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Actualités - OPINION

Bains d’acide

Le scandale du cellulaire, surtout. Celui du mazout et de ces dizaines de milliers de pré-universitaires dont les copies ne sont toujours pas corrigées et qui attendent, aussi. La triple expression, socio-économique, d’une praxis politique dégénérée. Sa quintessence. Puisque ce cellulaire (comme le mazout hier et les enseignants aujourd’hui) viennent à point nommé (à eux seuls, ces triples scandales estivaux peuvent résumer toute la conception, la gestion, de la chose publique, ces dix dernières années au moins) rappeler aux Libanais qui auraient été tentés de vouloir l’oublier que leurs dirigeants – à commencer par les trois premiers – ne voient en eux que des citoyens de troisième classe. Des citoyens de pacotille. De théâtre. Un théâtre régi par le bon vouloir du docteur Bachar et de ses sbires d’ici et de là-bas. Mais un théâtre sur la scène duquel continue à se jouer, inlassablement et à guichets fermés, la pathétique et insensée autodissolution de tout un pays. Dans sa propre mémoire. Et grâce à sa propre énergie, sans cesse renouvelée. La disproportion est saisissante : aussi gros soient-ils, ces trois scandales ne sont, toutes proportions certes gardées, que trois anecdotes comme tant d’autres. Trois manifestations d’une cohabitation taëfienne tellement viciée qu’elle a tout perverti sur son passage. Le mal du Liban vient de (pas trop) plus loin. Grâce au cellulaire (ou à cause !), les Libanais ont eu droit à une des plus grosses cerises jamais posées sur ce cake moisi qu’est devenue la troïka. À savoir (épisode 1) : un gouvernement qui demande, par la bouche de son chef, l’éclaircissement, par la Chambre, de l’article d’une loi (celle relative au cellulaire) construite par ce même gouvernement. Sur des bases totalement bâtardes, puisque censées satisfaire les desiderata (que tout oppose) de l’un comme de l’autre des deux pôles de l’Exécutif. Du jamais vu, ou presque. Ce ne sont plus quelques principes de Taëf que l’on bafoue : ce sont désormais ses fondements mêmes que l’on prostitue. À comparer le scandale de la téléphonie mobile avec le feuilleton murro-murrien (Metn, juin 2002), pas besoin de photo-finish. C’est à un véritable Dallas que l’on a droit en ce moment. Et ici, force est de constater, contre toute(s) attente(s), que pour la première fois depuis des mois, depuis des années, le n° 2 de l’État a cessé (encore faudra-t-il qu’il continue) de jouer au chef d’un clan – hypermenacé à sa gauche – pour devenir, de par ces trois scandales, ce chef du Législatif à plein temps qu’il aurait dû être depuis 1992. Tout cela sans oublier que Nabih Berry est un des plus fins renards de la politique libanaise. De ce fait, il a refusé (épisode 2) que le Parlement joue les arbitres de chaise entre les volleyeurs déchaînés de l’Exécutif. Baabda a bondi, quelques heures après, sur ce refus, pour y applaudir, et s’empresser de demander au Conseil des ministres de poursuivre l’étude du mécanisme post-31 août concocté par Jean-Louis Cardahi. Lequel a (ré)expliqué (épisode 3) pour toutes les chaumières du pays, par écran de télévision interposé, que rien ne changera au 1er septembre, que les revenus du secteur doivent tomber dans l’escarcelle de l’État, et qu’il est en mesure de trouver une société internationale disposée à gérer la poule aux œufs d’or. Épisode 4 (et dernier en date) : un Premier ministre hors de lui, martelant sur toutes les chaînes de télévision que l’on fait tout pour lui nuire personnellement, accusant, sans le nommer, le chef de l’État de « chantage », et dénonçant ces « deux sociétés » cachées dans une manche et à qui l’on compte bien réserver la gestion des deux réseaux. Comment, à l’aune de cette dégénérescence que l’on ne cherche même plus à cacher, comment ne pas voir cette incroyable autodissolution, dans de l’acide, comment ne pas se demander, dès lors, à quoi peuvent bien servir ces fermes de Chebaa que l’on veut récupérer, cette saison touristique que l’on veut sauver ? Quoi qu’aient pu répéter Baabda ou Koraytem, le conflit entre Émile Lahoud et Rafic Hariri est là, bel et bien là. Pire : il est naturel. Le maître de Koraytem l’a dit hier, en un mot comme en cent. Et ce n’est ni Nabih Berry (il calcule trop pour cela) ni le peuple libanais (par apathie, par résignation, par panurgisme, il a choisi de ronfler sur son hamac, ou d’aller voir ailleurs si le Liban y est) qui pourront y mettre un terme. Redresser le pays. Le cellulaire n’aura fait que crever, encore une fois, cet abcès de plus en plus putrescent. Il aurait été très sain de penser, lorsqu’il y a abcès et qu’on le crève, que c’est une bien bonne chose. Que l’on peut ainsi, sans doute, empêcher une gangrène, une amputation, une mort. Sauf que chez nous, il y a, encore lui, le docteur Bachar. Pour cautériser. Pour se rassurer : se répéter que les dirigeants libanais ne sont pas seulement incapables d’éviter, seuls, une éventuelle escalade avec les Palestiniens des camps, ou un tout aussi hypothétique nouveau clash entre ses communautés. Qu’ils sont tout aussi incapables de gérer, tout simplement, leur pays. Émile Lahoud et Rafic Hariri voient loin. Bon appétit messieurs. Ziyad MAKHOUL
Le scandale du cellulaire, surtout. Celui du mazout et de ces dizaines de milliers de pré-universitaires dont les copies ne sont toujours pas corrigées et qui attendent, aussi. La triple expression, socio-économique, d’une praxis politique dégénérée. Sa quintessence. Puisque ce cellulaire (comme le mazout hier et les enseignants aujourd’hui) viennent à point nommé (à eux...