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Actualités - OPINION

Chronique d’un rendez-vous manqué

Les haririens cultivent apparemment l’art paradoxal de relever les défis en les éludant. Ils confirment ainsi, dans la foulée d’un de leurs héros-hérauts médiatiques, M. Bassel Fleyhane, que la séance spéciale de lundi prochain 13 courant n’aura pas plus lieu que la guerre de Troie vue par Giraudoux. Du reste le Sérail, ordonnateur des cérémonies en matière de réunion du cabinet, n’a pas adressé aux ministres les invitations-convocations dans les délais requis. Pourquoi? Parce que le Premier ministre ne voit pas l’utilité d’un nouveau débat sur le cellulaire tant que le ministre des Télécommunications, M. Jean-Louis Cardahi, n’a pas remis au gouvernement le rapport circonstancié qui lui a été commandé. C’est là la raison officielle. Mais les proches de Koraytem ne cachent pas qu’en réalité, M. Rafic Hariri n’a pas du tout apprécié l’initiative du chef de l’État. Qui a invité le Conseil des ministres à crever l’abcès en se retrouvant lundi, sans lui en référer. Or, M. Hariri pense que non seulement il doit être préalablement consulté, mais encore qu’il appartient à la seule présidence du Conseil de convoquer cette instance. Mais que ferait-on du prétexte invoqué si d’aventure M. Cardahi remettait son rapport au Conseil dans les heures ou les jours qui viennent ? Habilement, M. Fleyhane répond qu’en tout cas, il est trop tard pour que les ministres aient le temps d’étudier ce document, probablement touffu et complexe, avant lundi. Il leur faudrait en effet prendre connaissance, mais également décrypter les annotations techniques, des indications fournies au ministère par le groupe spécialisé HSBC. Qui s’est vu poser des questions précises de faisabilité juridique. Portant notamment sur la possibilité pour les deux compagnies sortantes, Cellis et LibanCell, de continuer à assurer le réseau du portable jusqu’à la privatisation du secteur par sa mise en adjudication. Tout comme il s’agit de savoir si ces deux sociétés peuvent elles-mêmes concourir pour tenter de décrocher une nouvelle concession d’exploitation. Comme on voit, le litige déborde en réalité la période transitoire et le point de savoir si c’est l’État (comme le souhaite le camp du régime) ou le privé qui doit la gérer. Ce qui est beaucoup plus important, de toute évidence, c’est l’octroi ultérieur de la concession de ce juteux marché de téléphonie mobile pour de longues années. En tout cas de Kuala Lumpur, où il rend visite à son grand ami le Premier ministre malaisien Mahatir Mohammed, M. Hariri a répété n’avoir encore rien reçu du ministère des Télécoms au sujet des questions posées par le Conseil des ministres. Il a ajouté que dès lors, aucun élément nouveau ne justifie une réunion du Conseil consacrée à la privatisation du cellulaire. Bien entendu, mis à part les intérêts d’ordre matériel, qui sont du reste confluents puisqu’il faut préserver avant tout les droits du Trésor, le bras de fer entre les dirigeants découle de l’éternelle lutte d’influence politique qui les oppose. Il faut donc attendre que le pouvoir, encore une fois, se retrouve pour laver le linge sale en famille. Quand est-ce que cette réunion de franches explications pourra-t-elle avoir lieu ? Les haririens répondent en estimant qu’il faut au moins deux ou trois semaines de préparation climatique. Du côté des partisans du régime, on indique que les réponses aux questions posées aux Télécoms par le Conseil des ministres sont maintenant prêtes. Elles portent notamment sur le point de déterminer la partie habilitée à gérer l’étape transitoire. Et, partant, sur le droit de présence des deux compagnies sortantes durant cette période. Tout comme sur leur droit de participer à l’adjudication en gestation, à un moment où leur litige avec l’État est toujours pendant devant les tribunaux. Les mêmes sources ajoutent que les Télécoms gardent pour elles des informations délicates, importantes, pour ne les exposer que devant le Conseil des ministres. Cela, par crainte des réactions et des immixtions des parties lésées. M. Cardahi, dans son intervention télévisée, a évoqué trois points : la détermination des objectifs; l’accord sur les mécanismes et les garde-fous pour l’opération de privatisation. Or, selon le ministre, il semble qu’on lui pose des entraves. Il en veut pour preuve qu’en octobre, avant l’expiration du délai de résiliation du contrat, il avait demandé qu’on recoure à une nouvelle compagnie pour faire fonctionner le cellulaire durant la phase transitoire. Mais on s’est contenté, pour toute réponse, de proroger de 60 jours le délai accordé aux deux sociétés sortantes. À en croire ses proches, M. Cardahi a constaté dès le premier jour qu’il y avait une partie politique serrée autour d’un dossier que, pour sa part, il ne veut considérer que sous l’angle du profit pour l’État et le Trésor. Selon des professionnels informés, sur le front du différend avec les deux compagnies, le litige s’articule principalement autour des indemnisations qu’elles réclament. Aucun échange de comptes n’a été fait, en réalité, depuis le gouvernement Hoss. Des juristes soutiennent que les deux sociétés, étant en procès avec l’adjudicataire, ne peuvent accéder au cahier des charges pour participer à la soumission d’offres. Mais d’autres juristes affirment qu’au contraire, procédure arbitrale ou non, tout exploitant sortant garde une sorte de droit de préemption ou en tout cas le droit garanti de concourir, tant qu’il remplit les conditions requises. Bref, chacun mobilise ses consultants techniques ou juridiques et l’affrontement bat son plein. En prenant comme on sait la forme aiguë d’un duel télévisé entre ministres, M. Jean-Louis Cardahi d’un côté, M. Bassel Fleyhane de l’autre. Des prestations que beaucoup de puristes réprouvent. En rappelant que l’esprit de la Constitution veut que les divergences qui opposent des serviteurs de l’État soient débattues entre quatre murs, au sein des institutions. Sur les conseils voilés des décideurs, des médiateurs s’activent entre Baabda et Koraytem pour tenter d’arranger les choses. MM. Nabih Berry, Khalil Hraoui et Abdel Rahim Mrad déploient des efforts dans ce sens. Mais il y a fort à parier, en l’état actuel des choses, qu’il faudra une intervention directe de Damas pour régler le problème. D’ailleurs, selon des sources informées, M. Hariri doit faire un saut sur les bords du Barada dès son retour de Malaisie. Philippe ABI-AKL
Les haririens cultivent apparemment l’art paradoxal de relever les défis en les éludant. Ils confirment ainsi, dans la foulée d’un de leurs héros-hérauts médiatiques, M. Bassel Fleyhane, que la séance spéciale de lundi prochain 13 courant n’aura pas plus lieu que la guerre de Troie vue par Giraudoux. Du reste le Sérail, ordonnateur des cérémonies en matière de...