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Actualités - CHRONOLOGIE

Débat budgétaire - Haro sur la nouvelle politique fiscale Pluie de critiques parlementaires contre le gouvernement(photo)

Il ne s’est pas trouvé un seul député, parmi les sept qui ont pris hier la parole durant la séance matinale du débat budgétaire, pour trouver que la politique économique du gouvernement est à même de briser le marasme et de stimuler une croissance et encore moins d’assainir les finances publiques. L’an dernier déjà, le gouvernement avait été sérieusement malmené, au cours de l’examen du projet de budget 2001, mais la majorité parlementaire s’était contentée à l’époque de critiquer les orientations économiques générales du gouvernement. Les interventions d’hier se sont caractérisées par un souci du détail et une abondance de chiffres pour souligner que la situation économique va de mal en pis et que la politique de redressement suivie par le gouvernement est inopportune. Si les mesures adoptées par l’équipe Hariri pour assainir les finances publiques ont été jugées déplacées, c’est parce qu’elles tablent principalement sur l’accroissement des taxes et qu’elles occultent des sources de revenus de nature à drainer d’importantes sommes au Trésor, comme les amendes pour l’occupation illégale du domaine public maritime. Les parlementaires qui se sont succédé à la tribune ont relevé une incohérence et une contradiction dans la politique gouvernementale. Ils ont tiré pratiquement la sonnette d’alarme, en s’interrogeant sur les moyens dont dispose la Banque du Liban pour continuer à soutenir la livre au moment où ses avoirs en devises semblent diminuer. «Si nous voulons faire semblant d’être optimiste, nous dirons : nous sommes proches de la catastophe», a déclaré M. Georges Dib Nehmé à un moment donné. Curieusement, la virulence des interventions parlementaires contrastait avec le ton modéré, voire bienveillant, du communiqué de la commission des Finances et du Budget, qui s’est contenté d’évoquer en termes de généralités le style d’action du gouvernement en matière économique, tout en y relevant des lacunes importantes. «Malheureusement, nous devons ouvrir la séance par une minute de silence à la mémoire des députés-martyrs, Élie Hobeika, Jean Ghanem, Chawki Fakhoury, Salem Abdel Nour et Abdallah Ghotaymé». C’est par ces mots que le président de la Chambre, Nabih Berry, ouvre le débat budgétaire dans une salle comble. M. Hussein Husseini est, comme toujours, le premier à prendre la parole pour soulever un point de procédure. Cette fois, c’est exactement celui qu’il avait soulevé l’année dernière et qui avait failli entraîner un report de la réunion : le préambule du budget est-il considéré par le gouvernement comme faisant partie intégrante du projet ou comme un document séparé ? Il y a d’autant plus lieu de poser la question, souligne M. Husseini, que le gouvernement a approuvé le préambule dimanche après l’avoir distribué aux députés (vendredi). Le chef du gouvernement, Rafic Hariri, a l’air excédé. Il pianote nerveusement avec un stylo. Un débat sur le délai de transmission du préambule de la loi à la Chambre s’engage. Heureusement, il ne s’éternise pas et prend fin avec la promesse de M. Hariri d’envoyer le texte au Parlement, l’année prochaine, un mois après la transmission du projet de budget. M. Berry demande aux parlementaires d’élaborer une proposition d’amendement de la loi sur la comptabilité publique en ce sens. Après la lecture des rapports de la commission parlementaire des Finances et du Budget et du ministère des Finances, le débat s’ouvre par une captivante intervention de M. Nassib Lahoud (voir page 3), député du Metn, qui est immédiatement suivi à la tribune de M. Youssef Maalouf, Un brin sarcastique, le député de Zahlé condamne la politique fiscale et économique du gouvernement, ce qui l’amène tout naturellement à annoncer au terme de son intervention qu’il n’est pas question pour lui d’approuver le budget et que son opposition s’assimile à une motion de censure. M. Maalouf critique le gouvernement parce que sa politique d’assainissement financier se fonde sur les taxes indirectes «qui accablent les couches les moins nanties de la population» et parce qu’elle «manque de transparence». Il le critique aussi pour l’échelle des priorités qu’il a établies, reflétées, selon lui, dans les lois-programmes. «Est-il possible de consacrer 120 milliards de livres à un projet de construction de ports de pêche, dont l’exécution s’étale jusqu’en 2008 et de laisser aujourd’hui des régions entières sans eau et sans électricité ?», s’indigne-t-il avant de dénoncer les pratiques politiques au Liban, en raison de leur impact, dit-il, sur la situation économique. Il s’en prend à la Chambre sans entraîner, curieusement, la moindre réaction de la part de M. Berry. Ce qui l’indigne, c’est que les décisions du Parlement soient prises à l’avance. «J’ai appris par les journaux que la loi sur la TVA allait être votée en tant qu’article unique et c’est ce qui est effectivement arrivé le lendemain, en dépit de toutes nos protestations. Vous ne nous avez même pas laissé débattre du texte auquel des amendements auraient pu être introduits. Depuis 1992 jusqu’aujourd’hui, nous ne votons pas, nous approuvons. Nous n’élisons même pas nos présidents», tonne-t-il, révolté. Il stigmatise «les interventions extérieures» dans les nominations administratives «qui relèvent, pourtant, du seul domaine du gouvernement», qu’il épingle au passage, en affirmant que de nombreux ministres ignorent tout du projet d’association libano-européenne et «changent de sujet quand ils sont interrogés sur ce dossier». «Je crains que nos dirigeants soient aussi dans l’ignorance», poursuit-il pendant que M. Berry réplique : «Fleyhane sait», en allusion au ministre de l’Économie. À l’instar de