INTERVIEW - La participation, jeudi, sera « immense », affirme le chef du PNL Dory Chamoun : Mieux vaut encore manifester aujourd’hui...(photo)

Le Rassemblement de Kornet Chehwane (KC) est « diabolique, prosioniste, un regroupement d’ennemis intimes, d’opportunistes qui veulent donner des leçons de terminologie politique, modifier à leur propre compte le concept de souveraineté, et qui sont à la solde des États-Unis ». Ces accusations, signées des députés Nasser Kandil et Bassem Yammout, de cheikh Taha Saboungi, des ulémas du Akkar ou du ministre de l’Intérieur Élias Murr, constituent un échantillon assez représentatif de la campagne calomnieuse qui vise les membres du groupe depuis plus d’un mois. Pourquoi cette diabolisation de KC ? Catégorique, le chef du Parti national libéral (PNL), Dory Chamoun, répond : « Cela entre dans le cadre de la situation régionale actuelle. Les Syriens et les prosyriens évaluent la situation politique au Liban en fonction de ce qui pourrait se produire au plan régional. Ils vivent dans la crainte que le rôle de la Syrie ne soit diminué. Alors, pour prendre les précautions nécessaires, ils essaient d’éliminer l’opposition. Pour qu’ils puissent tenir en place, le cas échéant, si ces changements se produisent. » Pense-t-il qu’il pourrait être visé par les poursuites que le procureur général près la Cour de cassation, Adnane Addoum, pourrait engager contre les participants au congrès de Los Angeles ? « Je ne pense pas. Mais l’état d’hystérie dans lequel se trouve le pouvoir est pénible et pourrait conduire à tous les excès. Une bêtise de plus ne m’étonnerait pas », affirme-t-il. Sur la raison d’être de la manifestation à laquelle le groupe a appelé jeudi, Dory Chamoun rappelle qu’elle « vise principalement à montrer ce que nous ressentons envers la décision de fermeture de la MTV et la suppression des droits et des libertés ». Selon M. Chamoun, le jugement rendu par le tribunal des imprimés contre la MTV est « une honte nationale ». « Il aura sa place au chapitre de l’histoire du droit au Liban », ironise-t-il. Parmi les critiques adressées çà et là à Kornet Chehwane, mais par les « amis » politiques cette fois, celle selon laquelle le Rassemblement manque résolument de stratégie ? « Nous ne sommes pas un parti organisé, mais un rassemblement de figures politiques. Et dans tout rassemblement de ce genre, où il n’y pas de discipline rigide, il existe des points de vue différents sur la façon d’agir », se défend Dory Chamoun. « Plus que cela, poursuit-il, nous sommes obligés de faire face à des situations qui nous sont imposées. Qui aurait dit que Kornet Chehwane deviendrait un jour l’ennemi public numéro un, ou que la souveraineté serait interprétée sous un angle confessionnel. Face à ces imprévus auxquels nous n’étions pas préparés, c’est vrai, notre marge de manœuvre est limitée », dit-il. Que fera KC si elle n’obtient pas l’autorisation du ministère de l’Intérieur ? « Nous ne voulons rien faire en dehors de la loi. Mais j’espère qu’ils ne feront pas l’erreur de nous pousser à l’illégalité. Le pouvoir doit voir un peu plus loin que le bout de son nez », indique-t-il. Et si deux manifestations, l’une de Kornet Chehwane et l’autre de la Rencontre nationale islamique (plus connue désormais sous le nom de la cellule Hamad) se produisent en même temps. Est-ce que l’affaire va tourner au bras de fer numérique ? « Non. D’ailleurs, la différence entre nous et eux, c’est qu’ils sont téléguidés, manipulés. Nous agissons spontanément. » Et d’ajouter que le choix d’Achrafieh, pour l’emplacement, vise justement à « minimiser tout risque de heurts ». Que pourrait changer la manifestation de jeudi à l’équation politique ? « Je crois qu’il y aura une foule beaucoup plus grande qu’on ne l’imagine. Partout où nous allons, les gens nous expriment leur soutien. Cela va être immense, et le pouvoir ne pourra pas ignorer ce mouvement. Sinon, la grogne va continuer à grandir. » Quel message aimerait-il enfin adresser aux Libanais, sinon celui de les appeler à manifester massivement jeudi pour les libertés publiques ? « Un seul message : autant manifester aujourd’hui que d’être obligés de passer plus tard à des mesures plus radicales. » Une formule qu’il laisse à chacun le soin de comprendre à sa manière. Michel HAJJI GEORGIOU