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Actualités - OPINION

Beyrouth, sommet de la paix globale ou de la guerre totale

C’est, jusqu’à présent, sans aucune commune vision de ce que devrait être un règlement de la crise régionale que les pays membres de la Ligue arabe projettent de se retrouver, fin mars, à Beyrouth. L’escalade de la violence en terre de Palestine vérifie, dans les faits, le sombre diagnostic formulé par le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, lors de son récent passage à Beyrouth : «La situation est très, très, très mauvaise». Mais, dans ce cas, face à une situation aussi catastrophique, le sommet de Beyrouth peut-il prendre autre chose que des résolutions extraordinaires ? Pour être logique, non, quoique les contours de ces résolutions restent encore indéfinies, seules certaines de leurs composantes pouvant être dégagées. Quelles sont-elles donc ? Il va de soi que certaines de ces composantes se dessineront d’elles-mêmes, lors des deux conférences ministérielles arabes qui doivent précéder le sommet : celles des ministres arabes de l’Économie (22 mars), en présence des directeurs des divers fonds arabes, et celle des ministres des Affaires étrangères (25 mars). Les deux conférences devraient donner la mesure du sérieux avec lequel seront abordées, en particulier, les questions des appuis économiques sur lesquels l’Autorité palestinienne, et accessoirement le Liban, pourront compter. Pour l’heure, les Arabes ont le choix entre deux ou trois idées ou plans de paix, qu’ils pourront, éventuellement, choisir d’adopter et d’étoffer. Le premier de ces «projets de paix» est la proposition de l’émir Abdallah ben Abdel Aziz, le prince héritier d’Arabie saoudite, qui offre à Israël «la normalisation totale», en échange d’un retrait total de tous les territoires occupés, conformément aux résolutions internationales de l’Onu, y compris de Jérusalem. La proposition rejoint, en un sens, celle du président syrien défunt Hafez el-Assad qui proposait à Israël «la paix totale, en échange du retrait total». Le second projet est celui que pourrait proposer l’Union européenne, et dont les idées de base ont été développées par la France. En résumé, le projet comprendrait deux temps : premier temps, organisation d’élections libres qui permettraient aux Palestiniens d’élire leurs représentants légitimes et, somme toute, d’exprimer leur attachement au processus de paix ou, au contraire, leur rejet et, deuxième temps, proclamation de l’État palestinien. Un arrêt de la violence paverait la voie à ce processus. La préférence du président Émile Lahoud, qui apprécie la neutralité observée par l’Union européenne vis-à-vis du conflit régional, irait à une telle initiative. De fait, on estime à Beyrouth qu’une initiative européenne, pour être constructive, doit dépasser le stade des idées émises ça et là, et se traduire en un véritable projet commun que les États européens mettraient au point au cours d’une conférence européenne, et nécessairement en concertation avec les États-Unis. Troisième projet, le plan Mitchell, déjà approuvé, du point de vue formel, par les Palestiniens et les Israéliens, mais dont l’application a subi tant de revers qu’on en est venu à le considérer comme chimérique. Pour un diplomate libanais, le sommet arabe de Beyrouth devrait nécessairement déboucher sur un consensus sur la Palestine inspiré des divers projets en discussion, de sorte qu’il soit évident, en cas de rejet israélien, que l’obstacle à un règlement vient de l’État hébreu, qui refuserait le principe de «la paix, en échange des Territoires». Certes, selon cette source diplomatique, tout règlement sur papier exigera de laborieuses négociations pour sa mise en application. Éventuellement, l’un des principaux obstacles à l’entrée en application d’un accord sera de savoir si la normalisation avec l’État hébreu doit commencer avec le début du retrait israélien des territoires occupés, ou à la fin de ce processus. En bref, s’il faudra bâtir sur des déclarations d’intention ou des actes concrets. Une seconde source de difficulté concerne l’arrêt de la violence sur le terrain. Il est évident que cet arrêt doit être concomitant et s’accompagner d’un retrait israélien aux lignes de démarcation de septembre 2000. Le déploiement d’une force internationale de paix pourrait, à ce niveau, s’avérer utile, voire indispensable. Cette force pourrait superviser des élections palestiniennes qui dissiperaient toute possibilité de contestation – notamment par Ariel Sharon – de la représentativité des dirigeants palestiniens, et préparer une reconnaissance internationale d’un État palestinien et de son premier gouvernement élu. Un gouvernement qui négocierait ensuite, avec Israël, les points litigieux toujours en suspens entre les deux États, et conclurait pour finir un accord de paix. Politique-fiction ? Qui peut le dire. Avant de se lancer dans sa «croisade» antiterroriste, le président américain avait déclaré qu’un État palestinien fait partie de sa vision pour la région. Depuis, on en est venu à mieux apprécier ce que déclarait Brezinski, l’ancien secrétaire à la Sécurité nationale du président Jimmy Carter : «Laisser à eux-mêmes les Palestiniens et les Israéliens conduit à la guerre, non à la paix. Parler de paix, sans projet concret, c’est s’engager dans un conflit interminable. Tout projet américain doit nécessairement recevoir l’appui de l’Europe, de la Russie et des Nations unies, pour que le succès en soit garanti». Le gouvernement israélien a posé comme condition préalable à la reprise des pourparlers de paix la cessation de la violence. Washington a endossé cette condition, ainsi que certains États européens, sans pour autant qu’un mécanisme d’exécution soit mis en place pour la concrétisation d’un tel préalable, et sans que l’idée de l’envoi d’une force internationale ne soit sérieusement envisagée. De même, sans qu’Israël ne se montre disposé à lever le blocus qui frappe les territoires autonomes. Des développements positifs pourront-ils être attendus, avant la date du sommet de Beyrouth, en sorte que l’on sache plus clairement dans quelle direction s’engage le Moyen-Orient, celui de la paix globale, ou celui de la guerre totale ? Émile KHOURY
C’est, jusqu’à présent, sans aucune commune vision de ce que devrait être un règlement de la crise régionale que les pays membres de la Ligue arabe projettent de se retrouver, fin mars, à Beyrouth. L’escalade de la violence en terre de Palestine vérifie, dans les faits, le sombre diagnostic formulé par le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, lors de son...