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Actualités - CHRONOLOGIE

Trois mille personnes à des funérailles transformées en meeting politique(photos)

C’est sous les applaudissements et après avoir été porté à bout de bras que le cercueil blanc de Ramzi Irani a été déposé devant l’autel de l’église Mar Takla, à Hazmieh. Les funérailles ont rassemblé hier plus de 3 000 personnes : des ministres, des députés, des responsables de l’opposition, des ingénieurs, des employés de l’entreprise Total où il travaillait, des militants FL ainsi que ses amis, ses proches et sa famille. Une famille qui n’a pu, à aucun moment, se recueillir devant la dépouille mortelle ; les funérailles de Irani, 36 ans, cadet d’une famille de trois enfants, et père d’une fille de cinq ans et d’un garçon âgé de deux ans et demi, ont rassemblé – comme lors de la découverte du corps – une foule de journalistes et de photographes. Et les militants FL, leurs nerfs chauffés à blanc, et qui estiment que Ramzi est avant tout leur martyr, ont transformé la fin des funérailles, notamment la marche jusqu’au caveau de la famille, à quelques kilomètres de l’église, en meeting politique. Pourtant, l’office religieux, présidé par Mgr Roland Abou Jaoudé, vicaire patriarcal, avait commencé dans une atmosphère de prière. Les jeunes militants, toujours sous le choc de l’assassinat de leur camarade, pleuraient à chaudes larmes, priaient, ou encore essayaient de se consoler mutuellement. Tout au long de l’office funèbre, l’épouse de Ramzi Irani, Jocelyne, est restée debout, accoudée au cercueil blanc. Aimée, la mère du jeune ingénieur, assise au premier rang, n’a pas lâché – comme pour se donner courage – la main de son fils aîné, Nabil. L’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, a choisi de lire un passage de l’Évangile de saint Matthieu. « Heureux les affligés car ils seront consolés, heureux les affamés et les assoiffés de justice car ils seront rassasiés », a-t-il dit, en poursuivant toujours la lecture du texte, « heureux êtes-vous quand on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi, soyez dans la joie car votre récompense sera grande dans les cieux ». La foule restera calme, comme étranglée, jusqu’à l’intervention du frère de la victime, qui a donné lecture du message de la famille. « Ramzi a perpétré quatre crimes : c’était un homme croyant sans être fanatique, c’était un père qui avait décidé de mener une véritable vie de famille chrétienne en épousant Jocelyne, c’était un ingénieur qui avait refusé de quitter son pays, et c’était un homme qui, toute sa vie durant, avait défendu une cause », a-t-il déclaré. Tout en mettant en garde contre « le camouflage du crime en une version qui arrangerait tout le monde », il a fait part de sa crainte que « le secret de l’assassinat ne soit enterré avec Ramzi dans un Liban qui a perdu sa souveraineté et son âme ». « Mais je me chargerai de dire la vérité à tes enfants : tu es un héros et un martyr », a-t-il poursuivi. « Dieu soit avec toi Ramzi » Les propos de Nabil Irani, qui ont marqué la fin de l’office religieux, ont été salués par un tonnerre d’applaudissements. Dehors, sur le parvis de l’église, on a commencé à diffuser des chants patriotiques et partisans, ainsi que des extraits d’un enregistrement du dernier discours de Irani, prononcé en avril dernier, entrecoupé de phrases, également enregistrées, de Samir Geagea, chef emprisonné des FL. Irani s’engageait à rester fidèle aux idées pour lesquelles les militants du mouvement avaient versé leur sang, alors que Geagea rendait hommage aux mères des martyrs. Mais la foule, qui brandissait d’immenses banderoles, des drapeaux du mouvement et des portraits du jeune ingénieur, restait muette. Durant plus d’une demi-heure à l’issue