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Actualités - OPINION

Halte définitive à la « querellite », clament les instances religieuses

Dur hiver pour les Libanais. Ce pays de lait et de miel manque cruellement de liquides. Pas de fuel, pas d’argent. Et même pas assez d’eau dans les robinets, malgré le déluge. Le froid, la faim, la misère qui s’étend, les forces actives qui s’en vont. Pour aggraver cette détresse, une caste politique inconsciente qui se livre à de grotesques luttes de soi-disant pouvoir. Il n’est donc pas étonnant d’entendre tonner en chaire les prédicateurs, toutes fois confondues. Résumant ces sermons, qui unifient la mosquée et l’église, un dignitaire religieux proclame en substance que «la coupe est pleine à ras-bord. Plus personne ne doit se taire. Il n’est pas admissible que le cycle alternatif de disputes et de pseudo-réconciliations entre les dirigeants se poursuive. Ces promesses d’entente éternelle qu’ils font en chœur après chaque rabibochage de fortune, qu’ils nous en dispensent. En ouvrant enfin les yeux et les oreilles. Pour constater le tort fatal que leurs tiraillements, leur égoïsme aveugle et sourd causent à l’intérêt national. Leurs pratiques découlent d’un culte d’influence ou de réflexes de vanité qui dénotent un sens du discernement complètement faussé. Une sorte d’autisme pathologique qui les rend irresponsables, au double sens du terme. En effet, ils n’ont pas l’air de se rendre compte de ce qui se passe autour d’eux. C’est ce que nous préférons croire. Car s’ils étaient un tant soit peu conscients des effets néfastes de leur comportement, ils n’hésiteraient pas à en changer. Sauf à accepter d’endosser devant l’histoire la forfaiture ainsi commise contre une population aux abois qui leur a confié ses destinées». Il est donc grand temps que les princes au bois dormant se réveillent. «D’autant, enchaîne le prélat, qu’en s’entêtant dans leurs affrontements de boucs sur une passerelle, ces pôles rendent pratiquement impossible toute conciliation locale. Et aliènent encore plus notre indépendance, en n’acceptant d’entendre que les médiateurs syriens. Accréditant par là la thèse que les Libanais ne sont pas capables, ne sont pas dignes d’exercer un droit quelconque à l’autodétermination». Cette personnalité révèle à ce propos que du temps du président Hraoui, un ministre influent lui confiait ce secret de Polichinelle : «La durée de vie des gouvernements reste chez nous inversement proportionnelle à leur cohésion. C’est dans la mesure où les responsables se disputent qu’ils peuvent espérer rester en place. S’ils s’entendent, ils sautent aussitôt». En somme, la bonne vieille règle romaine du diviser pour régner par l’arbitrage. Et de poursuivre, en déduisant de l’actualité même que «le procédé initial reste manifestement en (pleine) vigueur. À preuve que l’on s’applique toujours à mettre sur pied des cabinets de bric et de broc, formés de clans qui ne peuvent pas s’entendre. Unis, uniquement, par une même soif de pouvoir et une même soumission aux tuteurs. Ces équipes disparates, forcément querelleuses, sont aussi instables que la majorité parlementaire qui va toujours dans la direction du vent soufflé d’en haut. En se montrant docile, le cas échéant, au point de se renier sans vergogne, du jour au lendemain, quand on le lui dicte par remote control». Comme ce fut le cas, il n’y a pas si longtemps, pour la refonte du code de procédure pénale. Ou encore, antérieurement, pour la loi électorale. Texte essentiel qui fut étonnamment décrié à l’époque par ses signataires eux-mêmes, le président du Conseil en tête. «Comment se dégager du cercle vicieux ? se demande le pôle spirituel, comment obtenir que chaque institution fonctionne sans dérapage, sans empiètement de prérogatives ? Comment assurer la stabilité politique du pays ? Comment l’affranchir de toute tutelle sans provoquer l’effritement du pouvoir ou une désagrégation intérieure» ? «Peut-être, répond-il, en commençant par confirmer le diagnostic de base. À savoir la non-observance des principes fondamentaux de Taëf. L’application de cette charte a été gravement tronquée. Le système démocratique parlementaire s’est trouvé bloqué, au point que le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli, n’hésite pas à remarquer qu’il lui faudrait un traitement médical, pour redonner vie à ses institutions. Ajoutant que les forces politiques qui participent du système ne veulent pas d’un ordre déterminé, mais seulement la possibilité d’en tirer profit à des fins personnelles. L’on ne peut qu’approuver ce point de vue critique. Il est donc nécessaire, comme le demande M. Ferzli, de rééquilibrer la balance au niveau des pouvoirs. En appelant le chef de l’État à s’emparer au besoin d’un bâton pour ranimer les institutions constitutionnelles, protéger le Parlement et le Conseil des ministres, la magistrature dans leur fonctionnement, en veillant au respect des règles de sélection des cadres de la Fonction publique. M. Ferzli estime en outre, et nous lui donnons raison, que l’élection d’un président de la Chambre pour la durée de toute la législature affecte les rapports entre le perchoir et les députés, en affaiblissant l’institution en tant que telle». M. Ferzli pense en tout cas que si confrontation il doit y avoir, elle doit se situer à l’intérieur du Parlement ou du Conseil des ministres, non au niveau des trois présidents. Car leur entente, quand elle se produit, gomme le rôle des institutions et leurs querelles les paralysent. Cependant, pour le fond, le dignitaire religieux cité rappelle en conclusion que «le ver est dans le fruit. En partie à cause des failles de Taëf, en partie à cause de sa mauvaise application, conduisant à des comportements erratiques. Il faut, pour réhabiliter les institutions, commencer par élaborer une loi électorale juste, équilibrée, assurant une saine représentation populaire, donnant une Chambre véritablement souveraine. Une Assemblée capable de veiller à la formation de gouvernements à la hauteur, et d’en contrôler les actes. C’est là une condition indispensable pour que le pays puisse reprendre confiance». Émile KHOURY
Dur hiver pour les Libanais. Ce pays de lait et de miel manque cruellement de liquides. Pas de fuel, pas d’argent. Et même pas assez d’eau dans les robinets, malgré le déluge. Le froid, la faim, la misère qui s’étend, les forces actives qui s’en vont. Pour aggraver cette détresse, une caste politique inconsciente qui se livre à de grotesques luttes de soi-disant pouvoir....