Par Samir FRANGIÉ Le 12 septembre prochain, le Congrès américain doit commencer à débattre d’un projet de résolution – « Syria Accountability Act » – condamnant la Syrie pour l’appui qu’elle accorde aux organisations terroristes, la fabrication d’armes chimiques et biologiques, le non-respect du blocus imposé à l’Irak et l’occupation du Liban. Quelle position les Libanais devraient-ils adopter concernant ce projet de résolution ? Pour les gens au pouvoir, la question ne se pose pas. Les Libanais devraient être solidaires de la Syrie en toutes circonstances. Par contre, pour l’opposition aouniste, l’occasion qui se présente est historique. La résolution, si elle était adoptée, permettrait de « sortir le Liban de l’étau syro-israélien ». Cette opposition considère que la Syrie n’a pu imposer son hégémonie sur le Liban qu’en accord avec les États-Unis et qu’il est donc tout à fait légitime de retourner contre la Syrie les moyens mêmes que cette dernière avait mis en œuvre pour parvenir à ses objectifs. Comment trancher entre ces deux positions ? • La première pèche, de toute évidence, par manque de crédibilité : comment la classe politique actuelle pourrait-elle convaincre les Libanais de la justesse de son point de vue alors qu’elle a, en permanence, fait preuve d’une solidarité inconditionnelle à l’égard de la Syrie, souvent au détriment des intérêts nationaux ? • La seconde position est certes plus nuancée, mais souffre également d’un manque de crédibilité : pourquoi les États-Unis seraient-ils aujourd’hui plus soucieux qu’au cours de toutes ces dernières années de restaurer la souveraineté nationale ? Comment l’opposition aouniste pourrait-elle être sûre de ne pas servir tout juste de moyen de pression sur la Syrie pour la forcer à s’aligner sur la position américaine ? Et ce projet de résolution ne risque-t-il pas, en cas d’adoption, de se heurter au veto de l’Administration américaine ? Si la position des loyalistes est faible en raison d’un manque de crédibilité, celle de l’opposition aouniste risque, elle, de se répercuter négativement sur l’ensemble de l’opposition libanaise. Certes le regroupement de Kornet Chehwane s’est déjà opposé au Syria Accountability Act, refusant de jouer les États-Unis contre la Syrie, mais cette prise de position ne suffit pas à limiter les effets négatifs que pourrait avoir la position aouniste. Quels effets ? Le premier de ces effets serait de bloquer toute possibilité de transformer l’opposition à majorité chrétienne en opposition nationale islamo-chrétienne. Car le refus de la tutelle syrienne s’accompagne chez la majorité de l’opposition, aussi bien chrétienne que musulmane, d’un rejet tout aussi fort de la politique américaine dans la région, notamment en raison de l’appui inconditionnel fourni à Israël. Or sans une opposition multiconfessionnelle, le combat pour le recouvrement de la souveraineté nationale n’a aucune chance d’aboutir, car il peut à tout moment être placé dans une logique communautaire, la souveraineté devenant une revendication non plus libanaise, mais uniquement chrétienne. Autre effet négatif : un alignement sur la position américaine expose les chrétiens à un danger réel, celui de se retrouver en opposition avec la majorité musulmane aussi bien au Liban que dans le monde arabe et de perdre ainsi la possibilité de renouer avec leur passé et de refaire du Liban le fer de lance d’un renouveau politique et culturel dans la région. Or les chrétiens ont aujourd’hui besoin plus que jamais de redéfinir leur raison d’être en tant que minorité dans ce monde arabe ravagé par une crise politique et culturelle sans précédent dans son histoire moderne. Une minorité se doit de justifier son existence autonome par rapport à la majorité. Il ne lui suffit pas d’exister pour être reconnue et acceptée. Elle a, il est vrai, le choix de se définir en tant que survivance d’un passé plus ou moins lointain, mais elle ne peut prétendre, dans ce cas, jouer un rôle politique ou même culturel et sera tout juste tolérée. Mais si son ambition ne se limite pas à ce choix, il lui faudra alors définir positivement sa différence en montrant en quoi son existence est source de richesse pour la majorité au sein de laquelle elle évolue. L’Exhortation apostolique avait déjà invité les chrétiens à procéder à ce renversement total de perspective et à donner la priorité à la solidarité avec le monde arabe. Cette solidarité est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Est-ce à dire que le recouvrement par le Liban de sa souveraineté nationale doit être reporté aux calendes grecques ? Certainement pas ! Mais la voie pour y parvenir doit nécessairement prendre en considération les valeurs auxquelles les Libanais sont attachés. La fin ne saurait, dans ce cas, justifier les moyens. Le refus du Syria Accountability Act n’affaiblit pas l’opposition, bien au contraire, il lui donne une audience nationale, renforce sa légitimité et la place ainsi en position de force par rapport aux Syriens.
Actualités - OPINION
Syria Accountability Act : facteur de force ou de faiblesse pour le Liban ?
OLJ / Par FRANGIE Samir, le 03 septembre 2002 à 00h00
Par Samir FRANGIÉ Le 12 septembre prochain, le Congrès américain doit commencer à débattre d’un projet de résolution – « Syria Accountability Act » – condamnant la Syrie pour l’appui qu’elle accorde aux organisations terroristes, la fabrication d’armes chimiques et biologiques, le non-respect du blocus imposé à l’Irak et l’occupation du Liban. Quelle position les...
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