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Conférence - Mohammed Arkoun à l’Université de Balamand Entre foi et raison, « repenser le phénomène religieux après le 11 septembre »

L’éminent sociologue et islamologue français d’origine algérienne Mohammed Arkoun a donné hier, à l’ Université de Balamand, une conférence sur le thème : «Repenser le phénomène religieux après le 11 septembre». La communication a porté sur les conditions d’une étude scientifique des religions, dans une tentative de démonter les mécanismes de justification des guerres pour des motifs religieux. M. Arkoun a relevé la nécessité de «réviser le lexique religieux» pour identifier les divergences qui portent l’islam et l’Occident à s’affronter, et définir une nouvelle approche des «valeurs» qui permette de parler des cultures et des civilisations, à la lumière des sciences humaines et de l’histoire comparée des religions. Abordant d’abord le problème sous l’angle historique, M. Arkoun a parlé du bassin méditerrannéen comme lieu de confrontation des incarnations historiques des religions, qui fournit aux historiens la clé des rapports établis entre elles, du Moyen-Âge à aujourd’hui. La «lecture verticale» des religions doit s’accompagner d’une «lecture horizontale, historique», ajoute Mohammed Arkoun. Les «livres révélés» ont un substrat historique qu’il s’agit de mettre en évidence, car ils se comprennent, aussi, à la lumière des cultures qui leur sont antérieures. L’historien en veut pour preuve l’évocation de la persécution par l’empereur Dioclétien et de l’esprit de sacrifice des chrétiens des premiers temps, contenue dans le Coran. Le sociologue évoque aussi le rôle de l’institution du califat comme cadre politique de transmission de la culture arabe, qu’il est nécessaire d’étudier pour se libérer des immombrables interprétations figées de l’époque. Arkoun invite ensuite les intellectuels à distinguer entre l’Europe et l’Occident, note le sociologue. En effet, après le 11 septembre, le monde arabe parle volontiers de l’impérialisme de l’Occident. Mais ce qu’il entend par là, ce n’est pas l’Europe au sens géopolitique ou historique, car cette réalité est distincte de l’ Occident tel qu’il s’identifie avec les États-Unis, qui exercent aujourd’hui une hégémonie de moins en moins bien supportée par l’Europe elle-même. Arkoun souligne ensuite la nécessité de l’ invention d’un vocabulaire analytique, par opposition à une lexicographie idéologique. Il appelle, avec force exemples, à une compréhension anthropologique des sociétés, retraçant les phases de leur évolution de la tribu à la société politique, de l’oral à l’écrit, de la culture populaire à l’apparition de la science, de l’anarchie aux lois. Abordant enfin le phénomène coranique, Arkoun définit le terme «phénomène» comme «objet d’expérience, mais non d’explication». Il retrace l’étude passionnée des textes révélés au Moyen Âge, au Moyen-Orient, pour regretter qu’il n’en soit plus ainsi aujourd’hui à la lumière de la raison. Il soulève aussi le problème des «textes fermés» qui ne sont plus sujets à discussion ou critique. Au demeurant, Arkoun s’interroge sur la capacité de la raison à offrir du nouveau, alors qu’elle vit une crise cognitive aussi bien dans le domaine religieux que dans les domaines moral et scientifique. Mais cela n’exclut, à ses yeux, ni l’effort pour étudier scientifiquement et historiquement le phénomène religieux ni la possibilité de l’étude théologique en soi. C’est la tâche de l’université, conclut-il, que de former des professeurs susceptibles d’enseigner la religion d’un point de vue laïc, scientifique, historique et anthropologique, tout en rendant justice à la mémoire collective.
L’éminent sociologue et islamologue français d’origine algérienne Mohammed Arkoun a donné hier, à l’ Université de Balamand, une conférence sur le thème : «Repenser le phénomène religieux après le 11 septembre». La communication a porté sur les conditions d’une étude scientifique des religions, dans une tentative de démonter les mécanismes de justification des...