M. Lahoud, c’est, chiffres à l’appui, que M. Abbas Hachem, député de Jbeil, relève que le plan du gouvernement est loin d’être la solution aux problèmes qui se posent dans le pays. La principale idée de son argumentation est que les mesures prises par l’État ne sont pas suffisantes pour éponger la dette publique, «dont le service a dépassé les 3 milliards de dollars à la fin de l’année dernière», réduire le déficit budgétaire et doper l’économie. Selon ses explications, les recettes qui seraient obtenues grâce à la privatisation de certains services publics (3 milliards de dollars) et peut-être des permis d’exploitation du réseau GSM (2 milliards de dollars) réduiront légèrement le poids de la dette publique en la ramenant à 23,7 milliards de dollars. «Et que ferons-nous pour le reste, surtout lorsqu’on aura tout vendu ?», s’interroge M. Hachem. Il se félicite de ce que la Banque du Liban entreprend pour soutenir la livre. «Cette politique, relève-t-il cependant, reste possible tant que la Banque centrale trouvera des moyens pour alimenter ses réserves en devises. Heureusement que la loi n’oblige pas cet organisme à publier ses avoirs en devises : on aurait su à quel point l’état des finances publiques est grave et la marge de manœuvre de la BDL, qui a récemment contraint les banques opérant au Liban à placer auprès d’elle 15 % de leurs avoirs en monnaie étrangère, a été réduite». À l’instar de M. Lahoud aussi, le député ne se contente pas d’exposer le problème, mais propose une série de solutions. Outre les rentrées en devises que le gouvernement est, selon lui, contraint d’assurer régulièrement s’il souhaite éviter une aggravation de la dette, M. Hachem souligne la nécessité de doter le secteur privé de moyens à même de renforcer son pouvoir concurrenciel et de réduire le volume du secteur public «qui draine près de 40 % du PIB». Bien qu’il axe une bonne partie de son intervention sur le contentieux libano-israélien, M. Abdallah Cassir, député du Hezbollah, survole la politique économique du gouvernement pour conclure qu’elle est contradictoire. Il s’attarde sur deux points principalement : les taxes incluses dans le projet de budget et l’abaissement des prestations sociales «en dépit de l’engagement pris dans la déclaration ministérielle de ne pas relever les taxes et d’accorder une attention particulière au dossier social». «Cette contradiction montre que le gouvernement opère par tatônnements», déplore-t-il, avant de faire remarquer que le service de la dette s’est accru cette année de près de 4 % : il est passé de 43, 43 % à 47, 75 %. «Nous souhaitons que la démonstration de force gouvernementale se concentre sur le règlement de nos problèmes financiers et non pas sur la politique d’austérité qui a valu à l’ancienne équipe ministérielle d’être vivement critiquée par ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir», rappelle-t-il. Le chef du gouvernement n’est cependant pas là pour entendre le flot de critiques adressées à son équipe. Il est sorti juste après la lecture du rapport du ministère des Finances, à cause d’un mal de dos qui l’empêche de rester longtemps assis. M. Gebrane Tok tente de souligner le bon et le mauvais côté de la politique économique en vigueur, se félicitant de la volonté du gouvernement d’œuvrer pour réaliser un excédent au niveau du budget primaire, tout en jugeant que l’Exécutif se doit de déployer des efforts énormes pour atteindre ses objectifs et qu’il lui sera difficile de juguler la crise économique sans l’aide des organismes internationaux concernés. Après Neemetallah Abi Nasr dont l’intervention est plus politique qu’économique (voir par ailleurs), c’est M. Georges Dib Nehmé qui prend la parole pour appeler à une révision «radicale de la politique socio-économique» partant du principe que le gouvernement «n’a qu’un seul souci : réduire le déficit budgétaire, sans tenir compte de la situation économique et sociale dans le pays». Selon le député du Chouf, l’Exécutif ne semble s’intéresser qu’à accroître ses recettes par le biais de nouvelles taxes, pour combler le déficit «sans étudier l’impact social de ces augmentations». Il réprouve «l’absence de tout calendrier-programme pour stimuler la production locale, l’absence également d’un plan de développement et du peu d’intérêt que le cabinet accorde aux difficultés de la population qui, si elles se poursuivent, risquent de menacer la paix sociale». Et pour illustrer la situation sociale dans le pays, M. Nehmé donne lecture des résultats d’un recensement effectué par une compagnie privée au cours du dernier trimestre de 2001 : «83 % de la population ne sont pas capables de dépenser en fonction de leurs besoins, 67 % sont obligées de recourir aux emprunts, 3 % parviennent à épargner et 50 % estiment que la situation économique risque de déboucher sur une catastrophe». Tout en se disant en faveur de la TVA, le député du Chouf estime que le gouvernement a fait preuve de précipitation en l’appliquant, d’autant qu’au Liban, note-t-il, sa mise en vigueur est destinée à réduire le déficit budgétaire «et non pas à financer des projets de développement économique et social». La séance matinale se termine avec M. Nehmé qui prononce son intervention devant une vingtaine de députés. Malgré la remarque du président de la Chambre, qui avait expressément demandé aux parlementaires de suivre le débat, l’hémicycle s’était presque vidé dès que M. Nassib Lahoud avait achevé son intervention. Tilda Abou Rizk
Il ne s’est pas trouvé un seul député, parmi les sept qui ont pris hier la parole durant la séance matinale du débat budgétaire, pour trouver que la politique économique du gouvernement est à même de briser le marasme et de stimuler une croissance et encore moins d’assainir les finances publiques. L’an dernier déjà, le gouvernement avait été sérieusement malmené,...