de l’office religieux, aucun slogan n’a été scandé. Et puis, l’on a décidé de crier les mêmes mots par lesquels le cercueil de la victime avait été accueilli devant l’église : « Dieu soit avec toi Ramzi. » La phrase sera scandée inlassablement jusqu’à l’intervention d’un ami proche de Irani, Wassim Hayeck, qui a évoqué la dernière fois qu’il avait vu le militant FL à Harissa. « Il avait peur que la guerre n’éclate à nouveau, et il voulait être tout près des jeunes si un jour le Liban devait revivre les sombres moments passés », a-t-il dit. Pendant que Selmane Samaha, chef de la section estudiantine des FL, appelait les militants à ne pas pleurer « car ceux qui ont des martyrs, se sacrifiant pour une cause, ne devraient pas verser des larmes », le cercueil porté à bout de bras de Irani a été sorti de l’église, suivi par la famille de la victime. « Le message a été reçu », a encore indiqué Samaha, soulignant que « si Ramzi a été abattu de deux balles à la poitrine, il faut que le monde entier sache que nous sommes tous prêts à mourir de la même manière ». À la vue du cercueil, la foule explose, applaudit encore, jette des pétales de roses, scande les slogans des années soixante-dix, et les militants veulent porter jusqu’au cimetière le cercueil du jeune ingénieur. Il le sera sur plusieurs centaines de mètres, avant d’être déposé dans le corbillard. Nabil Irani et Nayla, la sœur de la victime, feront le trajet à pied, de l’église jusqu’au caveau familial. Ils seront suivis par la voiture mortuaire transportant la dépouille de leur frère et 2 000 militants. Où est Ramzi Irani ? La question a été infatigablement posée durant quatorze jours. Maintenant, ses camarades, ses collègues, ses amis et sa famille savent où le trouver. L’assistance Plusieurs personnalités ont assisté aux obsèques, notamment l’ancien président de la République, Amine Gemayel, les ministres de l’Industrie, Georges Frem, et d’État, Pierre Hélou, les députés Farès Souhaid, Antoine Ghanem, Mansour el-Bone, Farid el-Khazen, Farès Boueiz et Boutros Harb, les anciens députés Pierre Daccache, Camille Ziadé et Jamil Chammas, Mmes Gina Élie Hobeika et Sethrida Samir Geagea, MM. Samir Frangié, Simon Karam et Samir Abdel Malak, membres des Assises de Kornet Chehwane, ainsi que le général Nadim Lteif et plusieurs autres personnalités politiques et spirituelles. L’oraison funèbre Mgr. Youssef Tok, secrétaire général du patriarcat maronite, a donné lecture de l’oraison funèbre : « Un grand malheur vous a frappés avec la perte du regretté Ramzi. Quatorze jours durant, vous avez été partagés entre l’espoir et le désespoir, comme beaucoup de Libanais qui s’imaginaient qu’une fois tournée la page de la guerre, de tels événements ne se reproduiraient plus au Liban. En fait, ils n’auraient jamais pensé qu’ils se retrouveraient un jour confrontés à deux crimes aussi odieux, commis en plein jour, au cœur même de la capitale. « Ce crime atroce, cause de vos larmes, qui a frappé de stupeur beaucoup de Libanais, doit inciter les autorités sécuritaires à intensifier leurs recherches en vue d’en élucider les circonstances et les mobiles et de châtier les coupables de manière exemplaire afin de préserver le peu de confiance qui reste aux Libanais à l’égard de la capacité de l’État à maintenir l’ordre ». L’oraison funèbre patriarcale devait ensuite insister sur les qualités humaines et professionnelles de Irani. Patricia KHODER
C’est sous les applaudissements et après avoir été porté à bout de bras que le cercueil blanc de Ramzi Irani a été déposé devant l’autel de l’église Mar Takla, à Hazmieh. Les funérailles ont rassemblé hier plus de 3 000 personnes : des ministres, des députés, des responsables de l’opposition, des ingénieurs, des employés de l’entreprise Total où il...