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Actualités - ANALYSES

Les dirigeants s’entendent entre eux, mais sur des bases différentes

Guy Béart, enfant chéri de Gemmayzé où dit-on il fut élevé, chantait joliment le contraste classique entre la raison et le cœur. Pour le parodier un peu, on peut juger aujourd’hui qu’en vertu des grands sentiments, le Liban ne lâche ni le Hezbollah ni, a fortiori, la Syrie. Mais qu’en vertu des grands principes de la gravité universelle, il sait trop bien qu’il ne fait pas le poids face aux USA. Et se trouve obligé de leur lâcher du lest. L’avantage de cette rengaine c’est qu’on peut facilement inverser les équations. En estimant, par exemple, que c’est par principe qu’il faut rester jumelé avec Damas. Et par sentiment qu’il ne faut pas divorcer avec Washington. Si l’on y regarde de plus près, d’ailleurs, on constate que c’est dans cette distinction psycho-politique que réside la différence de fond entre les tenants du pouvoir. C’est-à-dire entre les présidents Lahoud et Berry d’une part et le président Hariri d’autre part. Les premiers tiennent avant tout à l’alliance organique avec la Syrie, qui, heureusement, ne leur conseille pas de défier les États-Unis. Et le deuxième se préoccupe en premier lieu de ne pas trop fâcher l’Oncle Sam qui, heureusement, ne lui demande pas de se dresser contre la Syrie. Bien sûr, cette façon de voir les choses peut paraître tendancieuse ou manquer objectivement de nuance. Il n’en reste pas moins qu’à l’heure du tout-économique, les affinités connues de chacun, le penchant des uns pour le dirigisme dit social et de l’autre pour le libéralisme dit sauvage, sous-tendent fortement les penchants en matière de politique étrangère. Autrement dit, la situation au sein du pouvoir se résume à l’existence de deux courants distincts, sans être opposés, du moins pour le moment. Car les contradictions au sujet du Hezbollah, qui avaient provoqué naguère un conflit mal camouflé entre les présidents, se sont trouvées en quelque sorte résorbées, gommées par le souffle des attentats du 11 septembre. Le profil bas s’impose de lui-même désormais. Et le compromis est tout trouvé : verbalement, le droit à la résistance se trouve réaffirmé avec d’autant plus de fermeté qu’il faut le distinguer du terrorisme ; mais, sur le terrain, plus de galipettes, jusqu’à nouvel ordre. L’équilibrage d’une pareille balance n’a été rendu possible que par la volonté syrienne de laisser sa chance à l’initiative Powell. Il est en effet évident que sans l’influence décisive de Damas, Beyrouth n’aurait pas pu attendre du Hezbollah un respect de la trêve souhaitée. Tout semble cependant devoir marcher sur des roulettes. Car, par chance, au moment où un consensus discret s’ébauche entre Washington et Téhéran au sujet d’une solution en Afghanistan, l’Iran non plus ne cherche pas à trop titiller les Américains. Sans compter que selon plusieurs sources concordantes et fiables, les rapports entre le Hezb et la République islamique, qui aurait retiré ses conseillers militaires (une centaine), seraient plutôt distendus actuellement. On dit même que dès le début de l’an prochain, il n’y aurait plus de versement de subsides sociaux ou autres. Et l’on relève l’insistance du Hezb à affirmer ces derniers temps sa profonde libanité. Il n’en reste pas moins qu’il faut faire attention à des dérives, des maladresses d’officiels locaux, toujours possibles. Ainsi, alors que M. Farouk el-Chareh se refuse catégoriquement pour sa part à reprocher aux États-Unis d’exercer des pressions, certains loyalistes ne cessent pas de se plaindre des exigences US au sujet du Hezb. Ils continuent à critiquer, par exemple, les déclarations dirimantes de Mme Condoleezza Rice. En se posant des questions «machiavéliques» sur la partie qui manipulerait les Palestiniens du camp d’Ain el-Héloué. ` Ces mêmes cadres vont jusqu’à estimer que Washington met le paquet contre le Liban et le place sur l’avant-scène, ce qui ne paraît pas conforme aux réalités courantes. Qui se manifestent au contraire par une certaine indifférence, illustrée par le report désinvolte de la visite que devaient effectuer dans ce pays les envoyés US dans la région, le général Zinni et M. Burns. Autre défaut de la cuirasse du côté des loyalistes libanais : ils ont un peu trop tendance à parler au nom du Hezbollah ou comme s’ils en connaissaient parfaitement les intentions. Ainsi, bien avant que la Syrie ne fasse savoir qu’elle favorisait la trêve, ces cadres libanais ont cru pouvoir promettre à la délégation du Congrès américain que les armes ne parleraient plus au Sud. Interrogés alors sur les rapports entre le Hezbollah, l’intifada et les mouvements radicaux palestiniens, ils ont soutenu que ces liens n’existaient pas du tout.
Guy Béart, enfant chéri de Gemmayzé où dit-on il fut élevé, chantait joliment le contraste classique entre la raison et le cœur. Pour le parodier un peu, on peut juger aujourd’hui qu’en vertu des grands sentiments, le Liban ne lâche ni le Hezbollah ni, a fortiori, la Syrie. Mais qu’en vertu des grands principes de la gravité universelle, il sait trop bien qu’il ne fait...