d’État qui relève toutefois, mais « dans une moindre mesure », le mauvais traitement infligé à certaines prostituées en provenance des pays de l’Est. Créé à la suite du vote par le Congrès américain d’une loi « pour la protection des victimes du trafic humain », (Trafficking Victims Protection Act), le Bureau de contrôle et de lutte contre le trafic des personnes coopère, sur le plan extérieur, avec l’Union européenne, les organisations internationales et plusieurs ONG œuvrant sur place qui lui fournissent les informations nécessaires pour effectuer un état des lieux. Relayé par les ambassades américaines à travers le monde qui participent à la mise en place de ce nouveau programme, le bureau établit tous les ans un rapport sur l’évolution ou la régression du phénomène de trafic humain, désormais considéré comme un crime international. Le dernier en date, publié en juillet dernier, place le Liban en troisième position, c’est-à-dire parmi les pays qui n’ont manifesté aucun signe de bonne volonté pour remédier à la situation. Pour les pays placés dans la seconde catégorie – « efforts en vue mais pas encore suffisants dans les trois domaines de la prévention de la protection et des sanctions » (Albanie, Corée du Sud) –, ils échappent aux sanctions économiques prévues par le gouvernement américain, à savoir une suspension des prêts accordés notamment par le biais du FMI ou de la Banque mondiale, des aides au développement fournies par la USAID (Agence américaine de développement international) ou encore de l’assistance humanitaire. En somme, la politique de la carotte et du bâton, jusqu’à ce que les pays obtempèrent. « Le gouvernement libanais ne possède pas les critères de base pour combattre le trafic humain de même qu’il ne déploie pas suffisamment d’efforts pour faire face à ce problème », précise le rapport de juillet qui souligne par ailleurs qu’il n’existe pas au Liban de lois qui pénalisent le trafic des personnes. Plus timidement, le rapport relève les rares efforts déployés par les autorités, notamment pour ce qui est du libre accès des ONG au centre de détention des étrangers, de la fermeture de 10 agences de recrutement d’employés de maison pour violation de la loi, ou encore des avertissements adressés à certains clubs privés pour adultes. Concernant le volet de la « protection » des victimes, le rapport relève que le Liban poursuit sa politique de déportation des ouvriers étrangers en situation irrégulière et n’offre aucune aide sociale, légale ou psychologique aux victimes. « Il est évident qu’on ne s’attend pas à ce que des pays qui n’en ont pas le moyens – notamment le Liban – fournissent une assistance concrète aux victimes », affirme Mme Neumann, annonçant que les États-Unis ont déjà avancé une aide de 330 000 dollars à Caritas (service des émigrés au Liban) et à la Commission internationale catholique des émigrés, pour mettre sur pied une maison d’accueil aux victimes. Caritas se serait saisi jusque-là de 300 cas qui se trouvent dans des situations précaires. Évoquant la nécessité pour le Liban « de passer de la troisième à la seconde position », Mme Neumann a assuré que l’ambassade américaine œuvrait de pied ferme pour inciter le gouvernement à adopter certaines mesures en ce sens, notamment à signer, avant décembre prochain, le protocole « d’interdiction, de répression et de sanction du trafic humain ». À noter que le Liban a déjà signé la convention des Nations unies « pour la lutte contre le crime organisé transnational ». Toutefois, « les conventions ne suffisent pas », indique Mme Neumann, qui insiste sur la nécessité de l’adoption par les gouvernements concernés de mesures concrètes telles que l’organisation de campagnes de sensibilisation, la modernisation des lois, parallèlement à l’application de mesures de protection des victimes. Bref le Liban, ainsi que tous les autres pays notamment arabes également classés en troisième position ( Bahreïn, Arabie saoudite, Qatar, EAU), ont jusqu’à juin prochain pour ajuster le tir. Quant aux autres pays, leur classement varie entre les seconde et la première position – « les pays qui ont toujours des problèmes mais qui ont déployé des efforts substantiels ». Outre le trafic d’employés de maison, particulier aux pays arabes, Mme Neumann souligne également les cas de trafic « d’enfants soldats », très pratiqué dans certains pays africains, ou le trafic de « jockey de chameaux », « des enfants qui ont entre 4 et 8 ans et qui sont employés comme cavaliers dans la course de chameaux », indique la responsable. Séparés de leurs parents à un très jeune âge, ignorant pratiquement leurs origines, ces enfants sont exposés à tous les risques que comporte cette activité, comme la commotion cérébrale, souligne Mme Neumann. Jeanine JALKH
Près de 4 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été victimes l’année dernière de ce qu’on appelle désormais « le trafic humain » ou trafic de personnes à travers le monde. Véritable esclavagisme moderne, ce type de trafic a désormais pris une envergure internationale. Menaces, intimidation, violence et exploitation sont devenues monnaies courantes contre...