Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

RECHERCHE - Résultats d’un projet social sur le développement communautaire L’École sociale de l’USJ lance l’idée d’un observatoire des réalités sociales et culturelles(PHOTO)

Des quartiers défavorisés de la banlieue de Beyrouth, notamment à Sin el-Fil et Bourj Brajneh, ainsi qu’un milieu carcéral, la prison de Roumié, ont fait l’objet d’une importante recherche-action sur le développement communautaire menée dans le cadre de l’Université Saint-Joseph (USJ), dont les résultats qualitatifs ont été rendus publics les 28 et 29 octobre. L’École libanaise de formation sociale (Elfs) a travaillé à ce projet international, lancé il y a trois ans à l’initiative de la Fédération internationale des universités catholiques (Fiuc) dans plusieurs pays d’Asie, avec divers partenaires sociaux. Outre les multiples informations contenues dans les interventions des chercheurs et des acteurs sociaux, il faut retenir la proposition de l’Elfs, formulée par sa directrice, May Hazaz, en clôture du colloque, de créer un « observatoire des réalités sociales et culturelles au Liban ». L’observatoire ouvert sur les mondes arabe et occidental, toujours selon Mme Hazaz, sera conçu comme « un projet pluraliste à construire progressivement avec différents partenaires du monde universitaire, des écoles de formation au travail social, des instances étatiques et du secteur associatif ». Il aurait deux missions. La première consisterait à « observer les phénomènes sociaux et culturels, compiler les informations sous forme de banque de données, constituer un lieu d’échanges des expériences, un lieu de proposition, de recherche et de consultation ». Sa deuxième mission serait de « conseiller tant les pouvoirs publics que la société civile, que le secteur privé en vue de faire des propositions d’ensemble et amener des changements désirés ou des améliorations souhaitées », tout en se démarquant nettement d’un quelconque processus de planification. Ce n’est pas une coïncidence si cette proposition a été lancée en même temps qu’étaient annoncés les résultats de la recherche-action sur le développement communautaire. Celle-ci constitue un bon exemple de travail en réseau, de coopération entre chercheurs et acteurs sociaux pour un travail concret au développement de communautés défavorisées, et qui n’en sert pas moins les objectifs de la recherche. L’Elfs y a travaillé en coopération avec plusieurs associations : l’Association Justice et Miséricorde (Ajem) à Roumié, le Service infirmier et développement communautaire (SIDC) à Sin el-Fil, et le Centre pour les services de base et de développement (CSBD) du ministère des Affaires sociales à Bourj Brajneh. « La pauvreté pose un problème dans le monde actuel, non seulement au niveau des pays du tiers-monde mais aussi des pays riches », explique Micheline Saab, coordinatrice scientifique du projet au Liban. « Pour lutter contre la pauvreté, il ne s’agit pas seulement de distribuer de la nourriture aux gens, il faut les sortir de l’inertie dans laquelle ils vivent. Au Liban, ce sentiment d’impuissance est exacerbé par la triple crise politique, économique et sociale que vit le pays, d’où l’émigration massive des jeunes. Ces données nous ont poussés à participer à cette recherche-action. » La recherche-action est une démarche entreprise dans le cadre universitaire mais qui reste très liée à la mise en place d’actions particulières. À chaque étape de cette démarche, les chercheurs sont amenés à se poser des questions, donc à rechercher de l’information et amasser du savoir. Concrètement, dans les deux localités géographiques et le milieu carcéral concernés par cette recherche, les chercheurs ont dégagé les caractéristiques de ces milieux, ont analysé le regard porté par les populations sur leur situation et sur leur vécu des problèmes de la rue, et ont récolté leurs propositions de solutions. « Pas pour eux, mais avec eux », précise Mme Saab. « Cette démarche est accompagnée, à toutes les étapes, du souci de comprendre plus scientifiquement ce que vivent les gens, et observer au sein de ces populations l’évolution du concept d’empowerment, c’est-à-dire le processus par lequel ils reprennent contrôle sur leur vie. » Les informations découlent de l’action Pratiquement, à quoi servent les résultats d’une telle recherche-action ? « Dans le cas de Bourj Brajneh, des groupes de femmes, de jeunes, d’enfants ont été formés à la dynamique de groupe, et ces individus sont devenus conscients de leur situation, capables d’agir pour la modifier au besoin », souligne Mme Saab. « À Sin el-Fil, ce sont des jeunes qui ont participé à la création d’une structure de prévention qui les touche à eux, mais aussi à d’autres jeunes. Avec le souci que cette structure soit transposée dans d’autres régions du Liban. Il en va de même avec l’Ajem, qui a travaillé sur le cas des personnes incarcérées. La mobilisation des prisonniers leur a permis de prendre place sur l’échiquier des militants pour leurs droits. Donc, à un premier niveau, on constate des résultats concrets au plan des actions. » Elle ajoute : « Le grand problème des recherches, c’est qu’elles finissent le plus souvent dans les tiroirs, sans avoir aucun effet sur la réalité. Ici, ce sont les effets de l’action sur le terrain qui constituent les moyens de dégager les éléments de l’étude. » Ce qui nous amène au second niveau, celui de la production de savoir. Celui-ci est d’ordre culturel : qu’est-ce que le développement au Liban ? Que signifie cette notion par rapport aux populations ? Quelles sont nos caractéristiques culturelles propres qui nous permettront d’atteindre des objectifs de développement ou qui en entraveront la réalisation ? « Ce savoir sera à la disposition de l’université pour la formation, mais aussi des politiques et des professionnels qui seront à même d’agir de manière plus adéquate », indique Mme Saab. Elle insiste sur le fait que le partenariat de l’université avec les associations a produit des actions concrètes : une structure (un centre) à Sin el-Fil, conformément au modèle de planification sociale, en d’autres termes, un service qui vient combler un besoin. Dans le cas de Bourj Brajneh, c’est une dynamique, et non un service, qui a été créée. À la prison de Roumié, c’est une plate-forme de partenaires de différentes spécialisations qui a été mise en place pour revendiquer les droits des personnes incarcérées et des ex-détenus. Un suivi de ces actions sera-t-il assuré par l’équipe des chercheurs universitaires ? La coordinatrice du projet répond par l’affirmative et évoque « une continuité de réflexion et d’accompagnement informel des projets ». « Tout cela sera réintégré dans la formation des travailleurs sociaux de l’Elfs », poursuit-elle. « Les résultats seront publiés dans les trois langues, arabe, française et anglaise, et regrouperont aussi les expériences des autres pays. » L’insuffisance des ressources budgétaires a été évoquée par les chercheurs. « Le projet avait un budget consistant », souligne Mme Saab. « Mais pour mener à bien des actions communautaires, il y a une nécessité d’investissement un peu plus large dans certaines formes d’action. Il ne faut pas perdre de vue que le Liban est plus cher que d’autres pays. » Il faut souligner que les interventions au cours de ce colloque étaient accompagnées de témoignages en direct ou enregistrés. Suzanne BAAKLINI
Des quartiers défavorisés de la banlieue de Beyrouth, notamment à Sin el-Fil et Bourj Brajneh, ainsi qu’un milieu carcéral, la prison de Roumié, ont fait l’objet d’une importante recherche-action sur le développement communautaire menée dans le cadre de l’Université Saint-Joseph (USJ), dont les résultats qualitatifs ont été rendus publics les 28 et 29 octobre....