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Actualités - OPINION

La foi qui soulève les montagnes

En attendant de soulever les montagnes, la foi a soulevé jeudi Achrafieh au-dessus de son quotidien. Elle était belle et émouvante à voir, jeudi, la population d’Achrafieh sortie des appartements où elle est d’habitude confinée, s’exprimant tout haut, se parlant, réoccupant un moment l’espace que les commerces et la vie quotidienne agitée, pourtant morose, lui ont confisqué, pour reprendre souffle, parfumer l’air d’encens, applaudir sainte Thérèse, battre des mains et presque danser aux rythmes de certains cantiques, porter des cierges comme les enfants, se hisser au-dessus des fauteuils roulants, se sourire, s’agenouiller au passage de la châsse, se signer en public... Mais dans la visite du reliquaire de sainte Thérèse de Lisieux, il y avait certainement, aussi, une dimension politique plus ou moins diffuse. C’est celle, évidente, naturelle, normale, d’un appel profond à une prospérité disparue, du désir de voir la fin d’un long cauchemar politique ou appelez-le comme vous voudrez... Il n’y avait d’ailleurs qu’à prêter l’oreille pour entendre les réflexions politiques lapidaires fuser, surtout dans la bouche des ménagères d’Achrafieh. Telle cette femme apostrophant l’agent des FSI au visage impassible conduisant sa Pathfinder blanche, lui rappelant les coutelas et autres haches apparus un jour de l’an dernier...Non, la mémoire de cet incident inadmissible autorisé pour « effrayer » Achrafieh n’est pas oublié. La population, c’est évident, a quelque chose à dire, et elle le dit comme elle peut, quand elle peut. La démonstration de foi et de piété n’est pas absente, car sainte Thérèse est bien là et on lui confie tout, y compris les soucis politiques. Et le chapelet à la main, beaucoup de ces femmes n’expriment leurs conviction qu’aux intentions de prière, et dans ces intentions, le départ des armées étrangères, la paix au Liban et en Terre sainte, du travail pour les jeunes reviennent régulièrement sur les lèvres. Oui, il fallait entendre, jeudi, Achrafieh se défouler pour comprendre tout ce que sa population avait refoulé, pour comprendre qu’elle a quelque chose à dire, pour peu qu’il y ait quelqu’un qui écoute. Y aurait-il eu un moment de silence, au cours de la procession, qu’on aurait presque compris ce que cette population dit, tout bas, dans les églises où le reliquaire est exposé. Là, longuement plongées dans leurs méditations, les personnes s’ouvrent enfin, mais à Dieu, de ce qu’elles portent au plus profond d’elles-mêmes : le Liban, le retour d’un fils aimé, un parti pour cette fille qui a trente ans, un travail pour les chômeurs qui se morfondent, la fin d’un joug devenu insupportable, la réconciliation, la solidarité nationale... C’est là qu’elles sont, dans leurs aspirations confuses ou claires, dans leur ignorance et dans leur bon sens, dans leur égoïsme et leur extrême générosité. Et c’est de là que l’Église pourrait les conduire doucement, de ce réel complexe et déchu, vers l’invisible, vers ces reliques encore plus précieuses que sont les paroles du Christ, la présence du Christ et la personne du Christ dont « la connaissance surpasse toute connaissance », dont la consolation efface toute amertume et dont l’amour est la seule certitude. Fady NOUN
En attendant de soulever les montagnes, la foi a soulevé jeudi Achrafieh au-dessus de son quotidien. Elle était belle et émouvante à voir, jeudi, la population d’Achrafieh sortie des appartements où elle est d’habitude confinée, s’exprimant tout haut, se parlant, réoccupant un moment l’espace que les commerces et la vie quotidienne agitée, pourtant morose, lui ont...