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Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - L’ancien ministre des Finances a présenté son dernier ouvrage au salon du livre Georges Corm : « Ni spiritualité ni matérialisme, il faut des valeurs universelles »

Débarrassé des contraintes ministérielles, Georges Corm a retrouvé toute son éloquence et son côté provocateur pour présenter à un auditoire déjà conquis son dernier ouvrage, un essai dont le titre n’est pas le seul élément dérangeant, « Orient-Occident, la fracture imaginaire » ; un livre qui s’attaque aux idées reçues, en Occident et en Orient et qui prône en définitive la reconnaissance de valeurs universelles « qui ne peuvent être que laïques ». La salle Victor Hugo est comble. La conférence de Georges Corm attire une foule variée, des jeunes, des intellectuels, des hommes politiques, bref, la grande diversité du monde francophone. Le nouvel ouvrage, au titre et au contenu plutôt impertinents, tranche sur la prose que l’on lit actuellement. La grande idée de Corm est de sortir de la prison que constituent les clichés, tellement implantés dans notre inconscient que nous disons sans nous en rendre compte : « Nous, les Orientaux, ou nous les Occidentaux », comme s’il s’agissait de deux catégories d’êtres humains qui appartiennent à des espèces séparées. Corm invite donc l’assistance à une « promenade sur les chemins des deux mythologies identitaires et à travers les liens passionnels et contradictoires de leur développement ». Le temps, au cœur des divergences Il commence donc par exposer les deux grandes images de base qui font de l’Occidental un être actif, particulièrement conscient du temps qui passe (le fameux adage « time is money »), face à un Oriental, héritier de civilisations mortes, qui est donc en décadence permanente et pour qui le temps n’existe pas. Avec son développement et sa science, l’Occidental est donc le maître, le donneur de leçons, tout en étant individualiste et l’Oriental est celui qui n’avance pas, qui reste accroché à sa famille, sans laquelle il n’a aucune valeur. Corm s’étend longuement sur ces deux grandes images, reflétées dans toute une littérature et tellement ancrées que tout le monde est convaincu qu’elles sont vraies. Pourtant, nul ne précise l’emplacement géographique de l’Orient et de l’Occident et l’auteur déclare qu’à son avis, « chaque région a son Occident et son Orient », sans oublier le fait que chaque barbarie devient civilisation à un moment donné et vice versa. Corm dénonce ensuite la déformation de certaines phrases qui, selon lui, a abouti, à leur donner un contenu qui va dans le sens de cette démarcation identitaire. « Rendons à César... » est ainsi devenue le symbole de la distinction que fait l’Occident entre l’État et la religion, alors que, replacée dans le contexte de l’époque, elle n’est qu’une protestation contre un pouvoir religieux omniprésent. Selon lui, toujours, le christianisme est symbole de fraternité, non d’individualisme. C’est dire que les images traditionnelles n’ont pas de fondement réel, même si de nombreux discours, en Orient et en Occident, favorisent leur ancrage dans les esprits. Une laïcité en trompe-l’œil Corm en répertorie trois sortes en Occident : les discours anthropologiques – qui établissent une distinction entre les sociétés rationnelles et les sociétés magiques –, les discours romantiques et philosophiques (Heidegger) et les discours sur la mission sacrée de l’Occident, que l’on retrouve aujourd’hui et qui servent en quelque sorte de justification idéologique à toute opération en Orient. Selon Corm, il s’agit là d’une reproduction de l’archétype biblique et c’est pourquoi il qualifie la laïcité de l’Occident de « laïcité en trompe-l’œil ». L’auteur se demande d’ailleurs pourquoi l’Occident qui se définit comme laïc accepte l’État d’Israël, dont le fondement est la religion... À ces discours occidentaux, correspondent des discours en Orient, qui reflètent aussi ces images. Il y a ainsi les discours romantiques et mystiques, comme ceux de Gibran Khalil Gibran ou de Mikhaïl Neaymé, qui mettent en évidence la spiritualité, et les discours fondamentalistes qui accentuent la rupture. Alors qu’existe un discours réformateur, positiviste, qui reconnaît la décadence, mais tente de prendre ses distances avec le Coran. Mais, au lieu de le favoriser et de l’aider, l’Occident le combat, tout en diffusant, avec des moyens énormes, les œuvres des fondamentalistes. C’est pourquoi, selon Corm, « les fondamentalistes sont du pain béni pour l’assaut américain contre l’Orient, qu’il veut civiliser, conformément à une mission biblique sacrée, qui n’a rien de laïc ». L’auteur conclut enfin qu’après le 11 septembre, il est de plus en plus urgent de rechercher des valeurs universelles, qui, elles, ne peuvent être que laïques... Scarlett HADDAD
Débarrassé des contraintes ministérielles, Georges Corm a retrouvé toute son éloquence et son côté provocateur pour présenter à un auditoire déjà conquis son dernier ouvrage, un essai dont le titre n’est pas le seul élément dérangeant, « Orient-Occident, la fracture imaginaire » ; un livre qui s’attaque aux idées reçues, en Occident et en Orient et qui prône en...