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Actualités - OPINION

La grogne des ministrables gagne en décibels

L’intelligence à la libanaise, dont l’acuité commerciale est reconnue mondialement, se fonde beaucoup sur l’esprit de contradiction. Surtout chez les politiciens. Quand on leur dit noir, ils répondent noir, parce qu’ils savent que vous attendez blanc. Ainsi de suite, le tout étant de rester monochrome comme le système. Et qui dit esprit de contradiction, dit contradictions tout court, bien que ce soit plus long d’un s. Incroyable mais vrai : les professionnels du cru, qui n’ont eu de cesse de dénoncer pendant des mois la mésentente entre les présidents, s’en plaignent aujourd’hui ouvertement. On entend de la sorte plusieurs ministres influents, mais qui rêvent sans doute de strapontins encore plus confortables, faire écho aux pôles extragouvernementaux qui réclament le départ des Trente. Ces ministres soutiennent que la récente résurrection de la troïka, due à la réconciliation entre les présidents, renvoie les institutions sur le banc de touche et leur ôte leurs pouvoirs constitutionnels. Ils y voient une offense fondamentale à la loi du même nom, et réclament une correction urgente de trajectoire. Même s’ils sont bien obligés d’avouer que l’harmonie retrouvée au sommet fait les affaires du pays. Sans s’arrêter à une deuxième contradiction, assez absurde, ces mêmes contestataires de l’intérieur souhaitent que l’entente au sein du pouvoir (leur) serve à quelque chose : accélérer, faciliter la mise en place d’un nouveau cabinet qui leur ferait la part belle. À les en croire, l’équipe en place a prouvé son incapacité et n’est en mesure ni de faire face aux périls extérieurs, ni de faire tourner le moteur suivant les mécanismes que Paris II doit enclencher. Ils soutiennent que le dossier politique doit être mieux assumé, si l’on veut parer aux retombées d’une attaque US contre l’Irak. Et, en même temps, ils affirment qu’il faut plus de technicité dans le domaine financier et économique. En d’autres termes, ces pôles souhaitent avoir de meilleurs portefeuilles, s’ils en ont déjà, ou en obtenir s’ils n’en ont pas. Sans trouver d’inconvénient à ce que les départements dits techniques ou de services soient confiés à des technocrates. L’un des ministres qui dirigent ce courant d’apparence réformiste soutient en privé que les conditions d’un changement ministériel lui semblent actuellement remplies. À ras bord, comme la coupe du mécontentement qui, à l’en croire, commence à déborder. Abondant dans le même sens, un autre titulaire en vue indique que l’avènement d’un nouveau cabinet devrait avoir lieu entre la fête du Fitr, vers le 6-7 décembre, et la Noël, le 25. Sinon, ajoute-t-il, on irait jusqu’à l’été. Dans l’ensemble, les sources gouvernementales citées pensent qu’après Paris II le dossier serait mis sur feu ronflant. En avançant les raisons suivantes, dont certaines sont fragiles pour ne pas dire spécieuses : – Le gouvernement actuel a perdu sa crédibilité (s’il en a jamais eu) et toute emprise sur les événements, comme on l’a vu à maintes reprises depuis le 7 août 2001. Il faudrait le balayer avant le vote du budget. Car cette approbation de texte équivaudrait à un quitus de confiance, après lequel il deviendrait difficile de demander aux Trente de rendre leur tablier. Du moins avant l’été. – D’ailleurs, c’est dans l’intérêt de l’Exécutif de larguer le présent cabinet, car il pourrait se montrer incapable de faire front aux attaques des parlementaires, lors du débat sur le budget. Qui risquerait de s’en trouver altéré par des retouches imposées, ce qui ferait perdre au plan de redressement le fil de ses idées, si l’on peut dire. – En amont, le gouvernement en place ne semble pas pouvoir mener à bien les opérations que Paris II devrait entraîner sur le double plan économique et financier. – L’équipe des Trente a vieilli, comme l’a déclaré le président Berry, et n’inspire plus aux Libanais un respect suffisant pour qu’elle puisse agir avec autorité. Ces motivations et sans doute bien d’autres, les politiciens et les ministres concernés en sont tellement convaincus qu’ils discutent déjà des détails du changement. Ils prônent au départ (c’est le mot) une équipe restreinte de 16, qui soit une véritable équipe de travail. En précisant, mais on l’aura compris, qu’ils n’ont aucune intention de contester le budget 2003 et qu’ils ne veulent qu’un président du Conseil, Rafic Hariri. Philippe ABI-AKL
L’intelligence à la libanaise, dont l’acuité commerciale est reconnue mondialement, se fonde beaucoup sur l’esprit de contradiction. Surtout chez les politiciens. Quand on leur dit noir, ils répondent noir, parce qu’ils savent que vous attendez blanc. Ainsi de suite, le tout étant de rester monochrome comme le système. Et qui dit esprit de contradiction, dit contradictions...