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Actualités - INTERVIEWS

Élections - Quelle loi électorale pour 2004 ? Le politologue Abdo Saad : La proportionnelle pour une meilleure représentativité

Dans deux ans, sauf imprévu, le Liban sera doté d’un nouveau Parlement. Si les politiciens pensent déjà à cette échéance, les autorités, elles, observent le silence le plus total. Comme s’il ne fallait pas rompre la tradition instaurée depuis 1992, selon laquelle la loi électorale est présentée peu de temps avant le scrutin, pour permettre à «ses parrains» d’en contrôler le déroulement. Nous avons pourtant commencé à sonder certaines parties. Après Boutros Harb, partisan d’une petite circonscription, voici l’avis de Abdo Saad, politologue, sympathisant du Hezbollah, qui penche, lui, pour un système de proportionnelle. Abdo Saad peut parler pendant des heures de son projet de système électoral. D’autant que ce texte est, affirme-t-il, le fruit d’une longue réflexion et d’une riche expérience. Originaire du Sud, Saad a, en effet, activement participé à la mise sur pied de la machine électorale du Hezbollah. Il n’en jure pas moins que son projet ne vise en rien à favoriser celui-ci, mais à assurer une meilleure représentativité. «Toute la classe politique se dispute sur la taille de la circonscription, mais à mon avis, c’est le mode du scrutin qui est le plus important. Le système actuel assure une représentativité à 40 %, car la loi majoritaire ne permet pas à toutes les parties d’avoir un poids électoral. Prenons l’exemple du PCL, qui peut regrouper au total quelque 25 000 voix au Liban-Sud. Comme ces voix ne sont pas concentrées en un seul lieu, si l’on adopte la petite circonscription, les voix sont dispersées et l’influence du PCL est quasiment nulle. Et, dans le cas d’une grande circonscription, il ne fait pas non plus le poids face aux grands groupes : Hariri, Hezbollah, Amal». La dimension de la circonscription importe peu Selon le politologue, le découpage de 2000 visait à affaiblir l’actuel président du Conseil et le leader du PSP : Hariri voulait deux circonscriptions au plus à Beyrouth et Joumblatt voulait que Aley et le Chouf ne soient pas reliés à Baabda. Les autres forces avaient besoin d’alliances pour remporter des sièges. Selon ceux qui ont suivi sur le terrain la campagne au Sud, sans l’intervention des Syriens, le Hezbollah aurait raflé tous les sièges, d’autant qu’il dispose de plus de possibilités d’alliances qu’Amal. Pour éviter de telles situations, Saad préconise un système de proportionnelle, basée sur une seule circonscription, même si en définitive, la dimension de la circonscription importe peu. «Je sais, cela effraie les chrétiens, mais cela ne devrait pas», précise Saad. La plus grosse erreur serait, à ses yeux, de négliger le découpage confessionnel, «car cela entraînerait un plus grand sentiment d’appartenance confessionnelle. C’est pourquoi, même si les sièges maronite de Tripoli et protestant de Beyrouth ne semblent pas très justifiés, il faut les garder pour ne pas remettre en cause la stabilité politique». La démarche est simple : pour éliminer la situation confessionnelle, il faut que les confessions se sentent rassurées et, pour cela, elles doivent se sentir représentées de façon juste. Selon Saad, il y avait pratiquement 1 200 000 électeurs inscrits en 2000, dont près de 400 000 chrétiens et les autres musulmans. Toujours selon lui, ce déséquilibre n’a rien à voir avec des questions politiques. Il est dû à l’émigration qui est plus importante chez les chrétiens qu’au sein des autres communautés. Limiter les interventions étrangères Le système actuel a pour résultat que les députés chrétiens sur les listes d’Amal et du Hezbollah représentent les forces politiques qui les appuient, non leurs communautés. C’est donc cela qui doit changer. Comment ? Saad propose de garder le mohafazat comme circonscription électorale mais d’imposer le système de listes fermées, c’est-à-dire non susceptibles d’être modifiées par l’électeur (sans panachage). N’est-ce pas une limitation à la liberté de vote ? «Non, répond Saad. Il s’agit simplement d’habituer l’électeur à voter pour une politique, non pour une personne. Ainsi, l’intérêt commun est favorisé aux dépens de l’intérêt personnel et cela crée une culture politique qui remplace le sentiment confessionnel». Dans ce projet, la liste est formée par un parti et ses alliés. La liste qui remporte 30 % des voix obtiendra 30 % des sièges de la circonscription, avec un minimum : obtenir 10 % des voix. En choisissant sa liste, chaque électeur mettra une croix devant le nom de son favori et cela permettra de déterminer la tête de liste ainsi que les autres noms. Selon son auteur, ce système favorise l’émergence de partis et permet à chaque voix d’être importante. De même, il limite les interventions extérieures : par exemple, si tel pôle politique veut imposer son candidat sur une liste, il y figurera, mais s’il n’a pas d’électeurs, il n’obtiendra pas les petites croix qui lui permettront d’être choisi dans le pourcentage. Cela peut paraître compliqué, reconnaît Saad, mais il affirme que son système est le plus moderne et le plus en mesure d’assurer une bonne représentativité. C’est peut-être pour cette raison qu’il ne sera pas retenu… Scarlett HADDAD
Dans deux ans, sauf imprévu, le Liban sera doté d’un nouveau Parlement. Si les politiciens pensent déjà à cette échéance, les autorités, elles, observent le silence le plus total. Comme s’il ne fallait pas rompre la tradition instaurée depuis 1992, selon laquelle la loi électorale est présentée peu de temps avant le scrutin, pour permettre à «ses parrains» d’en...